la France de Jean Gabin d’Alain Paucard

Nous célébrons cette année les quarante ans de la disparition du Commandeur Jean Gabin. La Cinémathèque lui a rendu hommage et il est probable que nous allons voir fleurir les ouvrages consacrés au comédien. L’ouvrage d’Alain Paucard n’est pas une monographie ni une étude circonstanciée de l’œuvre de Gabin mais un (très) court essai sur le personnage et le mythe qu’il est devenu. Comme avec sa France de Michel Audiard, l’auteur cherche avant tout à nous prouver (et y parvient souvent) que Gabin fut, pendant près de 40 ans (des années 30 au milieu des années 70), une parfaite incarnation d’une certaine idée de la France.

Il revient sur les deux périodes que l’on oppose traditionnellement lorsqu’il s’agit d’évoquer le « cas Gabin ». D’abord celle des années 30 où l’acteur est associé au Front Populaire (grâce aux films de Duvivier), au « réalisme poétique » (grâce aux films de Carné) et à une certaine idée du prolétaire victime de la lutte des classes (notamment dans La Grande illusion de Renoir). Généralement, les cinéphiles prisent essentiellement cette période et si Paucard ne nie pas le parcours quasi sans fautes de Gabin, il estime qu’il n’est pas encore devenu lui-même. Par la suite, « il ne sera plus présent par la vertu du « réalisme poétique », mais seulement grâce à lui-même. Plus de lumpenprolétariat (Les Bas-fonds ; Le Récif de Corail) ; des personnages dont la stabilité traduit tout autant celle de la société que la sienne propre. »

C’est donc à la figure du « patriarche » des années 50/60 que Paucard va s’attacher, en détruisant à juste titre quelques fausses valeurs (La Traversée de Paris, Le Clan des siciliens) et en réhabilitant avec enthousiasme quelques œuvres qui lui sont chères (les polars de Gilles Grangier, par exemple).

Très rapidement, Paucard dont on sait que l’une de ses spécialités est le jugement lapidaire comme dans ses hilarantes notules dans le Guide des films de Tulard, passe en revue les principaux films de Gabin avec pour fil directeur une volonté de montrer que les personnages qu’il incarne sont le symbole même d’une certaine France chère au cœur de l’auteur. La démonstration est assez convaincante même si l’on peut trouver que l’essai est un peu court puisqu’il fait à peine 50 pages si l’on enlève les annexes et la préface ! De la même manière, la verve légendaire de Paucard me semble ici un peu tarie, même lors de ses attaques attendues contre Truffaut et la Nouvelle vague.

Seule sa remarque très juste sur la « oliviermarchalisation » du polar (cinéma et série) m’a fait sourire.

Que ces petites réserves ne vous empêchent pas, néanmoins, de jeter un coup d’œil à cette France de Jean Gabin. Car Paucard est un passionné et cet amour du cinéma (même si je ne partage pas forcément ses goûts mais ça, c’est le jeu !) transpire de chaque ligne de cet essai et donne envie de (re)découvrir certains films de l’acteur, de se replonger dans l’œuvre d’un Gabin dont l’aura mythique a sans doute progressivement éclipsé ses qualités de jeu…

La France de Jean Gabin d’Alain Paucard (Éditions Xénia, 2016).

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