1688 -1847: les Sanson, bourreaux de père en fils (Vidéo)

Les Sanson! Plus qu’une famille, une dynastie de bourreaux… Leur modeste tombe (section 20) est une des plus visitées du cimetière Montmartre. De quel frisson les visiteurs espèrent-ils frissonner devant cette pierre qui s’effrite et cette grille qui se disloque et qui rouille.

Disloquer! Le mot ne m’est pas venu par hasard!

Le 28 mars 1757, Damien qui avait tenté d’assassiner Louis XV fut torturé devant la foule, place de Grève, avant d’être écartelé. Les chevaux moins ignobles que les hommes refusaient de tirer. Il fallut plus de deux heures pour que les quatre membres dont les bourreaux avaient omis de couper les tendons fussent enfin arrachés. Charles Henri Sanson, âgé de 18 ans à peine était l’un de ces bourreaux.

Il est presque impossible de lire son nom sur le marbre. Est-ce une vengeance des fantômes des Gardes suisses qui furent jetés dans les carrières de plâtre en 1792, bien avant que ce terrain ne devienne cimetière ?

En tout cas, il ne doit pas être trop dépaysé, au pied de la Butte qu’il connaissait bien puisqu’il y trouva une épouse, comme il l’écrit dans ses Mémoires, “une gentille fille”, Marie Anne Juguier dont le père était maraîcher. C’est dans l’église Saint-Pierre qu’il se maria, devenant ainsi Montmartrois par adoption!

Parmi les condamnés célèbres qui eurent l’honneur de passer par ses mains, citons le jeune Chevalier de la Barre qui, le 1er juillet 1766, après avoir eu le poing tranché et la langue brûlée, eut la tête séparée du corps…

Charles Henri pouvait-il imaginer qu’un jour le Chevalier s’installerait au sommet de la Butte, fièrement tourné, chapeau sur la tête vers la Basilique et le Saint-Sacrement qu’il avait refusé de saluer?

Mais le glaive de Charles Henri allait bientôt se reposer. Avec la Révolution, les exécutions sont si nombreuses que notre bourreau qui n’a le droit à aucune RTT, plaide auprès de l’Assemblée pour une nouvelle machine à couper les têtes et que l’on appellera plus tard guillotine.

Combien de têtes a t-il vu tomber dans le panier? Plusieurs milliers assurément! Les historiens chipotent sur le nombre exact, 2918? 2980? 3002?  Certaines il est vrai en valaient plusieurs :  Lavoisier, Hébert, Danton, Charlotte Corday, Robespierre…

Charles Henri quitta le métier, la conscience tranquille. Il mourut en 1806 non sans avoir pris soin auparavant de former ses fils au beau métier familial. 

Gabriel, fanfaron facétieux, tomba de l’échafaud alors qu’il brandissait une tête fraîchement coupée au-dessus de la foule. Il se fractura le crâne et mourut sans avoir lâché la tête tranchée.

C’est donc son frère, Henri, né en 1767, qui reprit le flambeau. Les historiens, encore eux ne sont pas d’accord au sujet de la guillotinée la plus illustre: Marie Antoinette.

Trois versions existent : La plus courante attribue l’exploit à Henri. La plus contestée à Charles Henri, le papa. La plus vraisemblable au fiston assisté de son papa. Charles Henri pris de pitié pour la reine qu’il mena jusqu’à l’échafaud fit signe à son fiston qui était debout près du couperet de ne pas l’attendre et de faire au plus vite afin d’abréger le supplice royal. La décapitation de Marie Antoinette fut donc le fruit d’une collaboration familiale et c’est à juste titre que le père et le fils sont réunis dans la même tombe.

Henri, avant de rejoindre son père, fit une belle carrière, lui aussi, puisqu’il fit à Fouquier-Tinville ce que l’accusateur public avait chargé son père de faire à tant d’autres!

Henri reçut une prime lorsqu’il dut guillotiner les Quatre Sergents de La Rochelle.

Il compte encore à son palmarès, Louvel, assassin du Duc de Berry et Joseph Lesurques injustement accusé dans l’Affaire du Courrier de Lyon.

 

Les bourreaux ont droit comme ne l’ont pas eu beaucoup des condamnés qu’ils exécutèrent à une sépulture tranquille. Leurs noms s’effacent mais tôt ou tard leur tombe sera restaurée. Elle est un petit morceau de notre histoire.

Je ne sais pas si l’anecdote est vraie mais elle ne manque pas de saveur : Un jour, Charles Henri, médaille d’or des bourreaux, aurait rencontré un autre spécialiste, Napoléon Bonaparte. Le petit homme lui aurait demandé s’il parvenait à trouver le sommeil.  Le grand bourreau aurait répondu : “Si les empereurs et les dictateurs peuvent dormir, pourquoi un bourreau ne le pourrait-il pas?”

 

 

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