Réseaux de prostitution nigérians : la route des migrants

Une organisation mafieuse nigériane. Un vaste réseau de prostitution, de traite humaine et de faux réfugiés tenu par des « mamas maquerelles » et des proxénètes nigérians sur fond de rite vaudou. Le vivre-ensemble et l’accueil en prennent un coup cette semaine à Paris devant la 16e chambre du tribunal correctionnel.

Leurs compatriotes achetaient les très jeunes filles dans les villages au Nigéria en faisant miroiter à leurs familles l’eldorado français, de bonnes études, un métier et des rentrées d’argent. Puis ils les faisaient passer par la route des migrants, en bateau depuis la Libye jusqu’à l’Italie.

Avant le départ, un rituel immuable : le passage devant un sorcier africain pour se soumettre au rite « juju » en jurant sur les ayelalas (divinités africaines) : « On m’a déshabillée », témoigne une prostituée à l’audience. « Le sorcier m’a coupé des cheveux et des poils pubiens, il m’a fait manger un cœur de poulet cru et il m’a dit que si je désobéissais à Mama Alicia, si je prenais la fuite, l’ayelala me tuerait. »

Les « mamas » qui mettent les filles sur le trottoir dès leur arrivée en France, leur réclament d’emblée le remboursement de 50 000 euros. Les filles enchaînent les passes, jusqu’à 20 par jour. La maquerelle en chef, « Mama Alicia », Happy Iyenoma à l’état civil, règne sur les Authentic Sisters, une secte de femmes qui achète de la chair fraîche au pays et gère le business. Elles sont épaulées par une poignée d’hommes de la confrérie très redoutée des Eiye, ou Blue Berets, une organisation criminelle nigériane dont les cellules gangrènent l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe.

Une cinquantaine de victimes ont été identifiées. Plusieurs d’entre elles étaient mineures à leur arrivée en France. C’est le cas de Rose, qui croyait aller à l’école : « La prostitution, je ne savais pas ce que c’était, j’étais vierge. » Un homme est venu chez Happy et l’a violée. Véra a subi le même sort à 16 ans, dans un hôtel près du métro Château-Rouge. Bella raconte être tombée enceinte, avoir été forcée par Happy d’avorter puis renvoyée sur le trottoir dès le lendemain. Elles ont été envoyées se prostituer un peu partout en Ile-de-France, dans la cage d’escalier d’un immeuble de Trappes (Yvelines), dans des foyers africains pour dix euros la passe, à Villemomble (Seine-Saint-Denis) ou porte de Bagnolet (XXe). Anita remettra 39 000 euros au réseau en un an et demi. Elle décide de fuir, aidée par une association, et de porter plainte. « J’ai cessé de leur donner ce que je leur devais. Ils ont fait assassiner ma mère par les ayelalas au Nigeria. C’est ma sœur qui me l’a appris. »

Les filles recevaient des consignes très précises sur les réponses à faire au bureau d’immigration : raconter à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qu’elles ont échappé aux djihadistes de Boko Haram. Refuser la prise d’empreintes en débarquant en Europe et donner un faux nom.

Tout de blanc vêtue, serre-tête assorti, Happy Iyenoma, principale prévenue, jugée pour proxénétisme aggravé, en détention provisoire depuis 2016, comparaît libre. Elle a bénéficié d’une incroyable aubaine, une erreur de procédure qui lui a valu d’être libérée vendredi. Merci les ayelalas, merci la France…

 

Caroline Parmentier – Présent

Caroline Parmentier

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