“Le territoire tenu dans le centre de Kiev est immense, l’organisation des révolutionnaires est impressionnante !”

Lionel Baland a rencontré pour Nouvelles de France Gabriel Noyer, un nationaliste français qui revient de Kiev. Il a quitté la capitale ukrainienne peu de temps avant les affrontements mortels.

Lionel Baland : Bonjour, Gabriel…

Gabriel Noyer : Tout d’abord, je tiens à vous [NDLR : Lionel Baland] remercier pour le travail d’information que vous faites depuis longtemps à propos de l’ensemble des questions patriotiques européennes. Les sources non-contaminées par le prêt-à-penser sur ce sujet sont rares ! Toutefois, je m’empresse de relativiser l’intérêt dans l’absolu pour les patriotes français de suivre l’évolution de la situation en Ukraine et de se diviser une fois de plus. En effet, en dehors de l’éventualité peu probable d’une Troisième guerre mondiale, que Kiev rejoigne l’Union Européenne ou reste dans la sphère d’influence russe, cela ne change rien dans l’immédiat pour nos compatriotes.

Qu’avez-vous vu à Kiev ?

Une révolution en marche. Le territoire tenu dans le centre de Kiev est immense. Il forme un ensemble continu ponctué de barricades, de sacs de neige ou de sable et de terre renforcés par des poutres métalliques soudées entre elles et des check- points. Mais ce qui impressionne, surtout en tant que Français, c’est l’organisation ! Des milliers de jeunes gens cagoulés et armés qui appartiennent à des groupes, des partis différents et qui travaillent ensemble. Des badges sont distribués aux journalistes, aux responsables politiques et aux miliciens afin de leur permettre d’accéder aux bâtiments contrôlés et gérés par les protestataires. On y trouve un hôpital, une pharmacie, des bibliothèques. Il est possible de manger gratuitement et de se vêtir. J’ai vu plusieurs fois des habitants distribuer des cigarettes et de la nourriture. Certains bâtiments officiels continuent à accueillir au petit matin les secrétaires qui doivent enjamber ceux qui dorment au milieu des couloirs.

Quelle est la composition politique de la contestation ?

C’est une excellente question à laquelle je n’ai pas encore entendu de réponse sincère ! La géopolitique ou l’analyse politique, c’est bien souvent de la bonne grosse propagande avec une cravate et des lunettes ! Quand BHL [NDLR : Bernard-Henri Lévy] et le gouvernement français, à l’unanimité, décrivent des manifestants progressistes pro-européens – entendre par là pro-Bruxelles -, ils mentent. Le gouvernement français est pro-opposition et entraîne dans son sillage tous les médias mainstream dans sa propagande qui peut être qualifiée de propagande de guerre. Le camp national est, par contre, pour une grande part un fervent supporter de Vladimir Poutine et quand on dénonce  des milices extrémistes du côté des pro-Occidentaux on est aussi dans l’exagération.

Je suis bien incapable de vous citer tous les mouvements en présence. Ce dont je peux témoigner, c’est qu’en effet parmi les manifestants et la population de Kiev, une très forte envie de rejoindre l’Europe est présente. L’idée de conditions de vie meilleures et d’un État de droit qu’ils trouveront à l’Ouest est un fait. Idée ou fantasme, nous pouvons en débattre. Ce sentiment est d’ailleurs très largement partagé par de nombreux Européens de l’Est. Sur la place et sur les vêtements des opposants fleurissent les bannières étoilées aux couleurs de l’Union Européenne. Mais il ne faut pas s’imaginer ces « européistes » semblables à ceux de notre pays. Il suffit de parler quelques minutes de mariage gay, théorie du genre ou immigration pour comprendre quel fossé nous sépare de ces peuples. Il faut aussi noter que ces « européistes » passent leur journée à crier « Gloire à l’Ukraine !» et « Gloire aux héros ! ». Ils n’oublient jamais d’accoler au drapeau européen le drapeau national.

