Europe 1 aurait fiché plus de 500 000 auditeurs en 20 ans

Pendant près de 20 ans, 573 315 auditeurs ont été fichés, parfois avec des qualificatifs extrêmement injurieux, par Europe 1, selon un rapport de la Cnil consulté par Mediapart. La Cnil n’a pas souhaité porter l’affaire devant la justice.

La station de radio Europe 1 a-t-elle, pendant près de 20 ans et de manière illégale, fiché et conservé des informations sur ses auditeurs, agrémentées de commentaires extrêmement injurieux ? C’est ce qu’affirme Mediapart dans un article publié ce 24 février.

S’appuyant sur un rapport de la Cnil produit en 2017, le média d’investigation explique que cette affaire ne s’est pas vue portée devant la justice et que l’autorité administrative s’est contentée d’un rappel à l’ordre, décidant de ne pas suivre les recommandations de son rapporteur. Le fichage auquel Europe 1 se serait livré sur ses auditeurs semble pourtant stupéfiant.

Le standard de la station de radio, qui reçoit les appels des auditeurs et les classe, fait le tri avant un éventuel passage sur les ondes, sur une échelle allant d’«excellent» à «mauvais». «Il s’agit de savoir si le propos de l’auditeur est cohérent avec le sujet de l’émission. Et d’assurer qu’il n’y a pas d’agressivité avant le passage à l’antenne par exemple, savoir si une personne s’exprime de manière compréhensible, si la ligne téléphonique est bonne», explique l’un de ces opérateurs à Mediapart.

Mais la démarche ne s’arrête pas là. La Cnil a en effet noté que des commentaires déplacés étaient régulièrement ajoutés sur les fiches des auditeurs : «Patrice séropositif», «plus alcoolique mes fesses !», «arrêt maladie, traitement pour un cancer». D’autres remarques visent l’orientation sexuelle ou l’origine des personnes concernées, par des tournures douteuses : «accent juif tunisien, insistant et désagréable», «accent du Maghreb, pas toujours claire, bavarde, a besoin de parler de son cancer», «il est homo», ou encore «ancien hétéro, qui est devenu homo».

Plus étrange encore : certains commentaires relèvent même de l’injure : «gros con», «FACHO !!!», «voix de vieille pédale», «ne répond jamais ce fdp», «connard qui nous a déjà bien fait chier». La Cnil qualifie pudiquement ces commentaires de «non adéquats» et «insultants».

Autre aspect de l’affaire pointé du doigt par l’autorité administrative : le nombre impressionnant d’auditeurs qui auraient ainsi été fichés. Le logiciel utilisé par Europe 1 pour stocker ces informations lui aurait permis d’assembler des fiches sur plus de 573 315 personnes.

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