L’hommage de Présent à Emmanuel Ratier

Ce mercredi mon téléphone portable affiche le nom d’Emmanuel Ratier.

— Oui, Emmanuel ? Que puis-je pour toi ?

Mais ce n’est pas Emmanuel au bout du fil, c’est, sur le portable d’Emmanuel, l’un de ses amis très proches, Michel Nicolet, un « crieur » de Drouot, que j’avais connu à Drouot, précisément, il y a quarante ans, peut-être, en tout cas bien avant de découvrir que Michel et moi avions les mêmes curiosités littéraires, culturelles, politiques, et un ami commun : Emmanuel Ratier.

— Tu ne pourras plus rien faire pour Emmanuel, me dit-il, la gorge nouée. Une crise cardiaque vient de l’emporter. Il faisait de la spéléologie. Il a présumé de ses forces.

La mort de gens qu’on aime est toujours une catastrophe, mais l’horloge biologique prépare plus ou moins, – plus ou moins bien –, évidemment, à ce genre de chose. Mais Emmanuel, lui, était notre cadet. Rien ne pouvait laisser penser… Il ne se ménageait certes pas. Et nous connaissions ses problèmes de santé. Lui-même évoquait des coups de fatigue. Mais de là à imaginer…

Cette affreuse nouvelle, c’est un véritable coup de massue, encore accentué par le fait que, ces derniers mois, nous ne nous quittions pratiquement plus. Il m’avait embringué dans plusieurs de ses projets, et en particulier un projet qui nous tenait à cœur, à quelques-uns : la constitution d’un centre d’archivage et de conservation du patrimoine identitaire et européen.

Il avait suivi avec sympathie, il y a 15 ans, la création d’un Institut d’Histoire des Identités dans le Berry. Mais ce qu’il voulait faire était autrement plus ambitieux. Nous venions tout juste de créer, sous son impulsion, une association (avec Anne Brassié, Eric Delcroix et quelques autres) ; nous avions acheté (il avait acheté, en fait) d’énormes locaux, et les mètres cubes d’archives, de livres, de journaux, d’affiches, de tracts, se déversaient depuis quelques mois, en flots continus, dans ce bâtiment de 900 m2, déjà plein à craquer, à peine ouvert. Le classement avait commencé cet été, sous sa direction.

Mais Emmanuel Ratier, c’était aussi sa lettre confidentielle Faits et Documents, remarquablement faite, et lue par des gens situés parfois aux antipodes de ses propres opinions. Il y avait ses émissions sur Radio Courtoisie, sa maison d’édition, sa librairie Facta, et encore ses dîners mensuels, exceptionnels carrefours de rencontres pour tout un travail de réseau.

Ratier, je l’avais connu jeune journaliste à Valeurs actuelles. Et ce qui faisait sa force et son efficacité hors du commun, aujourd’hui, c’était précisément qu’il avait bâti un réseau relationnel très dense, dont il était le pivot central.

Originaire du Vaucluse, Emmanuel Ratier était le fils d’un architecte et d’une ingénieur chimiste. Etudiant, il avait milité dans les groupuscules de droite, à Rouen. Diplômé du Centre français du Journalisme et de l’Institut d’Etudes Politiques, il avait créé la revue culturelle Balder (1976-1979), puis avait travaillé au Figaro Magazine, à Valeurs Actuelles, en 1982-1983 (ce qui situe très exactement l’époque où j’ai fait sa connaissance), à Magazine Hebdo, et à Minute, dont il avait été un temps le rédacteur en chef, en charge des enquêtes.

Mais son talent exceptionnel était encore ailleurs. Henry Coston l’avait désigné comme son héritier moral. L’expertise de Coston, ce don pour trouver et exploiter au mieux les archives les plus secrètes, Emmanuel Ratier l’avait, lui aussi, mais avec un niveau de fiabilité encore supérieur, et appuyé sur les possibilités des nouvelles technologies. Coston avait fait de son Dictionnaire de la politique française l’outil indispensable des journalistes et des hommes politiques. « Jamais cité, toujours pillé », telle aurait pu être sa devise. Mais que dire alors du travail de Ratier ? Que dire des deux tomes de son Encyclopédie politique française, de son Encyclopédie des pseudonymes, de son Encyclopédie des changements de noms, de ses enquêtes sur Jacques Chirac, et sur Manuel Valls (Le Vrai visage de Manuel Valls), de ses révélations sur les Mystères et secrets du B’Naï B’rith ?

Sa mort nous laisse sonnés sur place, car on ne peut s’empêcher de se dire : comment faire vivre désormais toutes ces entreprises sans lui ? Comment mener tous ces projets sans lui ? Il le faudra, pourtant. Car c’est ce qu’il attend de nous.

Issu de la nouvelle droite, Emmanuel n’était guère attiré par les consolations de la religion, même si une messe au moins sera dite pour lui.

Mais dès maintenant son épouse, à ses trois filles, dont il était si fier, et à juste titre, l’équipe de Présent transmet ses pensées les plus attristées et les plus émues, et à titre personnel, je tiens à leur marquer toute mon affection, dans ces moments si difficiles.

