Et si l’on vous (re)parlait un peu de Benalla? (Vidéo)

Macron enfumé par Benalla, imprudent ou complice? Alexandre avait un el passif qu’il était impossible de ne rien savoir… (NDLR)

L’ancien chargé de mission d’Emmanuel Macron, mis en cause par la justice française, a fait ses armes de garde du corps en politique au Parti socialiste. C’est là qu’il est devenu fasciné par les attributs du pouvoir. La cellule investigation de Radio France a découvert qu’il avait demandé un coup de main à Benoît Hamon pour fréquenter l’Assemblée. Octobre 2014. Alexandre Benalla vient de se faire embaucher par la société de sécurité Velours. Le jeune garde du corps a passé plusieurs années au PS, à assurer la protection de la première secrétaire Martine Aubry, puis du candidat à la présidentielle François Hollande et du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg – qui le licenciera au bout de quatre mois. Mais le voilà dans le privé.

Alexandre Benalla, “invité permanent” de Benoît Hamon

C’est pourtant à ce moment-là que Benoît Hamon lui permet de côtoyer à nouveau la sphère politique. Après deux années au gouvernement, le député PS des Yvelines vient de faire son retour dans l’Hémicycle sur le banc des frondeurs. En octobre 2014, Alexandre Benalla passe le voir dans son bureau. “On se connaissait par le service d’ordre du PS, répond Benoît Hamon. Il m’a demandé si je pouvais lui accorder un badge pour qu’il ait un accès à la salle de sport de l’Assemblée. Je n’y voyais pas d’inconvénient, j’ai accepté.” En théorie, ces laissez-passer sont accordés – au compte-gouttes – uniquement à des membres de la famille, à des assistants rémunérés ou à des collaborateurs des partis politiques. Alexandre Benalla, en octobre 2014, n’est rien de tout cela pour le député des Yvelines.

“Je me suis fait enfumer”, dit l’ancien candidat à la présidentielle

L’Assemblée donne pourtant son feu vert, car il est mentionné dans le dossier fourni pour l’accréditation qu’Alexandre Benalla est “chauffeur-assistant au Parti socialiste”. Ce qu’il n’est plus depuis longtemps… Benoît Hamon reconnaît qu’il n’a pas vérifié : “Dans ma tête, je fais un badge à un gars du service d’ordre du PS qui veut aller à la salle de sport. Point barre. Il m’a probablement menti sur ce point.” Benoît Hamon se défend d’avoir produit un “faux” pour obtenir un badge des services de l’Assemblée : “Nous nous sommes basés sur ce que nous disait Benalla.” Et l’ancien candidat du PS à la présidentielle de conclure : “Je me suis fait enfumer !”

Autre point qui peut susciter l’interrogation : contrairement à ce qu’a affirmé Alexandre Benalla devant la commission d’enquête du Sénat, le badge accordé au garde du corps par le député ne lui permettait pas d’accéder à la salle de sport de l’Hémicycle. Dans un mail, les services de l’Assemblée nationale nous ont précisé que “le badge dont bénéficiait M. Benalla lui permettait d’accéder uniquement au bureau de M. Hamon et à la bibliothèque”.

Alexandre Benalla, fraîchement embauché par une société de sécurité privée, s’est-il servi de son badge dans l’Hémicycle, accordé par Benoît Hamon, pour démarcher des parlementaires ? Dans une circulaire rédigée en mai 2013, le président de l’Assemblée de l’époque, Claude Bartolone, mettait en garde les députés contre la délivrance de badges d’invités permanents à des “lobbyistes” qui n’avaient théoriquement rien à faire au Palais Bourbon. Le badge accordé par Benoît Hamon à Alexandre Benalla a été désactivé au bout de huit mois, en juin 2015, selon l’Assemblée nationale.

“Assistant parlementaire sécurité” sur son CV

Ce n’est pas la première fois qu’Alexandre Benalla approche un député pour obtenir un laissez-passer. L’élue de la Somme Pascale Boistard admet lui avoir également fourni un “badge de collaborateur bénévole” en 2013. Là encore, pour qu’il puisse accéder à la salle de sport et à la bibliothèque.

