Procès Méric: « Un échec retentissant de la défense »

Nous avions interrogé Serge Ayoub avant le début du procès. Il nous donne son analyse maintenant que le jugement a été rendu – sans aménité pour les avocats.

— Quelle analyse faites-vous du procès et du verdict ?

— C’était un procès politique, il y a eu, logiquement, une condamnation politique. Dans ce contexte, je constate un double échec des avocats. Ils n’ont pas réussi à sortir ce procès de l’ornière politique : c’était leur travail. Ils n’ont pas réussi à convaincre les jurés : c’était leur travail. Antérieurement, le premier raté a eu lieu lors de l’instruction. Souvenez-vous, le 5 juin 2013 a eu lieu une rixe. Des coups et blessures volontaires mais réciproques. Les avocats de la défense auraient dû réussir à faire mettre en examen la partie adverse pour coups et blessures, afin de définir les responsabilités de chacun. Non seulement cela n’a pas été le cas, mais en plus les amis de Clément Méric se sont portés parties civiles ! A partir de là, le jugement était donné puisqu’une fois l’instruction terminée il y avait d’un côté les agresseurs, de l’autre les agressés. Ce clivage a perduré tout au long du procès. Beaucoup de gens croient que tout se joue à la barre. Non : à la barre, c’est du théâtre, où va se définir la peine ; mais la culpabilité est fixée par les conclusions de l’instruction, qui émet un jugement.

— Les avocats ont-ils été maladroits ou paralysés par le poids qui pèse sur les « fachos » ?

— L’un n’empêche pas l’autre ! Or quand on est adroit, on n’est pas paralysé, surtout aux assises : là on montre qu’on est un bon avocat en expliquant les choses le mieux possible à la cour et aux jurés – ou bien on montre qu’on ne l’est pas. Les avocats ont choisi la mauvaise stratégie, et se sont excusés de défendre des gens qui avaient eu des idées politiques « condamnables » mais qu’ils n’ont plus. Des avocats cherchant à se dédouaner eux-mêmes, c’est très grave en matière de défense. Qui plus est, ils ont conseillé à leurs clients de répéter qu’ils n’avaient plus rien à voir avec « ces gens-là » – l’extrême droite – comme si « ces gens-là » avaient causé la mort de Clément Méric. Non ! C’est la rixe qui a causé la mort, pas un tatouage, quel qu’il soit. Le dédouanement n’est pas payant ; la contrition non plus. On a fait dire à Esteban qu’il aurait préféré être à la place de Méric, c’était reconnaître implicitement qu’il l’avait fait exprès : quelle erreur ! Il fallait qu’Esteban dise : je suis désolé, d’autant plus que je ne voulais pas cette mort ; j’étais attaqué, je me suis défendu. Au lieu de cela, on a entendu pendant tout le procès : « On ne le refera plus, on a changé. » Non : si demain vous êtes agressé, vous vous défendrez.

— C’est la leçon qu’on retiendra de ce procès, l’échec de la défense ?

— C’est un échec retentissant de la défense. Le doute doit être favorable à l’accusé, mais les avocats n’ont pas réussi à installer ce doute. Cela s’appelle foirer sa plaidoirie ! Là on entre dans la farandole des échecs. Les jurés se sont dit au sujet d’Esteban Morillo et de Samuel Dufour : ce sont de sales gens qui ont de sales idées, condamnons-les au maximum. Le seul qui se soit battu est l’avocat d’Alexandre Eyraud, il a refusé le reniement, la contrition, et il a obtenu l’acquittement. La démonstration est nette, non ?

 

Samuel Martin – Présent

Related Articles