Francis Bergeron

Source : Présent

Related Articles

5 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Marino , 21 août 2015 @ 14 h 44 min

    La nouvelle est tombée brutalement, ce mercredi 19 août. Emmanuel Ratier est décédé brutalement d’une crise cardiaque, à l’âge de 57 ans. Les lecteurs de Riposte Laïque connaissaient surtout son dernier livre
    « Le vrai visage de Manuel Valls », dans lequel, au terme d’un enquête fouillée d’un journaliste au comportement toujours très professionnel, il révélait deux informations explosives sur l’actuel Premier ministre, ce que Cyrano avait mis en avant dans un édito.

    Au terme d’une enquête d’un professionnalisme exemplaire, Emmanuel Ratier avait montré que la famille de Valls était la plus aisée de Catalogne, et que jamais le père n’avait fui le régime de Franco, qui lui permettait d’exposer ses œuvres et de revenir en Espagne en toute liberté. La preuve, notre « anti-franquiste » est né à Barcelone en 1962 !

    Il avait accordé une interview choc à nos amis de TV-Libertés, dès la sortie de l’ouvrage, et seuls les sites de la réinformation avaient relayé un livre qui rencontrera un gros succès.(vidéo)
    […]

    Nous recommandons vraiment à nos lecteurs qui ne l’ont pas encore lu l’achat de son livre « Le vrai visage de Manuel Valls », ce sera le meilleur hommage à lui rendre.

    Lucette Jeanpierre

    http://ripostelaique.com/emmanuel-ratier-mort-de-lhomme-avait-montre-vrai-visage-de-manuel-valls.html

    Les obsèques d’Emmanuel Ratier auront lieu au Père Lachaise, le mardi 25 août, à 13 heures 30.

  • alain , 21 août 2015 @ 15 h 44 min

    Adieu Manu !

    Emmanuel Ratier était (est) un vieux copain.

    Je l’ai connu dans les années 1970 quand j’étais Etudiant à Rouen.

    Nous sommes toujours resté en contact depuis. L’âge venant j’avais coutume de l’appeler « mon fils spirituel ». En effet comme je revenais tous les week-end à Paris, c’est moi qui assurait les liaisons avec Paris et qui ramenait les livres et les brochures le lundi matin.

    Nous étions au GUD/ Ordre Noveau puis après la dissolution d’ON au PFN.

    Je ramenais à Rouen mes lectures préférées et éclectiques – Défense de l’Occident, Eléments, Nouvelle Ecole et Lectures Françaises (de Coston)
    c’est assez largement grâce à moi ou plutôt à travers moi que les « nationalistes » à Rouen à cette époque ont été mis en contact avec les tendances NR au sens large et avec la nébuleuse GRECE.

    Après chacun vit sa vie et en prend et en laisse parmi les arguments développés. Je ne suis strictement pour rien pour ce qui est des contacts entre Henri Coston et Ratier à part le fait de lui avoir fait découvrir Lectures Françaises.

    A l’époque il y avait peu de revues et de livres nationalistes, pas d’internet d’ordinateur, d’imprimantes etc.

    L’un d’entre vous a cité la revue Balder – rédacteur en chef (déjà) Emmanuel Ratier – dessinateur un autre Emmanuel – élève architecte – que l’on appelait « Manu » pour ne pas le confondre avec Ratier. C’est moi qui diffusait Balder à Paris en photocopiant l’exemplaire reçu sur la grosse photocopieuse de ma boite.

    La diffusion se faisait via la Librairie Gregori rue du Bac. Ancien d’algérie, sympathisant du mouvement national André Gregori en vendait plus de 100 exemplaires par mois.

    A Rouen Ratier , Manu et les autres ont pratiqué pendant des années une vraie politique de « Front National » , c’est à dire de rassemblement sans exclusive de toutes les composantes de l’ »opposition nationale » .

    A la fin cela rassemblait pas mal de monde – jusqu’à 300 adhérents et sympathisants au CDL (Comité de Défense Lycéen).

    J’ai revu Ratier à l’enterrement de François Brigneau. Ensuite chez les Brigneau on a discuté toute l’après-midi et naturellement évoqué notre jeunesse et ce que sont devenus les anciens.

    Il en résulte que 80% des activistes et des cadres de mon époque sont restés dans la mouvance nationaliste avec des liens plus ou moins étroit.

    L’archiviste Ratier savait exactement qui faisait quoi et où.

    Cher Manu que les dieux et notamment Balder veillent sur toi …. et sur notre France qui est si malade et à laquelle tu as consacré ta vie d’adolescent et d’adulte.

  • Charles , 22 août 2015 @ 12 h 02 min
  • Charles , 22 août 2015 @ 12 h 05 min

    Je ne connaissais pas Francis Bergeron (l’auteur du billet)
    et sa fiche Wikipedia atteste d’un parcours impressionnant.
    Il semble que ce billet est sa première contribution à NDF.

    Bienvenue dans l’un des meilleurs médias de la Résistance
    face à l’empire Germano-Slamiste qui contrôle Paris par Bruxelles.

  • marclin94 , 28 août 2015 @ 14 h 00 min

    Bonjour Alain

    je vous remercie de votre témoignage.
    Cela ne fait qu’une dizaine d’années que je suis proche d’Emmanuel Ratier. Il me disait son ami ce qui était un honneur dont je ne pense pas mériter. ..
    Serait-il possible que l’on puisse se parler par courriel ?
    Mon adresse e-mail est :
    [email protected]
    Bien cordialement
    Alain

Comments are closed.