Décryptons le pacte de Marrakech

D’aucuns nous disent que le PPE n’a pas voté le Pacte de Marrakech ; pas plus que LR… De fait, en tant qu’institution, le Parlement européen et les partis politiques n’avaient pas à voter ce texte. Mais la Commission de Bruxelles (Juncker, Avramopoulos et consorts du PPE) l’a signé.

En réalité Strasbourg fit mieux que le « voter ». Ils le suscitèrent ! par cette motion prise un an avant :

http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2017-0124_FR.html?redirect

La difficulté est d’en donner la mesure, et faire lire la réalité d’un texte bavard et trop long – une pensée qui ne sait être concise – ou d’en donner la substantifique moelle pour convaincre les électeurs LR de cette terrible réalité, sans tomber pour autant dans la caricature.

Car dans ce texte tout est affirmé clairement concernant la question des migrants. Tout. Absolument tout ! Y compris :

– un accroissement du regroupement familial ;

– la condamnation de toute critique de la politique de l’Union – laquelle considère les migrations comme un « phénomène humain ordinaire » ;

– le refus du concept de pays sûr comme autorisant un frein aux migrations ;

– l’injonction faite aux États membres de donner emploi, logement, éducation et soin aux migrants ;

– l’interdiction d’opposer un quelconque frein au désir d’Europe des migrations ; cela sans aucunement tenir compte de l’état socio-économique des pays d’accueil ;

– l’obligation de voir les LGBTI comme une minorité ayant priorité dans les droits aux avantages exposés ci-avant ;

– l’obligation de scolarisation des enfants ;

– donner plus d’attention aux enseignants de la communauté d’origine ;

– le refus d’une politique de visa comme les USA la pratiquent ;

– instaurer un régime de gouvernance multilatérale – comprendre supranational ;

– refuser de traiter différemment des migrants ayant vocation au retour ;

– justifier du droit à migration par effet du « changement climatique » ;

– financer les mesures pour lutter contre celui-ci dans les pays concernés – ceci sans diminuer d’aucune façon l’aide qui leur est déjà apportée ;

– laisser les migrants circuler comme ils l’entendent dans les frontières de l’Union ;

– indique une palanquée de mesures à prendre dans les pays d’origine, qui semble friser le néocolonialisme ;

– une vive préoccupation de la situation des droits de l’homme et de la liberté de la presse en Turquie – Turquie pour laquelle le Parlement vote des subventions afin de lui faire intégrer l’Union…

Alors certes, on peut ne rien croire de tout cela ; on peut se voiler la face et se dire que ce programme n’engage à rien… On peut se contenter des déclarations à tout vent de Wauquiez ou des autres en France… On peut croire que Strasbourg prendra des motions contraires, alors qu’ils furent parmi les instigateurs et en tous cas premiers auteurs du texte : innombrables sont les déclarations du pacte copiées depuis cette motion ! On peut croire que Bellamy à lui seul renversera la table où sont solidement assis tous les leaders mondialistes allemands, belges, hollandais, etc. du PPE…

Mais avant de rêver… Commençons déjà par nous demander pourquoi le PPE vota cette motion et pourquoi les députés français des LR ne s’y opposèrent-ils pas ? Non ?

Il reste maintenant que :

– ce texte existe, engageant le Parlement européen ;

– rien n’indique qu’il existe une volonté politique contraire au sein du groupe PPE ; contrairement au groupe ENL et à ses leaders – dits populistes.

La France a signé le traité de Marrakech, le groupe PPE a signé peu ou prou la même déclaration. On peut toujours rêver que Wauquiez annonce qu’un président LR sortirait du susdit Pacte ! RDV en 2022 ?

