13 centrales nucléaires survolées: pas 1 photo, pas 1 explication!!!

Quand on ne sait rien d’un phénomène, il n’est pas interdit de se demander pourquoi il n’est pas permis d’en savoir davantage. Christian Combaz, après deux mois de survols de centrales, se demande si la presse et les pouvoirs publics n’ont pas, eux aussi, survolé la question.

e survol du parc nucléaire français par des objets qu’EDF décrit comme “pouvant être assimilés à des drones” (sic) oblige les gens de bon sens, et ceux qui ont la témérité de se présenter comme leurs interprètes, à poser des questions gênantes.

Pourquoi le sont-elles ? Justement nous l’ignorons. C’est tout l’objet de cet article, montrer qu’il y a là une sorte de zone grise artificielle. Commençons par rappeler que la liberté de s’exprimer sur les questions nucléaires en France n’est pas la même partout. Il vaut mieux appartenir à un circuit de diffusion étranger à ce qu’on appelle les Grands groupes d’information pour poser certaines questions en gardant une chance d’être publié.

Répétons-le, il ne s’agit pas de proférer des affirmations, mais de formuler des interrogations. Il ne s’agit même pas de gloser sur ce que racontent les rares témoins, ni d’analyser la nature de ce qu’ils ont observé ni de supputer la dimension et la vitesse des objets volants, mais de se demander pourquoi la presse a si peu fait son travail. Au temps de Tintin et de Blake et Mortimer, les vaillants reporters hésitaient-ils dix jours avant de déployer un matériel de détection autour des incidents signalés, se gardaient-ils de mettre en doute la version officielle, reproduisaient-ils servilement les communiqués de la Gendarmerie ? Non, si la caméra infra-rouge avait été inventée, ils auraient passé la nuit en planque avec une douzaine de comparses auprès des centrales susceptibles d’être visitées.

Voilà pour la presse. A présent les “autorités”, privées ou publiques, ont-elle montré une curiosité suffisante au sujet de ces phénomènes à compter du troisième jour ? Tout indique que non mais expliquons d’abord pourquoi seulement à partir du troisième jour. Le premier jour, les objets volants vous prennent par surprise, en l’occurrence à Creys-Malville (8 octobre – on ne sait toujours pas dans quelles conditions d’ailleurs). Vous n’avez pas le temps de photographier, d’enregistrer, d’analyser. Même vos caméras de surveillance n’ont pas le temps, elles n’étaient pas prêtes, elles n’ont pas pu lever le nez, elles n’étaient pas équipées de capteurs CCD réglés dans l’infrarouge, les piles étaient mortes, etc. Déjà à ce stade l’étonnement commence à poindre mais penchons-nous sur le deuxième survol. Ce jour-là normalement toutes les centrales au moins voisines doivent avoir testé le matériel de surveillance et l’avoir réuni. Les capteurs infra-rouge ont été acheminés. Les téléobjectifs ont été livrés sur la moitié des sites. Mais, comme nous connaissons la lourdeur et le manque de moyens de l’administration de la gendarmerie, comme nous savons combien l’industrie nucléaire aime tout contrôler précisément avant d’agir, notre raisonnement, avec indulgence, sautera la deuxième journée, celle du 13 octobre (survol de la centrale du Blayais et de celle de Nogent sur Seine) pour laisser le temps à des équipes mal préparées, à des matériels mal réglés, d’ affronter le troisième survol. Ça tombe bien il a lieu le lendemain. Il s’agit de la Centrale de Cattenom.

Zéro, aucune photo, aucune trace infrarouge, aucune description officielle des objets en question.

Trois jours après, les pilotes de ces fameux drones ont l’inconscience de revenir se promener sur les tuyères de Nogent sur Seine. Cette deuxième visite n’a fait l’objet d’aucun enregistrement filmé, d’aucune prise de vue statique avec ou sans infra-rouge. Les caméras automatiques n’ont rien révélé. L’audace des pilotes témoigne qu’ils étaient particulièrement à l’aise avec la sécurité, ou que la sécurité n’avait aucune intention d’abattre leurs appareils. Ou qu’elle en était incapable. A l’heure ou n’importe quel adolescent arrive à filmer le jet d’une canette sur un parking avec son smartphone, comment croire que les sites les plus surveillés de France n’aient pu prendre aucune photo, aucun film, même pas avec le secours des téléphones du personnel de nuit? Les vieux pilotes de tourisme se souviennent en outre de la triangulation gonio qui permettait d’obtenir un QDM, il y a trente ans, auprès d’un aéroport, (c’est à dire grossièrement une position radio de l’émetteur sur une carte).

Mais là, rien. Après trois survols au Bugey, rien n’a permis la localisation de l’émetteur. A qui le fera t-on croire ? A qui fera-t-on croire qu’il n’existe, après un mois de manifestations aériennes répétées jusqu’à trois fois sur les mêmes sites, aucune image, aucun enregistrement radar, aucune position gonio?

Si l’information existe, pourquoi n’est-elle pas disponible ? Pourquoi les enquêteurs privés ne sont-ils pas sur le coup ? Si certains ont fait preuve de la curiosité nécessaire, pourquoi n’en sait-on rien?

13 centrales nucléaires ont été survolées entre le 5 octobre et le 3 novembre 2014 : Creys-Malville (2 fois), Blayais, Nogent (2 fois), Cattenom, Gravelines, Bugey (3 fois), Chooz, Golfech, Penly (2 fois), Dampierre (2 fois), Saint-Laurent, Flamanville, Fessenheim, Belleville. (Dans la nuit du jeudi 20 au vendredi 21 novembre, deux autres drones ont été repérés en Seine-Maritime et dans le Tarn, ndlr).

Les interrogations exprimées ci-dessus ne se lisent que dans de très rares forums. Areva ne commente pas, EDF en dit le moins possible. Comment peut-on croire que le Pays ne demandera pas raison, un jour, publiquement, à ceux qui ont cru pouvoir se payer sa tête à ce point-là?

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