Censure, amendes et rééducation pour lutter « le racisme et l’antisémitisme »?

Édouard Philippe ne dit pas combien ont été payés la députée Laetitia Avia, l’écrivain Karim Amellal et le vice-président du Crif Gil Taieb, pour rédiger un rapport intitulé « Renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet », remis cette semaine au Premier ministre.

Trois rapporteurs « issus de la diversité » donc, pour un rapport dont les conséquences pourraient concerner l’intégralité des Français. Trois rapporteurs par ailleurs tous déjà engagés dans « la lutte contre la haine » (sic), ce qui laisse un gros doute sur leur impartialité.

Un rapport qui fait de la censure, des amendes et de la prison les armes principales pour contrer « le racisme et l’antisémitisme ». Où quand les lois Pleven, Taubira, Gayssot se déclineraient de façon augmentées dans le virtuel pour annihiler « les discours de haine », ce grand fourre tout dans lequel sont versés pêle-mêle de vrais propos et insultes racistes avec une simple contestation des politiques gouvernementales successives, notamment en matière d’immigration.

La lutte contre « les sites diffusant des idées malfaisantes sans être pour autant manifestement illégaux »
Ainsi, dans l’introduction de ce rapport, on peut lire des propos qui se passent de tout commentaire :

« La liberté d’expression est l’un de nos plus chers acquis, mais elle ne peut plus être le prétexte à la diffusion massive sur Internet de propos racistes et antisémites interdits par la loi ». Première phrase, premier « liberté d’expression, mais quand même …».

En réalité, la contestation même des politiques migratoires menées par nos gouvernants, semble pointée du doigt : « La « cyber-haine » raciste, antisémite, ou bien ciblant des femmes, des homosexuels, des musulmans, des migrants – parmi beaucoup d’autres victimes quotidiennes – a elle aussi des conséquences hélas très concrètes. Elle forge nos représentations. Elle nourrit nos stéréotypes. Elle alimente des idées qui, parfois, peuvent devenir des actes. Cela, notre société ne peut plus l’accepter.» Mais aussi :« La définition du racisme, ainsi, pourrait être étendue, notamment, à la question des migrants.». Ou encore : « En parallèle, la haine anti-musulmans que l’on voit grandir dans la société, notamment sous la forme d’une « islamophobie », pourrait faire l’objet d’une définition précise, à même de donner lieu à une mesure pertinente et à la mise en œuvre d’outils efficaces permettant de l’endiguer.»

Et les rapporteurs d’expliquer que même ce qui n’est pas illégal doit être combattu, ce qui montre un parti pris total : « Le racisme et l’antisémitisme revêtent sur Internet de multiples formes, de l’injure à connotation raciste lancée de façon irréfléchie sur un réseau social, à l’attaque en meute préméditée ciblant une personne ou un groupe de personnes – à travers ce que l’on appelle le processus de l’astroturfing–en passant par des sites qui propagent une propagande raciste ou antisémite virulente, ou par cette vaste gamme de contenus « gris », ambigus, qui distillent insidieusement des idées malfaisantes sans être pour autant manifestement illégaux. »

Et le rapport d’indiquer que « Dans une large mesure, de nombreux espaces de communication virtuelle sont en effet devenus des espaces de non-droit, où le racisme et l’antisémitisme se diffusent dans une impunité quasi-totale ». Les nombreux déréférencements de sites Internet, y compris ne relevant pénalement ni du racisme, ni de l’antisémitisme, montrent pourtant que l’Internet n’est pas exempt de censure.

Ce rapport, qui fait vingt recommandations au gouvernement, s’organise autour de six axes d’intervention : – responsabiliser les plateformes ; – renforcer la régulation du numérique ; – améliorer le signalement des contenus illicites ; – agir contre les sites illicites ; – mieux sanctionner les auteurs de propos haineux ; – prévenir les comportements et mieux accompagner les victimes.

