Mais où est donc passée la sphère publique ?

 

♦ A quelques semaines d’une échéance électorale importante à notre époque menacée par des périls que nous connaissons bien, nous constatons, dans un état que Hannah Arendt aurait qualifié de « désolation profonde », qu’il n’y a aucun débat, aucune discussion, aucun échange réellement politique. Pourtant, ce n’est que sur les points fondamentaux (économie, emploi, éducation, immigration massive, sécurité, positionnement de la France dans le monde…) que les électeurs pourront faire un choix « éclairé ».

La sphère publique a-t-elle été phagocytée par l’espace médiatique ?

« Le monde “ne peut être compris que dans la mesure où plusieurs en parlent et échangent mutuellement leurs opinions et leurs perspectives”. Sans discussion, l’aliénation par rapport au monde est totale, le monde devient absurde, vide de signification. Cette rupture de communication entre les hommes, Hannah Arendt la nomme la “désolation” » (1).

Ce qui définit la notion même « d’espace public » est la participation effective du peuple à la discussion et aux prises de décision.

La connaissance des positions des différents candidats sur leur programme, leurs explications et leur argumentation face à leurs adversaires, tous ces échanges de fond sont le b.a.ba de ce que doit être une démocratie réelle.

« Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre », affirmait Voltaire. Cette pensée de l’auteur de Candide, en dehors du fait qu’elle peut être retenue comme un excellent sujet au Baccalauréat de philosophie, nous oblige à constater que la sphère médiatique fait le nécessaire pour brouiller notre vue et nous assourdir.

Les affaires multiples, les Unes des presses people qui versent la « politique » dans un bain de paillettes, les candidats holographiques qui se mettent en scène sont des symptômes, parmi d’autres, de l’abrutissement orchestré. Le masque « à double face » (Docteur Jekyll et Mr Hyde) d’un Emmanuel Macron, à lui seul, peut générer ce que les psychologues appellent « la dissonance cognitive » en affirmant être « hors Système » en dépit de son curriculum vitae digne d’être retenu avec appétit par le groupe Bilderberg ou lors des rencontres de Davos. Tout ce bruit et ces faux semblants partagent un objectif commun : perturber grossièrement la recherche de la vérité, nuire à toutes réflexions nécessaires au choix libre des électeurs.

C’est pourtant bien « la liberté » qui est la clé de voûte d’une réelle démocratie.

« En résumé, découpler liberté et politique, c’est vider le contenu de la liberté, faire de la sphère politique une caricature de ce qu’elle a été et, partant, ruiner tout véritable espace public, du moins comme lieu de participation effective du public au pouvoir (1).

En définitive, l’espace médiatique est, dans le domaine politique qui nous importe, l’antithèse de l’espace public.

Il est vrai, nous l’avons vu, qu’il cherche à perturber notre discernement, à nuire à notre liberté qui doit être inhérente à la politique afin que celle-ci ne se mute pas en totalitarisme – comme le démontre Hannah Arendt.

L’absence de débats entre les aspirants à l’Elysée, l’éloignement des candidats identifiés par les médias comme « petits », l’acharnement grotesque contre François Fillion, l’apologie spasmodique d’Emmanuel Macron et son invasion médiatique – excepté Le Canard enchaîné, qui évite scrupuleusement de « pincer » ce candidat bienaimé des oligarques donc de la presse – tous ces faits prouvent combien nous sommes loin d’un climat de liberté.

De surcroît, le consensus haineux qui peut être assimilé à un cordon sanitaire épineux autour de Marine le Pen, le ton identique, moulé au conformisme « anti FN », des chroniqueurs des émissions les plus diverses – de la variété aux informations (seule la météo est encore, pour l’instant, préservée) – sont autant d’attitudes qui dénoncent, de façon criante, que le but est de faire du Front national l’ennemi numéro 1 de la France. Cela, en dépit des derniers attentats, du péril terroriste qui perdure et de la délinquance qui s’installe sur des territoires faisant d’eux des zones de non-droit où la charia impose sa loi.

Qu’il soutienne ou « cherche à démolir », l’objectif de ce consensus médiatique est de formater les esprits.

Cette campagne électorale nous oblige donc à constater (confirmer ?) que nous ne sommes pas en démocratie.

Cette campagne, par sa caricature, est la preuve tangible de la dictature médiatique qui sévit depuis des années mais s’abat aujourd’hui avec une force et un dédain sans pareils sur le peuple de France dans un moment essentiel pour son avenir. Cette bouffonnerie permanente devrait remuer les consciences en grande partie grâce aux médias alternatifs qui la dénoncent.

Une nette répartition entre la « recherche de vérité » de certains médias alternatifs et « la recherche de manipulation » des gros médias s’est installée sous nos yeux. En effet, lorsqu’ils sont indépendants financièrement et partagent un souci d’honnêteté exigeant la vérification de l’information transmise, les supports alternatifs sont devenus les véritables « espaces publics » de notre société. L’importance de ce repli vers l’alternatif prouve la force de l’invasion du climat délétère de la pensée unique tyrannique. Cette pensée est unique car elle vient de représentants d’un même monde ; elle est tyrannique car ce monde est celui de la finance cosmopolite par définition puissante.

Le développement des supports alternatifs indique une force de résistance vigoureuse qui va croissant. Ils sont un vecteur de changement réel, comme le prouvent les mesures liberticides prises à l’encontre d’Internet qui signent l’inquiétude de ceux qui se veulent les maîtres de l’information. Nous savons que « la plupart des changements sociaux sont l’œuvre des minorités ».

Nous pouvons espérer trouver au sein d’un peuple de culture gréco-latine et chrétienne des résistances pugnaces qui luttent déjà et lutteront contre l’endoctrinement médiatique agressif pour la survie de ces agoras qui sont les poumons de la démocratie.

Laurence Maugest – Polémia

Related Articles