Les nationalistes, présents en grand nombre, sont mieux organisés et disciplinés que les autres, probablement plus combatifs. Il y a ceux de Svoboda puis d’autres groupes non présents lors des élections mais qui arborent des emblèmes et des slogans pro-nationalistes. On parle souvent d’antisémitisme, j’ai pourtant vu plusieurs personnes portant des kippas traverser sans problèmes le campement. Les personnes présentes sont unies dans l’adversité autour du drapeau national.

Mais il y a aussi des manifestations en soutien au gouvernement ?

(rire) Il y a, en effet, dans Kiev un anti-Maïdan, un campement de soutien au régime à deux pas du parlement. Mes contacts me l’ont décrit comme un petit rassemblement de manifestants dont la plupart sont des désœuvrés payés par le pouvoir. Toujours curieux, j’ai voulu aller me rendre compte par moi-même et force est de constater que si les tentes étaient plus grandes et mieux installées qu’à Maïdan, je n’ai pu compter qu’une vingtaine de civils ! En revanche, tout le périmètre du campement était protégé par la police anti-émeute. L’imposture de cette contre-manifestation est totale.

Mais pour vous, faut-il souhaiter le succès de cette révolution ?

Là encore, si on observe les deux camps en Occident on se rend compte que les défenseurs autoproclamés de la démocratie veulent faire tomber un président régulièrement élu par la force de la rue. Et le camp national français soutient la Russie supranationale contre le camp des souverainistes !

Alors je ne vais pas invoquer de grandes raisons idéologiques, pour nous patriotes français seul doit prévaloir notre intérêt. Si la révolution aboutit au départ du président Ianoukovitch, soit Svoboda [NDLR : le parti nationaliste ukrainien pro-occidental] apparaîtra avec une légitimité acquise dans la rue et comme un membre à part entière de l’opposition et on peut espérer alors que dans quelques années le parti soit aux portes du pouvoir – et, objectivement, tout pays européen acquis à des valeurs traditionnelles est un espoir – , soit les nationalistes ukrainiens retrouvent leur place d’avant Maïdan et l’Ukraine bascule dans l’Union européenne avec un processus d’intégration et l’on peut s’attendre à de nouvelles tensions dans les années qui viennent quand le désenchantement arrivera.

Si Ianoukovitch reste au pouvoir, les prochaines élections seront probablement l’occasion de fortes tensions et l’on peut prévoir un clivage encore plus fort entre la partie « russophile » du pays et l’Ouest. Le sort des minorités polonaises et hongroises en Ukraine est aussi une source potentielle de conflit. Il faut espérer que cette crise trouve une issue rapide avant que le nombre de morts et l’armement des révolutionnaires rendent tout apaisement impossible.

Une guerre civile est-elle possible ?

Malheureusement oui. Mais comme me l’a confié un responsable politique, les militants sont extrêmement disciplinés et ce que j’ai vu me l’a confirmé. Si les responsables de l’opposition trouvent un accord, ils arrêteront leurs troupes comme un seul homme. Ce pays, comme d’autres à l’Est, a la chance d’avoir été protégé du multiculturalisme et d’avoir conservé certaines valeurs saines. Une situation qui dans notre pays se traduirait par des pillages, des exactions et des conflits ethniques est en Ukraine cantonnée à un affrontement entre opposants politiques.

Ces hommes ont conscience de l’importance et de la gravité de la situation. Malgré la tension ambiante, le souci de préserver l’intégrité physique des manifestants est un souci constant.