« les effets de la haine en ligne, en termes de dislocation des sociétés, sont à considérer avec autant de sérieux que ceux de l’apologie du terrorisme ou de l’extension de la pédopornographie.»
Voici ces recommandations :

Imposer aux grandes plateformes un délai de 24 heures pour retirer les contenus manifestement racistes ou antisémites. Le manifestement prend tout son sens, puisqu’il laisse part à l’interprétation, et non pas à une décision de justice.
Imposer aux grands opérateurs un représentant légal au sein de l’Union européenne.
Imposer aux grands opérateurs des obligations de transparence en matière de retrait, déréférencement et blocage des contenus illicites.
Rendre dissuasives les amendes prévues en cas de manquement, par les grands réseaux sociaux et moteurs de recherche, à leurs obligations de retrait ou de déréférencement de contenus, comme de coopération avec les autorités judiciaires, en en multipliant le montant par 100.
On notera dans ce rapport par ailleurs que les rapporteurs réclament une plus grande implication de l’Union européenne, mais se laissent aller à des interprétations personnelles : « Un autre aspect doit être considéré, lié aux tendances non démocratiques suivies par certains pays au sein de l’Union, en particulier la Hongrie et la Pologne. Cela peut faire craindre qu’une législation européenne contraignante soit mobilisée par ces gouvernements autoritaires, au-delà de ses objectifs initiaux. ». La censure oui, mais pas par tout le monde…

Porter à l’échelle européenne un projet de création d’un statut particulier d’hébergeur induisant une responsabilité renforcée s’agissant du traitement des contenus illicites. Et les rapporteurs d’affirmer : introduire le sujet dans l’agenda de l’EU Internet Forum, l’idée étant que, sur le moyen long terme, les effets de la haine en ligne, en termes de dislocation des sociétés, sont à considérer avec autant de sérieux que ceux de l’apologie du terrorisme ou de l’extension de la pédopornographie.
Créer une autorité de régulation des contenus illicites sur Internet en charge notamment de contrôler la mise en œuvre des objectifs de lutte contre les propos haineux en ligne. Une nouvelle autorité, non élue (comme toutes les « autorités » ).
Créer une instance de dialogue entre toutes les parties prenantes (autorité de régulation / plateformes / société civile), chargée notamment de mettre en œuvre un code de conduite national. Aucune information sur ce qu’est « la société civile », ni sur sa légitimité.
Créer un logo unique de signalement des contenus illicites, visible et identifiable sur toutes les plateformes.
Imposer une procédure uniformisée et applicable à toutes les plateformes pour le signalement des contenus illicites ainsi que les recours contre ces signalements. Sur ce point, on voit mal comment le monde entier pourrait se mettre d’accord.
Pour le volet répression, on a les recommandations suivantes :

Créer une procédure simple et rapide, sous le contrôle du juge, afin de bloquer des sites manifestement racistes et antisémites, sur le modèle de la procédure appliquée pour les jeux en ligne illégaux. Pour cela, un nouveau cortège de magistrats, baptisé « autorité haine » (sic)
Encourager les annonceurs à publier la liste des emplacements de diffusion de leurs annonces en ligne,afin de lutter contre la publicité sur des sites diffusant la haine. Et nos rapporteurs d’appeler à la délation pure et simple : Au cas où cette incitation ne donnerait pas les résultats escomptés, il pourrait être envisagé de soutenir les initiatives de « Name and shame » visant à publier la liste des annonceurs dont les contenus sont visibles sur des sites internet diffusant des propos haineux.

Vers la rééducation mentale des masses
Les rapporteurs ne veulent pas toucher à la loi de 1881 sur la liberté d’expression. Ces derniers semblent affirment par ailleurs « regretter le faible nombre de plaintes déposées par les victimes de propos haineux sur Internet ». Un regret sous forme d’aveu : il y a très peu de personnes qui se plaignent de propos « racistes ou antisémites » sur Internet (400 affaires en 2017 dont la moitié presque classées sans suite). Pour les rapporteurs, cela « révèle un certain échec du système judiciaire quand il s’agit de poursuivre les auteurs de propos haineux sur Internet.». Pas de condamnation, donc c’est un échec !