Alexandre Benalla n’a pourtant jamais travaillé au Palais Bourbon. Dans un CV qu’il rédige en 2016 et que nous avons consulté, il mentionne une expérience professionnelle de quatre ans, à l’Assemblée nationale, comme “assistant parlementaire sécurité”. Le jeune homme précise avoir travaillé pour le groupe SRC (Socialiste, républicain et citoyen) et pour la présidence de la commission des Lois. “Il nous a proposé ses services, reconnaît un proche de l’ancien président de la commission, Jean-Jacques Urvoas. Il a peut-être rédigé une note ou deux, sur la sécurité privée. Mais il a été éconduit.” On pourrait donc s’interroger sur sa prétendue expérience professionnelle d’assistant parlementaire pendant quatre ans…

Chef de cabinet bénévole…

En 2016, Alexandre Benalla réussit un nouveau tour de force, grâce à Jean-Marc Mormeck, le boxeur aux multiples titres de champion du monde. Alexandre Benalla l’a rencontré quelques années plus tôt, au siège du PS, à Solférino. Le sportif, né en Guadeloupe, vient d’être choisi par le Premier ministre Manuel Valls pour devenir le nouveau Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer. Jean-Marc Mormeck propose à Alexandre Benalla de devenir son chef de cabinet. Des dents grincent à Matignon. L’équipe du délégué interministériel est au complet et, surtout, ce poste de chef de cabinet… n’existe pas sur le papier. Peu importe. Alexandre Benalla est imposé à la délégation comme “chef de cabinet bénévole”. Le jeune homme s’installe dans les bureaux de la directrice de la communication. En congés le jour de l’arrivée d’Alexandre Benalla à la délégation, celle-ci découvrira ses affaires amassées dans un coin à son retour au travail. Elle postera d’ailleurs les photos de ses affaires sur internet.

… il rédige sa propre lettre de mission

Le poste de chef de cabinet n’existant pas, Alexandre Benalla ne peut obtenir de contrat en bonne et due forme. Matignon suggère donc de lui faire une lettre de mission pour définir les contours de son “travail bénévole”. “Il fallait cadrer les choses”, admet un ancien collaborateur de Manuel Valls, qui ne comprend toujours pas comment l’ancien garde du corps a pu se retrouver propulsé chef de cabinet… Cette lettre de mission, nous l’avons retrouvée et elle suscite l’interrogation. Elle est mal rédigée, avec des fautes de français. Selon nos informations, ce document formel censé “cadrer les choses” aurait été écrit par… Alexandre Benalla lui-même.

Extraits de la lettre de mission destinée à Alexandre Benalla, signée par Jean-Marc Mormeck.
Extraits de la lettre de mission destinée à Alexandre Benalla, signée par Jean-Marc Mormeck. (DR)

Un passeport pour… l’Allemagne

Une fois installé dans les bureaux ministériels, le chef de cabinet “bénévole” demande à obtenir un badge professionnel auprès de Matignon. Une carte “bleu-blanc-rouge” rarement accordée aux salariés de la délégation. Il suggère aussi à Jean-Marc Mormeck de réclamer des passeports de services, qui permettent de passer plus aisément les contrôles aux frontières.

Dans quel objectif ont-ils été demandés en août 2016 pour Alexandre Benalla et Jean Marc Mormeck ? Interrogé sur ce point par la commission d’enquête du Sénat, le boxeur, qui occupe toujours le poste de Délégué interministériel chargé des Français d’outre-mer, fait une réponse étonnante. Selon lui, c’était en perspective d’un déplacement à Munich, en Allemagne, que ces passeports ont été demandés.

\"Les motifs de délivrance du premier passeport de service […] paraissent avoir été constitués artificiellement\". Extrait du rapport d\'information de la commission des Lois du Sénat.
“Les motifs de délivrance du premier passeport de service […] paraissent avoir été constitués artificiellement”. Extrait du rapport d’information de la commission des Lois du Sénat. (DR)

Selon l’entourage d’Alexandre Benalla, ce dernier se serait rendu à plusieurs reprises, en dehors de l’Union européenne avec Jean-Marc Mormeck. Ces séjours étaient-ils en rapport avec les missions de la Délégation ? Des passeports de service ont-ils été utilisés lors ces voyages ? À ces questions, le délégué interministériel n’a pas voulu répondre.Alexandre Benalla a quitté la délégation pour rejoindre l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron, à l’automne 2016. Il n’a jamais restitué son passeport de service. Il l’aurait égaré, il y a quelques mois. Quant à son badge “bleu-blanc-rouge” et son portable professionnel, il ne les aurait jamais rendus non plus, malgré plusieurs relances et un courrier recommandé. La Délégation interministérielle finira par résilier sa ligne de téléphone en juin 2017. L’ancien chef de cabinet bénévole vient alors d’être embauché à l’Élysée.

Sollicité, Alexandre Benalla n’a pas souhaité s’exprimer.

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