Les risques du dépistage des cancers du sein (Vidéo)

 

 

Lettre ouverte à Madame Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes

 

Hôtel du Petit Monaco

55, rue Saint-Dominique

75007 Paris

Madame la Ministre,

Le cancer du sein chez la femme, et celui de la prostate chez l’homme, ont la même incidence. Et pourtant les hommes ne se voient infliger ni discours infantilisant, ni courses bleues avec T-shirts de la même tonalité chromatique ou gadgets de partenaires commerciaux, ni incitation par slogans culpabilisants pour les contraindre, dans une désinformation totale, à se soumettre à un dépistage systématique du cancer de la prostate.

En dépit des avis des urologues, la balance bénéfice-risques ne penche pas en faveur du bénéfice, il n’est donc pas recommandé et la population masculine échappe à toute pression organisée à grande échelle.

Au vu des résultats décevants du dépistage organisé du cancer du sein, non seulement dans le programme français, mais dans tous les pays où les campagnes de masse ont lieu, la précédente ministre de la santé, Mme Marisol TOURAINE, a initié une concertation citoyenne en 2016 [1].

Les citoyennes s’y sont clairement exprimées, et leurs revendications énoncées dans le rapport de la concertation sont :

  • L’arrêt d’un marketing et d’une promotion trompeuse et outrancière de ce dépistage,
  • Une réévaluation et modernisation des pratiques médicales à l’aune des avancées de la science,
  • Une information sur les risques et incertitudes du dépistage,
  • Une participation à la prise de décision.

On ne peut accepter que les citoyennes se fassent voler cet exercice de démocratie participative en tolérant que les autorités sanitaires persistent dans leur information obsolète.

 

Car en effet, les derniers supports édités par l’Institut National du Cancer [2], [3] ne répondent ni aux référentiels admis par la communauté scientifique sur la qualité de l’information médicale, ni aux demandes citoyennes d’une information mature, objective, honnête, au nom de l’égalité homme-femme dans l’accès à l’information médicale et au nom du droit à un choix libre et instruit.

Notre collectif, avec d’autres groupes et associations ( UFC Que Choisir, Princeps, Formindep, Dr Dominique Dupagne),  a adressé récemment une lettre ouverte (document joint) à Mme la Ministre de la Santé Agnès BUZYN ainsi qu’aux responsables de L’INCa, restée sans réponse à ce jour [4].

Cette lettre demande une révision expresse des supports d’information.

Il y a trente ans, le dépistage systématique du cancer du sein fut instauré dans l’expectative de faire baisser la mortalité des femmes par ce cancer. Mais cet espoir se heurte de nos jours à des faits scientifiques décevants.

Il faut donc informer les femmes des éléments suivants :

  • La réduction de la mortalité par cancer sein, n’est pas au rendez-vous comme espérée.
  • Les formes graves de cancers du sein ne diminuent pas.
  • Le dépistage par mammographie n’est pas sans risques.

Le surdiagnostic, diagnostic inutile de lésions chez des patientes ne se plaignant de rien et ne mettant pas leur vie en danger, est l’effet adverse majeur. Il est l’objet de multiples publications ces dernières années qui vont toutes dans le même sens.

Un phénomène tout aussi préoccupant s’y ajoute : les femmes subissent une irradiation cumulée du fait des mammographies répétées depuis parfois l’âge de 40 ans, du fait aussi de clichés renouvelés en raison de fausses alertes fréquentes en mammographie. La carcinogénèse de cette irradiation ionisante cumulée est très mal évaluée, et un quart de la population est radiosensible.

Les conséquences du surdiagnostic font basculer la vie d’une femme saine dans celle d’une malade qu’elle n’aurait jamais été sans dépistage.

Les répercussions pour les femmes sont alors dramatiques, d’ordre psychique, social, économique, physique.

Les « allègements thérapeutiques » mis en avant par les médecins qui promeuvent le dépistage ne se retrouvent pas dans les faits.

Ainsi le taux des amputations de seins (mastectomies) par exemple ne fait qu’augmenter dans tous les pays où on a instauré le dépistage systématique, contrairement à ce qui est sempiternellement prétendu dans la presse ou par des leaders d’opinion.

Notre collectif Cancer Rose a lui-même effectué sa propre étude en France mettant en évidence ce phénomène [5].

Mais la France de 2018 est à la traîne par rapport à d’autres pays dans l’information médicale destinée aux femmes.

  1. Le Royaume Uni [6]a précédé la France dans l’exercice de consultation citoyenne.
    A l’inverse des Françaises qui reçoivent une convocation sans explication, avec relances multiples lorsqu’ elles n’obtempèrent pas à l’appel, le livret distribué aux Britanniques mentionne que le surdiagnostic est prépondérant au bénéfice escompté, et que le risque d’induire un cancer du sein par la mammographie répétée existe.
  1. En Belgique [7]les femmes ont accès à des outils de décision qu’elles peuvent même télécharger en fonction de la tranche d’âge dans laquelle elles se situent.
  1. En Allemagne, les femmes reçoivent de chaque caisse fédérale un livret d’information exhaustif, et peuvent consulter des documents scientifiques élaborés par l’Institut Max Planck, société à but non lucratif financée par l’Etat Fédéral et les seize Länder allemands [8]. En marge du document il y a la possibilité de télécharger une « boîte de faits », contenant des données brutes facilitant la compréhension de l’usager, à l’instar de ce qu’ont demandé les citoyennes françaises.
  1. La collaboration Cochrane [9], organisation à but non lucratif indépendante qui regroupe plus de 28 000 volontaires dans plus de 100 pays, propose de la documentation adaptée aux femmes, avec une présentation moderne, qui aurait due être utilisée par les responsables de l’information de l’INCa.
  1. Le Swiss Medical Board, organisme indépendant suisse pour l’analyse et l’évaluation des processus diagnostiques du point de vue de la médecine, de l’économie, de l’éthique et du droit, ne recommande pas le dépistage et publie ses arguments dès 2014 [10], [11].
  1. La brochure canadienne [12] constitue une aide pédagogique à la décision pour les femmes éligibles au dépistage, sans en omettre les limites et inconvénients.