***

On trouvera quelques extraits choisis ci-après. Le Parlement européen :

  1. insiste sur le fait que cette réponse doit se fonder sur le principe de solidarité et ne devrait pas se limiter à une démarche sécuritaire, mais être guidée par la protection totale des droits et de la dignité de chaque personne contrainte, pour une raison ou une autre, de quitter son foyer en quête d’une vie meilleure et plus sûre…
  2. souligne la nécessité, pour l’Union et ses États membres, de prendre en considération et de mettre au point une nouvelle approche du mouvement des personnes en améliorant leur accès aux services de base, notamment l’éducation, ainsi que leur intégration et leur contribution aux contextes locaux en leur offrant des possibilités d’emploi et de travail indépendant ;
  3. souligne que la migration internationale peut contribuer à contrer les discours xénophobes, populistes et nationalistes ; afin de réglementer la migration comme un phénomène humain ordinaire et de répondre aux préoccupations légitimes concernant la protection sociale accordée aux groupes vulnérables et l’intégration sociale des réfugiés et des migrants ;
  4. souligne que les possibilités d’emploi et les débouchés économiques sont cruciaux pour atténuer l’effet des vulnérabilités dues au déplacement ; invite l’Union européenne à aider les migrants et les réfugiés à se rendre dans des lieux qui offrent de telles possibilités, à contribuer à créer des possibilités dans leur lieu d’exil (notamment en supprimant les barrières et les obstacles qui empêchent d’accéder au marché du travail) et à les aider à développer de nouvelles compétences qui répondent mieux aux besoins du marché du travail local ;
  5. souligne la nécessité de mettre en place un cadre et de prendre les dispositions appropriées dans les pays d’origine afin d’accueillir dans la dignité les migrants refoulés, vulnérables et marginalisés, en leur donnant les moyens de réussir leur intégration sur le plan socioculturel ;
  6. demande que les femmes, les mineurs et les minorités LGBTI bénéficient d’une assistance particulière et d’une meilleure protection humanitaire dans le cadre de leur réinstallation ou de leur processus d’intégration, et qu’ils soient considérés comme prioritaires dans des procédures d’accueil qui tiennent compte des questions d’égalité hommes-femmes, respectent davantage les normes minimales et s’accompagnent de dispositions pour le regroupement familial plus efficaces ;

demande des mesures particulières de protection des personnes vulnérables contre les violences  et les discriminations au cours du processus d’asile et que ces personnes aient accès au statut de   résident et aux services de base, y compris aux soins de santé et à l’éducation, conformément à la législation applicable ;

8. demande à l’Union européenne d’élaborer des programmes de formation dans le cadre de sa coopération avec les pays tiers en ce qui concerne les besoins spécifiques des réfugiés et migrants vulnérables ;

  1. souligne que les enfants représentent une part importante des migrants et des réfugiés, et que des procédures particulières doivent être élaborées et mises en place pour assurer leur protection conformément à la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant ; exhorte les pays d’accueil à donner aux enfants réfugiés un accès sans restriction à l’éducation et à favoriser autant que possible leur intégration et leur inclusion dans le système éducatif national ;

demande en outre aux acteurs de l’aide humanitaire ainsi que de l’aide au développement d’accorder plus d’attention à l’éducation et à la formation des enseignants, de la communauté d’origine comme de la communauté d’accueil, et aux bailleurs de fonds internationaux d’accorder la priorité à l’éducation lorsqu’ils interviennent en situation de crise, grâce à des programmes de participation et d’aide psychologique des enfants migrants ainsi qu’à la promotion de l’étude de la langue des pays d’accueil de sorte à garantir aux enfants réfugiés la meilleure intégration possible ;

