Expo Philarmonie de Paris/ Barbara (Vidéo)

Présentée à la Philharmonie de Paris vingt ans après la disparition de la chanteuse, l’exposition Barbara offre plus qu’un hommage de circonstance. C’est un portrait vivant qu’elle retrace, incarné par des archives exceptionnelles et par l’émotion que l’artiste continue d’imprimer dans l’esprit et le cœur de ceux qui ont créé l’exposition : sa commissaire tout d’abord, Clémentine Deroudille, amoureuse insatiable de la chanson française, Bernard Serf, neveu de Barbara, dont la générosité fut décisive à ce projet, et tous ceux qui, anciens familiers ou admirateurs dévoués, ont spontanément ouvert leur collection ou leurs souvenirs – comme s’ils lui étaient éternellement redevables.

Dresser le portrait vivant de Barbara, vingt ans après sa mort, impliquait d’en revisiter le mythe, et notamment l’image figée et monolithe qui la résument trop souvent : celle d’une femme en noir qui chante sa tristesse. Par les nombreuses photographies, vidéos d’archives, correspondances ou même messages- répondeurs rassemblés, l’exposition dévoile le quotidien de la chanteuse pour l’incarner vraiment, dans son identité plurielle. Ses débuts maladroits à Bruxelles, les tricots qu’elle filait à Précy, sa dépendance au Zan comme aux somnifères… autant de petits gestes, volontairement anecdotiques, qui animent toute la complexité d’une personnalité. À rebours de l’image sombre que l’on garde parfois exclusivement de Barbara, la scénographie de l’exposition, signée par deux grands talents du cinéma et de l’opéra, Christian Marti et Antoine Fontaine, relaie aussi l’aura rayonnante de la chanteuse. Car Barbara elle-même, dans ses propres concerts, aimait se mettre en scène, vibrante et lumineuse, à l’image des célèbres concerts de Pantin donnés en 1981, dans un chapiteau implanté justement sur l’actuel site de la Philharmonie.

Restituer la part vivante de Barbara, c’est également lui reconnaître la capacité peu commune de réinventer sans cesse le fil de sa carrière. Certes, sa silhouette allongée et sertie de noir a peu évolué. Mais la chan- teuse qu’elle fut se défendait d’être « fonctionnaire ». Le temps long de sa carrière fut celui d’expériences toujours renouvelées, voire de chemins de traverse. En 1986, l’étonnante comédie musicale Lily Passion la dévoilait ainsi au public en… récitante, aux côtés de Gérard Depardieu, seul chanteur du spectacle. Voici l’un des mérites de cette exposition : ouvrir le regard sur l’aventurière véritable que fut Barbara. Car si l’oreille retient volontiers le style identifié des seules chansons des années 1961-1965 (Dis quand reviendras-tu ?, Göttingen, Nantes…), le cheminement de sa carrière montre au contraire qu’elle a sans cesse renouvelé son rapport à la scène, expérimenté d’autres écritures, d’autres langages musicaux, quitte à se tromper, quitte à essuyer des échecs.

Évoquer Barbara au présent, c’est trouver enfin, au cœur d’une œuvre et d’une personnalité, le relai de réflexions toujours pressantes. Parmi elles, la question de l’identité des femmes, aujourd’hui éminemment politique, est primordiale. Historiquement, Barbara fut l’une des toutes premières femmes à avoir imposé une carrière d’auteur-compositeur. Dès 1964 à Bobino, à l’issue d’un concert de Brassens qu’elle ouvrait en première partie, plusieurs critiques voyaient là l’éclipse des totems masculins de la chanson française. Sans créer une arbitraire hiérarchie des genres, l’exposition de la Philharmonie pointe davantage la couleur si particulière, magistrale et fragile à la fois, de la féminité assumée de Barbara. La chanteuse déployait bien sur scène, comme dans sa vie, une séduction puissante, presque dominatrice. Parce qu’elle courtisait sans détour, parce qu’elle vivait en nomade et affrontait sa fragilité sans pudeur, elle est celle qui, aujourd’hui encore, avive le goût de la liberté – faut-il en payer le prix de la solitude. Or Barbara militait autant par son identité propre, que pour des causes extérieures, elles aussi toujours actuelles. En prise avec l’histoire comme l’actualité, l’exposition de la Philharmonie révèle ainsi les nombreux combats qu’elle mena avec engagement, pour les autistes, les prisonniers, les malades du sida ou encore les prostituées.

Jusqu’au

 

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