Créer un mécanisme de dépôt de plainte en ligne pour les victimes de propos racistes et antisémites sur Internet. Il n y a qu’à voir l’engorgement dans les commissariats lié aux traditionnels pré dépôts de plainte pour les victimes de violences ou d’incivilité au quotidien, pour s’interroger sur cette mesure.
Sanctionner les auteurs de propos haineux par des amendes fortes, des stages de sensibilisation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme ou des travaux d’intérêt général, prononcés par le juge pénal, par ordonnances pénales.
Créer des chambres pénales spécialisées dans le traitement des infractions (actes et propos) relatives au racisme, à la discrimination, à l’antisémitisme, en ligne et hors ligne.
Encourager la publication en ligne des décisions de justice. La délation, toujours la délation et le lynchage puisque la personne devrait poster sa condamnation sur son blog, son compte facebook ou twitter.
Renforcer les modules de formation au dispositif de lutte contre la cyber-haine en formation initiale et continue pour les magistrats et les policiers et gendarmes.
Pour le volet prévention, le rapport propose plusieurs pistes : – informer et sensibiliser le public, en particulier les plus jeunes ; – développer l’esprit critique et l’éducation à Internet, notamment au sein de l’éducation nationale ; – repérer les discours de haine ; – signaler les discours de haine aux plateformes et autorités concernées ; – riposter face aux discours de haine ; – développer un contre-discours articulé et efficace face aux discours de haine, diffusé sur les réseaux sociaux.

Créer un observatoire de la cyber-haine. Quoi de mieux en effet qu’un nouvel « observatoire » (en plus d’une autorité), non élu, financé par l’État, pour permettre de « lutter contre la haine ». Et le rapport préconise également de soutenir « les associations » (sans les définir) pour se mobiliser en réseau, « lorsque des « pics de haine » surgissent sur les réseaux sociaux à l’occasion d’une actualité spécifique.»
Renforcer les dispositifs d’éducation et de formation contre la cyberhaine à destination de la jeunesse, en particulier des publics les plus vulnérables. Traduction : de nouveaux modules dans les écoles, collèges, lycées, à destination de la rééducation mentale des enfants et l’imposer aux familles : « A ce titre, l’action du milieu éducatif doit pouvoir compter sur la mobilisation des associations qui permettent de relayer au sein des familles et des communautés les valeurs transmises aux élèves par les personnels des établissements, ceci afin de garantir la cohérence de l’action mise en place auprès du public jeune.»
Diffuser via les réseaux sociaux des campagnes de contre-discours face aux discours de haine et de sensibilisation du public sur les dangers des discours de haine sur Internet. Ces campagnes publicitaires devraient être diffusées en ligne, mais également via les médias audiovisuels publics, et pourraient s’inspirer de l’exemple des campagnes « Manger, bouger » mises en œuvre dans le cadre du programme national de nutrition santé (PNNS). On imagine déjà les clips diffusés du genre « l’immigration c’est bien, être contre, c’est la haine » diffusé sur nos télévisions.
Mais les rapporteurs vont plus loin dans la rééducation mentale et proposent la chose suivante : « L’introduction d’un programme d’autorégulation est aussi envisageable si l’on suit l’exemple de l’interface américaine ReThink, qui propose au harceleur de changer son message avant de le poster en lui expliquant l’effet néfaste que cela peut avoir sur la victime ».

Ou encore : « La production d’un contre-discours déconstruisant les préjugés et les stéréotypes et alimentant positivement les discussions en ligne est un élément essentiel de la prévention des discours racistes et antisémites. Cette production doit être davantage soutenue sur les réseaux sociaux, en particulier à destination des plus jeunes.»

Imposer aux plateformes la mise en place d’un « kit » d’information destiné aux victimes de cyber-haine, comprenant notamment un lien vers le module de dépôt de plainte en ligne.

En conclusion, la députée Laetitia Avia, l’écrivain Karim Amellal et le vice-président du Crif Gil Taieb écrivent : « Lutter contre la haine en ligne, au fond, c’est contribuer à rendre notre société plus sûre, et notre monde probablement un peu meilleur.»

On en verserait presque une larme, en se souvenant du travail de rééducation mentale effectuée en URSS et dans les dictatures communistes tout au long du 20ème siècle.

 

 

 

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