Le miraculé de la Place Maubert – 1528

« Le samedi 19 septembre 1528, on pendit à la place Mauber un jeune garçon du pays d’Anjou, âgé seulement de vingt et un ans jusqu’ici rien que de très ordinaire, « mais par le vouloir de Dieu et de la Vierge Marie Nostre-Dame-de-Recouvrance des Carmes, à laquelle il s’estoit recommandé quand on le pendist, il fut ressuscité ; c’est assçavoir qu’il fut pendu et estranglé, et que le bourreau le laisa pendu bien l’espace de demie heure.

Le vallet dudict bourreau le descendit de ladicte potence par une corde et le mist en la charrette pour le mener au gibet ; luy, estant en la charrette, leva une jambe hault et commença à respirer, dont incontinent ledict vallet luy donna un coup de pied dans l’estomac pour achever de le faire mourir, et incontinent print un cousteau et luy voulut coupper la gorge.

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                                                                                                          La place Maubert sur le plan de Turgot (1739)

Lors d’advanture il y eust une pauvre femme qui estoit là, qui print ledict vallet et cria en luy disant « Ha, traistre ! le tueras-tu ? Vois-tu « pas que c’est un miracle ? » Lors le pauvre pendu fut secouru de plusieurs personnes et fut porté dedans l’église des Carmes à Paris, devant la glorieuse Dame ; puis il fut mis en une chambre, sur un lit devant le feu, puis fut seigné et donné un breuvage, fut oingt et frotté la gorge et le col d’huilles, et fut un temps sans parler et voir, comme environ au lendemain ; mais à la fin il bust et mangea peu après, et fust environ deux jours qu’il n’avoit mémoire ne congnoissance de rien, ne qu’il eust été pendu.

Finalement il lui souvint de tout et rentra en bonne prospérité, moiennant l’aide de la Vierge Marie, à laquelle ils s’estoit toujours recommandé. »

Pendant que s’opérait cette guérison miraculeuse le Parlement avait commis à la garde du pendu un huissier et un sergent ; puis maître Jean Morin voulut l’avoir ; mais, grâce aux sollicitations des bons Carmes, le roi ne se montra pas plus sévère que la Vierge Marie et lui pardonna son méfait.

Il avait, avec deux autres domestiques, enterré le corps de son maître, ignorant, prétendait-il, que celui-ci eût été assassiné. On découvrit, en effet, que l’auteur du crime était la veuve, et qu’elle s’était servie de ses domestiques pour l’aider à faire disparaître le cadavre de son mari, en leur affirmant qu’il était mort subitement.

La sainte Vierge, qui, parait-il, s’occupait de cette affaire, aurait bien dû y penser un peu plus tôt, « car huict jours devant il en avoit été pendu un autre à la place Maubert, qui estoit son compaignon qui fut pendu et estranglé pour le mesme cas [1]. »

Notes
[1] Le Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de François 1er. (Édit. de L. Lalanne)

Source

Illustration : la place Maubert et son ancienne fontaine élevée en 1674. Gravure de Jacques Aliamet

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