Pour Saal, malversation vaut promotion (Vidéo)

La dénommée Agnès Saal, une énarque apparatchik de la République nommée aux grands postes d’État, s’est trouvée directrice générale de la Bibliothèque nationale de France (BNF), puis présidente de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Pour n’avoir fait que son travail, elle a été élevée au grade de commandeur des Arts et Lettres, puis à celui d’officier de l’Ordre national du mérite, mais également à celui d’officier de la Légion d’honneur: c’est beaucoup de médailles pour de si petits champs d’honneur…

Or, ses états de service sont bien connus: elle a plus défrayé la chronique des faits divers que celle de la BNF ou de l’INA où elle n’a laissé aucune trace de son passage sur le terrain culturel. En revanche, elle a laissé d’autres traces dont quiconque les abandonne derrière lui, sinon sous lui, préfère qu’elles ne soient pas portées à la connaissance du public!

La dame s’est en effet faite connaître pour des factures de taxi mirifiques: des dizaines de milliers d’euros de frais. C’était trop pour une seule femme. D’autant qu’au regard des dites factures, on constatait qu’elle avait un talent fou pour l’ubiquité, puisqu’elle était capable de se trouver dans deux taxis différents en même temps! C’est du Houdini, ou je n’y comprends rien…

Quand on a découvert que, directrice de l’INA, elle dépensait autant de frais de taxi pour un régiment à elle seule, son grade d’officier de la Légion d’honneur s’est trouvé annulé. Ce qui semblait vouloir dire que, s’étant déshonorée, cette dame ne pouvait plus se prévaloir d’un grade de la Légion d’honneur. Rien que de très normal…

Mais ce qui me parait anormal, étrange, bizarre, c’est que, en même temps comme dirait l’Autre, la même dame a pu conserver celui de chevalier! Est-ce à dire qu’il y a des degrés dans le déshonneur et que certains déshonneurs peuvent permettre tout de même d’obtenir des honneurs – en deux mots? Et si oui, lesquels? Des déshonneurs honorables, voilà qui m’intéresse… C’est voler, mais pas trop? Mentir, mais pas beaucoup? Violer, mais juste un peu? Tenir des propos antisémites, mais juste ce qu’il faut? Taper dans la caisse, mais pas au-delà d’une certaine limite? Tuer, mais avec politesse? Il semble que, dans le cas de la dame Saal, ce soit voler le contribuable, taper dans la caisse de l’État, détourner l’argent public, pratiquer l’abus de bien social, mais dans des limites raisonnables décrétées par… par qui en fait? Par l’Autre? Le grand Autre?

En fait, regardons bien, si le grade d’officier de la Légion d’honneur se trouve bel et bien annulé, celui de chevalier de la Légion d’honneur est quant à lui suspendu pendant deux ans! Autrement dit, on se déshonore mais, sans rien faire, deux ans plus tard, son honneur se trouve restauré! En faisant quoi? Rien, en attendant que l’orage médiatique soit passé. C’est tout.

La dame n’avait pas encore récupéré son hochet d’officier dans une cérémonie officielle – qui aurait dû lui remettre la médaille d’ailleurs? tiens, ce serait intéressant de le savoir! -, donc, la grande chancellerie a décidé qu’on ne le lui remettrait pas.

Quel métier permet donc à la dame déshonorée de payer maintenant elle-même ses propres taxis – enfin, on l’espère? L’énarque est désormais haut fonctionnaire à l’égalité, la diversité et la prévention des discriminations auprès du secrétaire général du ministère de la culture. J’avais pourtant le souvenir que, dans une épicerie où une caissière utilisait pour elle trois bons de réduction, on était sèchement mis à la porte sans parachute aucun! Il semble à l’inverse que, dans les hauts-grades de l’État, malversation vaut promotion…

En 2021, Agnès Saal va pouvoir à nouveau porter sa Légion d’honneur et sa décoration de l’Ordre national du mérite.

Je regarde avec émotion les civilisations de l’honneur dans lesquelles, d’abord, on considérait le déshonneur comme la pire des choses, ensuite, si l’on s’était déshonoré, on estimait qu’on ne recouvrait son honneur perdu qu’en s’ôtant la vie et non pas en attendant deux ans tranquillement à pantoufler dans un poste offert par la République et grassement payé par l’argent du contribuable.

Michel Onfray

Post-scriptum: pendant ce temps, Marine Le Pen sirote un cocktail bien frais sur la plage. Son équipe lui fournit régulièrement les courbes de sondages. A cette heure, ils sont très bons pour elle.

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