Nocciolata contre Nutella!

Si Coca fut un jour obligé de partager le marché avec Pepsi, il se pourrait bien que, à son plus grand dépit, Nutella soit bientôt obligé de se pousser pour laisser de la place à Nocciolata dans les rayons de la grande distribution. À cette différence que, à quelques nuances gustatives près, Pepsi et Coca, c’est blanc bonnet, bonnet blanc, tandis que Nocciolata et Nutella vont se battre sur le terrain de la nocivité alimentaire. Disons, avec une pointe de cynisme, qu’il y a la bonne malbouffe et la mauvaise et que les deux marques se partagent les rôles, l’une s’imposant un minimum d’éthique et l’autre, un maximum de fric. Les lois du commerce laissent rarement trop longtemps une marque en situation de prépondérance quand le produit ne présente pas de spécificités exclusives (nous sommes sur de la pâte à tartiner à base de noisettes et de chocolat, pas un élixir de jouvence breveté par la Nasa), et il est assez rare qu’une marque solidement installée soit à ce point menacée par l’apparition d’un concurrent. Le problème est que, à l’instar du soda aromatisé sucré, la pâte à tartiner chocolatée a créé une telle addiction que toute offre similaire ne peut que rencontrer une demande adéquate. C’est la règle du libéralisme conjugué au phénomène de masse dans une société de consommation : l’abondance de profits suscite toujours des énergies parallèles qui réclament leur part du butin. L’incroyable est que Nutella soit resté seul si longtemps. Encore fallait-il trouver un filon qui grattât la corde sensible d’une pulsion alimentaire collective, en l’occurrence celle de l’overdose de sucre. La proie étant facile, à vaincre sans péril on triompha sans gloire sur le plan mercantile et sans honneur sur le plan nutritionnel. Et puis est arrivé le temps des polémiques et des sujets qui fâchent. Au soda sucré et au burger bombardés à une échelle ultra-industrielle autour de la planète pour installer l’empire du sucre, ce nouvel « édulcorado », s’est donc ajoutée la pâte à tartiner avec ses glucides à la puissance atomique.

ELEMENTS NUTRITIONNELS AVANTAGEUX

Trois aliments de mort potentielle, n’ayons pas peur du terme, si l’addiction qu’ils génèrent conduit à une consommation répétée, voire quotidienne. Il n’en fallait pas plus pour que certains s’en inquiètent, puis s’en indignent, jusqu’à ce que les mondes médicaux et associatifs s’emparent du problème. Les enjeux alimentaires tenant désormais de la sphère politique, nous eûmes même droit à l’amendement parlementaire « Nutella », qui prétendait taxer les produits trop chargés en huile de palme. Et à la valse-hésitation gouvernementale qui aboutit à son torpillage par Marisol Touraine, ministre de la Santé. Il est vrai que le libéral-socialisme n’est pas là pour contrarier le marché, au contraire.

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EN BOUCHE, LA PÂTE DU NOCCIOLATA EST PLUS FINE AU PALAIS ET LE PARFUM DE CACAO, PLUS PRÉCIS

Voici donc qu’un trouble-fête pointe le nez, sans fracas ni tintamarre, en mettant le pied dans la pâte à tartiner. Fondée en 1923 à Asiago, bourgade de l’Altopiano, en Vénétie, au pied des Alpes italiennes, la maison familiale Rigoni se spécialise dans la production de miel, avant de se lancer dans la confiserie. Après un franc succès avec une confiture bio à base de fruits et de jus de pomme, Fiordifrutta, les frères Rigoni se lancent en 2008 dans la pâte à tartiner bio sans huile de palme vendue sous l’étiquette Nocciolata. Ayant demandé deux ans de mise au point à ses concepteurs, ce mélange de sucre de canne, de cacao maigre de Saint-Domingue, de noisettes italiennes, de beurre de cacao, d’huile de tournesol, de lait écrémé en poudre et de vanille de Madagascar issus de l’agriculture biologique se distingue évidemment du contenu d’un pot de Nutella par sa plus forte teneur en noisettes, par l’absence d’huile de palme hydrogénée et par la présence de beurre de cacao et de vrais extraits de vanille. Sur le plan nutritionnel, le Nocciolata présente un taux de calories inférieur au Nutella puisqu’il annonce 520 kcal, contre 544 kcal, avec 4,3 g de glucides et 1,6 g de lipides en moins. On y trouve également un peu plus de protéines et de fibres. Le plus avantageux pour la pâte de la marque Rigoni di Asiago reste toutefois la faiblesse de son taux de graisses saturées, à savoir 6 g par 100 g pour Nocciolata, contre 30,9 g pour Nutella. Une différence qui tient essentiellement à la qualité de l’huile, celle de palme étant plus nocive sur le plan cardio-vasculaire, à forte consommation, que celle du tournesol biologique, du fait de la présence de gras trans consécutifs à son hydrogénation. La proportion plus élevée de noisettes bio dans le Nocciolata est également un élément nutritionnel avantageux d’où provient un intéressant apport en calcium et en phosphore, à raison de 250 mg chacun. Outre l’absence des fameuses graisses hydrogénées, notons également celle de colorants, de conservateurs, d’arômes de synthèse et d’éléments OGM dans le Nocciolata.

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DU NOCIF AU PLUS SAIN

Au niveau des phénomènes organoleptiques, on sent bien à la dégustation que le Nutella est plus gras, plus sucré, plus massif et grossier en bouche que le Nocciolata, dont la pâte est plus fine au palais, le parfum de cacao, plus précis. Les arômes de noisette y sont plus francs et plus appuyés que dans la mixture de Ferrero. Reste enfin l’argument déterminant sur le plan économique, le prix. Il existe évidemment des pâtes à tartiner artisanales signées par de grands chocolatiers dont les tarifs, entre 8 et 12 € pour un pot de 250 g, n’ont rien à voir avec ceux proposés sur le marché industriel. Qu’il soit bien clair qu’en termes de nutrition, s’il y a abus, voire addiction, il convient de renvoyer dos à dos tous ces produits, du plus nocif au plus sain, car une telle dose de sucres et de gras est forcément mauvaise pour la santé. Pour rester dans le registre de la consommation de masse, si nous prenons comme référence comparative le site des supermarchés Auchan, nous y trouvons le pot de 200 g de Nutella à 2,07 € sur la base de 10,35 €/kg, et le bocal de 270 g de Nocciolata à 3,49 € sur la base de 12,93 €/kg. Pour 2,58 € de différence, sans vouloir donner de consigne ou de leçons à personne, il va sans dire que le choix éthique et alimentaire en termes de santé, d’environnement et de plaisir donne un avantage évident à Nocciolata. Nous ne jetons aucune pierre, aucun anathème, mais rappelons que le citoyen consommateur a aussi le droit, à budget comparable et acceptable, de prendre, s’il le peut, ses responsabilités. Puisque nous sommes soumis aux lois d’airain du marché libéral et que les pouvoirs publics ne veulent pas se mouiller, mieux qu’un amendement parlementaire, il y a le droit du peuple à voter avec sa bouche. Pour notre part, ce scrutin-là est sans appel.

Nocciolata, pâte à tartiner au cacao et à la noisette bio, Rigoni di Assiago. Le pot en verre de 270 g : 3,49 €. En grandes surfaces.

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