Jean-Etienne Liotard, peintre suisse (Vidéo)

 (1702–1789 à Genève). Fils d’émigrés huguenots de Montélimar, il passa la plus grande partie de sa vie à l’étranger. Après un apprentissage à Genève chez le miniaturiste Daniel Gardelle, il séjourne à Paris (1723-1736) et devient l’élève de Jean-Baptiste Massé. Il se rend à Rome (1736), où il fait la connaissance du chevalier William Ponsonby, le futur lord Bessborough, avec qui, en 1738, il part pour Constantinople (1738-1742), d’où il ramènera une série de dessins de voyage (Paris, Louvre et B. N.) à la pierre d’Italie et à la sanguine, d’une précision qui ne manque pas de charme. Quelques-unes de ses meilleures scènes de genre sont le fruit de ces quatre années passées en Turquie, alors très à la mode en Europe : citons le précieux double portrait de Monsieur Levett et Mademoiselle Glavani en costume turc du Louvre, probablement peint sur place, à Constantinople.

Voyageur infatigable, Liotard séjourne à Vienne (1743-1745), où il peindra son pastel le plus célèbre, le portrait de Mlle Baldauf (la Belle Chocolatière, 1745, Dresde). Il retourne à Paris, où, en 1749, il est présenté à la Cour par le maréchal de Saxe, dont il vient d’exécuter le portrait. S’il expose à plusieurs reprises à l’Académie de Saint-Luc, il essuie de nombreux déboires avec l’Académie royale de peinture, dont il ne réussira jamais à devenir membre. Liotard quitte la France pour Londres (1754) et pour la Hollande et, en 1757, s’installe à Genève. Il est riche, célèbre et devient le portraitiste attitré des notabilités de la ville et des étrangers de passage. Plusieurs portraits au pastel exécutés à cette époque comptent parmi les meilleurs. Son style est devenu plus rigoureux, son dessin plus précis : le portrait de Madame d’Épinay (musée de Genève), admiré par Flaubert et par Ingres, en est peut-être le plus parfait exemple. De retour à Vienne en 1762, il dessine aux trois crayons les portraits des onze enfants de Marie-Thérèse (musée de Genève).

Un nouveau séjour à Paris (1770-1772) et à Londres, où il expose avec succès à la Royal Academy, et un dernier voyage à Vienne précèdent son retour à Genève, en 1778. Le Portrait de l’artiste âgé, (on connaît aujourd’hui 22 autoportraits de Liotard), daté de 1773 (musée de Genève), par le jeu subtil de la lumière, les reflets dans les ombres, les rapports des tons, la spontanéité de la touche, dénote un métier libre, dégagé de toutes conventions et une audace à laquelle Liotard n’était pas habitué. Durant les dernières années de sa vie, retiré à Confignon, près de Genève, il peint des natures mortes (musée de Genève et coll. Salmanowitz) — traitées d’une manière très sobre, avec une certaine ingénuité même, qui peuvent se ranger parmi les chefs-d’œuvre de ce genre et rivaliser avec celles de Chardin — et un étonnant Paysage avec une vue de montagnes près de son atelier (Rijksmuseum). L’art de Liotard s’oppose à l’art français du XVIIIe s., épris de brio, de grâce et de charme.

Sa conception esthétique, d’une indépendance et d’une originalité parfois déconcertantes, fut à la fois la force et la faiblesse de son génie. Il est typiquement genevois par son goût de l’analyse et de l’observation, par son indépendance, qui lui fait mépriser les écoles à la mode ; il use d’un langage pictural extrêmement dépouillé, se refusant à toute concession tendant à embellir ses modèles. Sa première et son unique préoccupation est de faire “vrai” — d’où son surnom de “peintre de la vérité”. Coloriste sensible, Liotard possède au plus haut point la science des valeurs. Ses pastels n’ont pas la pénétration psychologique de ceux de La Tour ni l’extrême raffinement de ceux de Perronneau, mais leur prix réside dans le rendu scrupuleux de la réalité. Ses dessins de portraits, très épurés, annoncent parfois la clarté et la stylisation d’Ingres. Liotard est également l’auteur du Traité des principes et des règles de la peinture (Genève, 1781). Sa conception de la peinture “miroir immuable de tout ce que l’univers nous offre de plus beau” s’oppose vivement à la “peinture de touches” de ses contemporains et lui fait affirmer qu’ “on ne voit point de touches dans les ouvrages de la nature, raison très forte pour n’en point mettre sur la peinture”. Il s’insurgea et lutta contre cette opinion qu’il jugeait erronée, contre cette naïveté des “ignorarts” qui “n’ont aucune connaissance des principes de l’art”.

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