Il y a cinquante ans, le Lt Blueberry

Par Alain Sanders

 

En 1963, Jean-Michel Charlier, qui reste l’un des plus grands (sinon le plus grand) scénaristes BD, cherche un dessinateur pour une série western destinée à Pilote. Son ami Jijé, qui dessine Jerry Springs, lui recommande Jean Giraud (qui fera aussi carrière – et quelle carrière ! – plus tard, sous le nom de Moebius).

Le 23 octobre, la première aventure du Lt Blueberry, Fort Navajo, commence dans Pilote. Mais qui est ce Blueberry qui, dans un univers BD encore très aseptisé, va faire date ? Il s’appelle Mike Steve Donovan. Il est originaire de Géorgie. Donc sudiste. Mais, au moment de la guerre dite de Sécession, il passe chez les Yankees. Ce qui lui vaut d’être renié par sa famille.

Au départ, Giraud lui fait une tronche qui rappelle celle de Belmondo. Au fil des aventures et des albums, son visage sera librement inspiré de ceux de Charles Bronson, Clint Eastwood, Arnold Schwarzenegger, Vincent Cassel, voire Keith Richards…

A partir de 1968, Charlier et Giraud décident de raconter la jeunesse de Blueberry pendant la guerre dite de Sécession. Des aventures parues dansSuper Pocket Pilote et qui expliquent comment Blueberry a choisi ce nom en rejoignant les Nordistes (1). Par la suite, Giraud se détachera – peut-être parce que ces aventures ne sont pas assez anti-sudistes à son goût – de cette série parallèle. Elle sera reprise graphiquement – et avec beaucoup de talent – par Colin Wilson, Corteggiani et (mon préféré), Michel Blanc-Dumont.

Pour les albums de la série « La Jeunesse de Blueberry », outre le premier titre (éponyme : La Jeunesse de Blueberry), puis Un Yankee nommé BlueberryCavalier bleuLe Raid infernalLe Prix du sang, etc., je ne saurais trop recommander Gettysburg (Dargaud) signé Corteggiani et Blanc-Dumont. C’est une aventure de Blueberry, bien sûr, mais surtout un récit fidèle et précis qui retrace cette bataille qui, en 1863, fut décisive pour la suite de la guerre. En même temps qu’un rappel d’autres combats sanglants de Bull Run à Shiloh en passant par Chickamunga.

A la mort de Charlier, en 1989, Corteggiani continue d’assurer les scénarios de « La Jeunesse de Blueberry » tandis que Giraud s’occupe de la série principale et scénarise une nouvelle série parallèle, « Marshal Blueberry » (dessins de William Vance).

A signaler que le même Jean Giraud voulut (avec François Boucq) mettre en scène une autre série : « Blueberry 1900 » avec un Blueberry évidemment âgé. Cela a – heureusement – été rejeté par Philippe Charlier, le fils de Jean-Michel, qui ne souhaite pas – et le mot est faible – voir dépeindre un Blueberry s’adonnant à la drogue ou s’égarant dans un chamanisme de pacotille (2).

Pour s’y retrouver :

« La Jeunesse de Blueberry » (chez Dargaud, Novedi, Alpen Publishers, Dupuis)

« Blueberry 1867-1868 » (là encore, de nombreux éditeurs)

« Marshal Blueberry 1868 » (Alpen Publishers, puis rééditions chez Dargaud)

« Blueberry 1869-1881 » (Charlier et Giraud en tandem)

« Mister Blueberry 1881 » (Giraud en solo à partir du volume 24 de la série).

Alors Blueberry ? Certes. Mais ne m’en veuillez pas si je lui préfère de beaucoup la série des « Alexis McCoy » de Jean-Pierre Gourmelen et Antonio Hernàndez Palacios. Un Sudiste, lui, proche de l’empereur Maximilien et donc de nos soldats au Mexique. Mais je vous en parlerai un autre jour, qui sait…

(1) Blueberry est souvent traduit en français par « myrtille ». Il s’agit plutôt de l’airelle à feuilles étroites.

(2) Pour ces mêmes raisons, il avait désavoué la misérable adaptation cinématographique de la série et obtenu que le nom de son père ne soit pas au générique.

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