Expo/ Paul Cruet, le mouleur de Rodin (Vidéo)

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Auguste Rodin eut dans son équipe des praticiens, chargés de dégrossir et d’avancer la version en marbre de ses sculptures, il eut aussi toute une équipe de mouleurs, chargés de tirer en plâtre les terres en cours de réalisation ou achevées. Parmi ces mouleurs, Paul Cruet (1880-1966) : engagé en 1905, Cruet se voit confier par Rodin l’atelier de moulage que celui-ci installe en 1908 à Issy-les-Moulineaux, non loin de la Villa des Brillants à Meudon, où Rodin vit et a un autre atelier. Cruet devient le principal collaborateur du maître. A la mort de Rodin, Cruet continue d’œuvrer parmi les plâtres pour les classer, les conserver, faire des tirages ; il achève le grand œuvre qu’est le montage de la Porte de l’Enfer. Son expertise technique, sa connaissance de l’œuvre de Rodin font de lui une personne clé dans la conception et la réalisation du musée Rodin. Paul Cruet est le « seul technicien complètement (…) en possession de la tradition technique du sculpteur », note un procès-verbal du conseil d’administration du musée, en 1936.

Le plâtre chez Rodin

Au XIXe, le plâtre est un moyen intermédiaire : il permet de présenter une œuvre dont on espère obtenir la commande en bronze par l’Etat ou un riche commanditaire ; il permet de vendre des œuvres aux particuliers, à un coût admissible et une fois patiné pour avoir l’air d’être autre chose qu’un plâtre. Rodin va utiliser le plâtre comme moyen intermédiaire d’abord, puis l’utiliser comme moyen de création et comme état final de l’œuvre. Le plâtre est pour lui le moyen de garder la trace d’une œuvre à un stade de sa réalisation, cet enregistrement d’une étape peut devenir œuvre indépendante. Multipliant les tirages, les réductions, les agrandissements, il combine les plâtres entre eux pour en sortir, par association de formes, de nouvelles significations. Ces innombrables tirages ou épreuves ne sont que très rarement patinés : Rodin laisse au plâtre sa blancheur laiteuse, qui convient beaucoup mieux à ses formes que leur transcription en marbre d’une totale froideur. Les coutures (les traces des limites des différentes pièces du moule qui font des cicatrices sur le tirage) sont laissées apparentes : là encore, Rodin préfère laisser au tirage une certaine « bruteté » plutôt que de le peaufiner.

Une technique ardue

La technique du moulage est extrêmement complexe, et d’autant plus dans le cas de grandes terres. Elle demande une suite d’opérations qui ne laissent pas de place au hasard, du moment où le mouleur raisonne son moule, c’est-à-dire où il étudie la pièce à mouler pour en déduire les différences parties emboîtables qui vont constituer ce moule, au moment où il démoule le plâtre. Pour assurer une maniabilité des grosses pièces, Rodin et ses mouleurs avaient obtenu des moulages en plâtre très fin ; c’est une virtuosité qu’obtenir cette fine membrane sans qu’elle casse. Le moulage en plâtre dans l’atelier de Rodin a atteint une perfection technique qui répondait aux exigences formelles du sculpteur.

Dans cette exposition, on trouvera un beau choix d’œuvres dont quelques-unes appartiennent en propre au musée (la veuve de Paul Cruet légua son fonds à la ville d’Issy en 1966 et 1974) : grands plâtres comme Adam, Saint Jean-Baptiste, L’Age d’airain, Le Baiser ; petits plâtres comme Camille Claudel, Les Sirènes, Les Bacchantes… ; quelques variations sur Hanako, la danseuse japonaise dont l’expression scénique fascina Rodin (cf. Présent du 7 juillet 2007), mais aussi une ébauche de monument au général Marguerrite, père des écrivains Paul et Victor Margueritte, mortellement blessé à Sedan. Et puisqu’on est à Issy, il serait dommage de ne pas faire deux kilomètres et de ne pas pousser jusqu’à la Villa des Brillants et sa « grande salle des plâtres ».

  • Auguste Rodin et son mouleur Paul Cruet. Jusqu’au 20 mai 2018, musée de la Carte à jouer, Issy-les-Moulineaux.
  • Villa des Brillants, 19 avenue Auguste Rodin, 92 190 Meudon.

 

Samuel Martin – Présent


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