Pape François, le grand malentendu de Guy Baret

Guy Baret, journaliste, éditorialiste, s’est fait connaître par des livres sur l’éducation (Comment rater l’éducation de votre enfant, Allô Maman Dolto…) et sur la foi (Le roman de Thérèse). Dans son dernier ouvrage, il s’intéresse au pape François.

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— Vous avez écrit un Plaidoyer pour Benoît XVI. Votre livre est-il un réquisitoire contre le pape François ?

— Non ! Mon livre est une interrogation. Elle est critique par rapport à la douzaine de livres parus en France unanimement laudatifs… Un religieux n’a-t-il pas estimé qu’avec François « le pape s’est fait homme » ? Une nouvelle incarnation ! Tandis que d’autres parlent de « révolution », bien qu’il n’en ait accompli aucune… Ces dithyrambes excessifs sont parfois écrits par ceux-là mêmes qui critiquaient ce que, sous Benoît XVI, ils appelaient la papolâtrie, c’est paradoxal. Mon livre n’est critique que par contraste. Il est respectueux du Saint-Père. S’il faut légitimer ce qui pourrait apparaître comme des critiques, je me réfère au concile Vatican II : les fidèles ont le droit de faire part de leurs doléances à la hiérarchie.

— Le pape parle-t-il plus qu’il n’agit ?

— Il a fait naître, par ses discours, des espérances de modifications dans la pastorale ou la doctrine. Notamment dans le domaine des mœurs. Pour le moment, presque deux ans après son accès au pontificat, rien n’a changé. Les réformes que certains redoutent et auxquelles d’autres aspirent n’ont pas eu lieu. En ce sens, oui, il parle plus qu’il n’agit. Mais n’oublions pas qu’un pontificat se juge sur le temps long.

— Votre livre est paru avant le synode sur la famille. Celui-ci a été riche en malentendus. Quelle analyse en faites-vous ?

— Le synode illustre mon livre, mais je ne crois pas que ce soit l’intention des pères synodaux… Un certain nombre d’idées sur l’accueil des divorcés remariés, sur les homosexuels, ont été émises. Le pape ne s’est pas prononcé. Il le fera dans un an, après la deuxième session du synode. Mais le malentendu est bien là ! Le grand public, qui n’a eu que les échos médiatiques de ce qui s’est dit, a cru comprendre que l’Eglise avait changé du tout au tout sur le divorce et les homosexuels. Il n’en est rien, malgré les grands titres de la presse.

— Le pape ne manque-t-il pas de prudence médiatique ?

— Je le pense. Peut-être ne se rend-il pas compte de l’impact de ses déclarations. Lorsqu’il a dit au retour des JMJ en 2013 : « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? », il a ajouté que cela est dans le catéchisme, et en effet – mais le catéchisme dit aussi que l’homosexualité est intrinsèquement désordonnée. Un grand site homosexuel ou le journal The New Yorker n’ont retenu qu’une chose : le pape François est l’homme de l’année pour la cause des gays… Le père Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, a ensuite bien du mal à expliquer qu’il ne s’agit pas exactement de cela. Les gays du New Yorker ou de tel ou tel site spécialisé ne sont pas de grands lecteurs du catéchisme catholique : ils ignorent la distinction entre la norme morale et la nécessité d’accueillir la personne homosexuelle. Notez que cette ignorance est partagée par certains catholiques, tant la défaillance de la catéchèse a été dramatique.

— Le pape n’est-il pas, finalement, manipulé par les médias ?

— Dans l’hypothèse la plus bienveillante à l’égard du pape, peut-être ne se rend-il pas compte de l’impact mondial, universel, de ses propos. Pour certains analystes, il s’agit d’une stratégie délibérée pour rendre plus aimable le visage de la papauté et, par ce biais, le message de l’Evangile. Auparavant, lorsque le pape s’exprimait, les distinctions étaient nettes. La définition dogmatique, les actes ordinaires du magistère, les encycliques, etc., tous avaient un degré d’autorité différent. Un discours diplomatique ne contraint pas les catholiques au même titre qu’une définition pontificale ! Le changement a commencé avec Paul VI. Il a accordé des entretiens à Jean Guitton. Depuis, tous les papes ont fait de même. Quelle autorité ont les propos qu’ils tiennent dans ce cadre ? Personne ne le sait vraiment. On peut estimer que ce sont des propos privés, mais le pape n’a pas de vie privée dans le domaine de la théologie. Les catholiques peuvent encore distinguer ces formes, pas les gens de la rue : pour eux, le pape a parlé, voilà tout. Cela nourrit la confusion.

— Quelle issue trouver à cette confusion ?

— Ou bien le pape répond aux attentes des plus progressistes, et le trouble sera grand, avec ce résultat d’augmenter les effectifs de la Fraternité Saint-Pie X. Ou bien il revient à des positions plus traditionnelles, et il nourrira une grande déception chez tous ceux à qui il a laissé « espérer » des changements. Bien que le pape soit favorable à une ouverture, je pense qu’il ne faut préjuger de rien. Rappelons-nous Paul VI. Il était aussi un pape d’ouverture. Tout le monde, en 1968, s’attendait à ce qu’il cautionne le changement en matière de contraception. L’inverse a eu lieu, avec l’encyclique Humanae Vitae. Que fera le pape François pour la famille ? Il a peut-être son inclination culturelle, politique, il est tout de même assisté du Saint-Esprit. Les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre l’Eglise et le pape a toujours mission d’affermir ses frères.

• Guy Baret, Pape François, le grand malentendu. Editions du Moment, 180 pages. 17,95 euros.

Lu dans Présent

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