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56 Comments

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  • Eric , 19 février 2014 @ 20 h 40 min

    2 questions:
    1/ pouvez vous confirmer ou défirmer que les premiers assassinats sont le fait des révoltés les quels ont provoqués une riposte armée
    2/ Réellement, pensez vous que les Svoboda ont la maitrise des barricades (ce qui semblerait surprenant pour un parti représenté à l’assemblée)

  • Gabriel , 19 février 2014 @ 21 h 18 min

    Eric:
    1) Concernant les morts d’hier je crois que personne n’est aujourd’hui en mesure de savoir réellement ce qui s’est passé. Etant donné la violence des affrontements et le nombre de participants on peut toutefois en déduire que, pour l’instant, l’utilisation d’armes létales est demeurée exceptionnelle. On parle aujourd’hui de 25 morts et on ne sait pas si tous ont été tués par balle. Si l’utilisation d’armes avait été massive on compterait les morts par centaines.
    Concernant ceci ce que j’ai pu constater:
    -la police anti-émeute (uniforme noir) ne portait pas d’armes contrairement à nos CRS ou gendarmes mobiles.
    -J’ai vu quelques armes parmi les manifestants. Mais souvent il s’agit d’armes de faible puissance de type air comprimé et donc non létale. Même du côté des médias pro-russe sur les images récentes que j’ai vu de manifestants armés on reconnaissait une carabine type 4,5mm.

    2) Actuellement plus personne n’a la maîtrise des barricades car les forces de l’ordre sont largement à l’intérieur du périmètre de Maïdan. Les militants de Svoboda comme ceux des autres partis de l’opposition font partie intégrante de l’organisation de la protestation et donc du dispositif humain qui affronte la police. Ce qui est actuellement intéressant c’est de voir Oleh Tyahnybok, le leader de Svoboda, être reçu à la table de négociation avec le président comme les autres partis.

  • Ralph , 19 février 2014 @ 21 h 49 min

    Très bon article.
    Enfin un article mesuré, nuancé, précis. On aimerait que la grosse presse française s’en inspire. On ne veut pas de simplisme ou de manichéisme pour nous décrire ce qui se passe là bas. On veut de l’information, et de l’analyse. Alors merci à NdF pour cet interview !

  • Gabriel , 19 février 2014 @ 23 h 47 min

    1) Personne ne saura avant longtemps qui a tiré le premier lors des derniers affrontements. Ce qui est sûr c’est que la riposte armée a, pour l’instant, était exceptionnelle. On ne parle que de 26 morts pour des affrontements très violents impliquant plusieurs milliers de participants. Si l’utilisation d’armes létales avait été massive on compterait les morts par centaines.
    Je peux en revanche témoigner sur deux points:
    – contrairement à la France la police anti-émeute (uniforme noir) n’est pas armée.
    -J’ai vu très peu d’armes chez les protestataires et que des armes de poing. Certaines n’étaient que des armes à air comprimé.

    Les dernières images fournies par les médias pro-russes mettent en avant des protestataires équipés de carabines type 4.5mm. Ce qui ne veut pas dire que des armes de poing ou automatiques ne sont pas présentes. L’opposition se serait emparé d’un stock d’armes si cette nouvelle était vérifiée ça annoncerait là un vrai tournant. Contrairement aux idées reçues les armes ne sont pas si fréquentes à l’Est, hors des anciennes zones de conflit, dans certains pays du bloc socialiste elles sont même rarissimes tant il était risqué d’en posséder sous l’ère socialiste.

    2) Les militants de Svoboda comme ceux des autres partis sont dans la rue et participent aux actions. Ce qui est plus intéressant c’est de voir le leader de ce parti, Oleh Tyahnybok, négocier avec le président et avec les autres leaders de l’opposition. Ce parti très contestataire et radical parvient à se présenter comme un parti de gouvernement.

  • Eric , 20 février 2014 @ 0 h 55 min

    voir analyse de la situation sur TV liberté
    http://www.youtube.com/watch?v=OfQj5_5HtuY

  • Eric , 20 février 2014 @ 1 h 20 min
  • Français désabusé , 20 février 2014 @ 7 h 30 min

    Une déstabilisation financée par l’axe Europe-USA des plus criminels!

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