Le temps d’une médecine paternaliste et directive, dictée par médecins ou autorités, est révolu. La consultation médicale moderne se doit d’être un échange avec une prise de décision pour la femme dans un consentement éclairé, rendu possible par une information disponible digne d’elle.

 

La mission d’information dévolue à l’INCa français, qui a jusqu’à présent toujours failli dans cette tâche, se solde à nouveau par un échec. L’institution française s’arc-boute à ses certitudes, minimisant les risques du dépistage, magnifiant le maigre bénéfice, en utilisant dans sa communication de mauvais indicateurs d’efficacité, en incitant au dépistage, et en alléguant des chiffres optimistes sans aucune référence à la littérature scientifique.

A côté des injonctions des autorités et du corps médical, nous constatons à chaque campagne d’octobre rose l’assaut d’ingéniosité des partenaires commerciaux.

 

Le moindre produit peut être labellisé rose, du mixeur à la cuvée de vin rosé promue par exemple en 2016 par l’association « life is rose » [13], association luttant contre la précarité générée par le cancer du sein, alors même que l’alcool est reconnu comme produit cancérogène.

Dans le « charity-business » d’octobre rose, le message santé est instrumentalisé dans des slogans mensongers, simplificateurs, vantant les mérites non avérés du dépistage.

Dans notre département mosellan les femmes, lors de la prochaine course de masse « La Messine », auront droit à une session spéciale « course en escarpins », et les fillettes, par le truchement de courses « mères-filles » seront, pour la session de 2018, « sensibilisées » en dépit de leur jeune âge [14], [15].

Alors même que le dépistage n’est pas recommandé avant l’âge de 50 ans, des mammobiles (camions itinérants avec un appareil de mammographie) sillonnent tranquillement le département de l’Hérault depuis maintenant plusieurs années.

Les responsables de l’association à qui appartiennent ces véhicules, appellent les quadragénaires à un dépistage gratuit, en opposition avec toutes les recommandations officielles [16].

Selon l’aveu même du responsable de l’association départementale, le mammobile ne serait rentable qu’à partir de 30 personnes dépistées par jour, ceci n’étant obtenu qu’avec inclusion de femmes hors cadre [17].

Devant la mise en danger persistante de la santé des femmes, nous en appelons à votre autorité afin qu’elles aient, enfin, en 2018, la garantie d’une information médicale qui soit l’égale de celle des hommes.

Cette information doit être non discriminante, non incitative, sans duperie, sans risque de compromettre l’intégrité physique et psychique des femmes.

Elle doit être aussi indemne de profits générés aux dépens des femmes laissées dans une ignorance cautionnée et entretenue par les autorités sanitaires, celles-là mêmes en charge de leur protection.

Madame la Ministre, devant l’inertie et l’indifférence de l’INCa ainsi que du Ministère de la Santé, nous vous prions de nous apporter votre soutien pour la révision au plus vite des supports d’information destinés aux femmes, en vertu de l’égalité hommes/femmes en matière de santé et d’accès à l’information.

Dr Cécile BOUR

radiologue

Dr. Michel DORE

médecin généraliste

Dr Jean DOUBOVETZKY

médecin généraliste

Dr Dominique DUPAGNE

médecin généraliste

Dr Marc GOURMELON

médecin généraliste

Dr Annete LEXA

toxicologue

Dr Philippe NICOT

médecin généraliste

Dr François PESTY

pharmacien

[1] http://www.concertation-depistage.fr/wp-content/uploads/2016/10/depistage-cancer-sein-rapport-concertation-sept-2016.pdf

[2] http://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Livret-d-information-sur-le-depistage-organise-du-cancer-du-sein

[3] https://cancersdusein.e-cancer.fr/

[4] https://www.cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2018/04/lettre-INCa-PDF-2.pdf

[5] http://www.jle.com/fr/revues/med/e-docs/le_depistage_organise_permet_il_reellement_dalleger_le_traitement_chirurgical_des_cancers_du_sein__310529/article.phtml

[6] https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/440824/breast-screening-decide-french.pdf

[7] https://kce.fgov.be/fr/publication/report/dépistage-du-cancer-du-sein-messages-en-support-d’un-choix-informé – .VQa0tPmG_6J

[8] https://www.harding-center.mpg.de/en/fact-boxes/early-detection-of-cancer/breast-cancer-early-detection

[9] http://www.cochrane.org/CD001877/BREASTCA_screening-for-breast-cancer-with-mammography

[10] Swiss Medical Board

[11]  https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2016/11/Swiss-Medical-Board.pdf

[12] https://www.crfht.ca/files/2613/7787/4862/Renseignements_sur_la_mammographie-fra.pdf

[13] https://www.cuveelifeisrose.com/

[14] http://lamessine.eu/les-courses-en-escarpins/

[15] http://lamessine.eu/presentation/

[16] http://www.mammobile.com/beneficier_mammo_4049.html

[17] https://www.cancer-rose.fr/le-mammobile-exemple-dun-depistage-sans-controle/

 

 

Cancer rose

 

L’arnaque Octobre rose dénoncée par un cancérologue

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