  1. souligne que, conformément aux principes de l’Union européenne, un objectif général des politiques migratoires extérieures de l’Union devrait être d’instaurer un régime de gouvernance multilatérale pour les migrations internationales ;
  2. fait part de sa vive préoccupation face à la décision prise récemment par le gouvernement des États-Unis d’interdire temporairement aux ressortissants de sept pays majoritairement musulmans d’entrer dans le pays et de suspendre temporairement le système américain d’accueil des réfugiés ; estime que ce type de décision discriminatoire alimente les discours xénophobes et hostiles à l’immigration, pourrait contrevenir aux principaux instruments de droit international, comme la convention de Genève, et compromettre gravement les efforts actuellement déployés à l’échelle mondiale pour parvenir à un partage international équitable des responsabilités envers les réfugiés ; prie l’Union européenne et ses États membres d’adopter une position commune ferme en faveur du système de protection internationale et de la sécurité juridique de toutes les populations touchées, notamment des citoyens de l’Union européenne ;
  3. souligne que la réinstallation de personnes déplacées de force relève, de manière urgente, de la responsabilité de la communauté internationale, et que le HCR joue un rôle important à cet égard ; invite les États membres de l’Union européenne à respecter pleinement leurs propres engagements ; estime qu’il est extrêmement important de mener d’urgence une action coordonnée et durable garantissant des procédures équitables et accessibles afin que les personnes nécessitant une protection internationale puissent obtenir l’asile dans l’Union et dans les autres pays d’accueil au lieu d’en laisser la responsabilité essentiellement aux États qui sont en première ligne ou aux pays voisins de zones de conflit ;
  4. souligne que les concepts de pays sûrs et de pays d’origine sûrs ne doivent pas empêcher l’examen individuel des demandes d’asile ; demande la collecte d’informations spécialisées, détaillées et régulièrement actualisées concernant les droits des personnes, et notamment des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes LGBTI, dans les pays d’origine des demandeurs d’asile, y compris dans les pays considérés comme sûrs ;
  5. souligne qu’il convient de tout mettre en œuvre afin que les réfugiés se voient garantir un cadre de vie décent dans les États membres, notamment des soins de santé, la possibilité de recevoir une éducation et la possibilité de travailler ;
  6. estime qu’une protection temporaire ou subsidiaire fondée sur l’hypothèse que les réfugiés rentreront chez eux le plus rapidement possible engendre un manque de perspectives et de possibilités d’intégration ; rappelle l’importance du rôle positif que les réfugiés peuvent jouer dans la reconstruction de leurs sociétés à leur retour dans leur pays ou depuis l’étranger ;
  7. invite l’Union européenne à jouer un rôle de premier plan dans la reconnaissance des effets du changement climatique sur les déplacements de masse, étant donné que l’ampleur et la fréquence des déplacements augmentera probablement ;

demande en particulier à l’Union de mettre des moyens suffisants à la disposition des pays touchés par le changement climatique afin de les aider à s’adapter à ses conséquences et à en atténuer les effets ;

souligne que cette démarche ne doit pas se faire aux dépens de la coopération au développement traditionnelle qui vise à réduire la pauvreté ;

est d’avis qu’il convient que les personnes déplacées à cause des effets du changement climatique obtiennent un statut de protection internationale spécial qui tienne compte des spécificités de leur situation ;

  1. estime essentiel de se défaire du discours actuel sur les réfugiés, dans lequel ceux-ci sont présentés comme un fardeau uniquement, et souligne les contributions positives qu’ils peuvent apporter aux communautés qui les accueillent,

recommande d’associer les réfugiés à la définition et à la conception des réponses politiques qui les touchent directement, ainsi qu’à la création ou au renforcement des programmes nécessaires ;

  1. condamne la criminalisation croissante de la migration aux dépens des droits fondamentaux des personnes concernées ainsi que les mauvais traitements et la détention arbitraire des réfugiés dans les pays tiers ;
  2. préconise l’existence de voies légales appropriées permettant une migration sûre et organisée, y compris la migration circulaire ;

invite la Commission et le Conseil à renforcer le dispositif de la carte bleue européenne afin de mieux gérer les migrations économiques ; avertit que toute politique susceptible d’être contraire aux valeurs fondamentales de l’Union, telles que consacrées à l’article 8 du traité sur l’Union européenne et dans la charte des droits fondamentaux, nuirait à la crédibilité de l’Union ;

  1. demande que tous les accords conclus avec les pays tiers garantissent que les droits des migrants, quel que soit leur statut, soient conformes au droit international et encourage l’adoption de législations pertinentes, y compris en ce qui concerne l’asile, qui disposent en particulier que le seul franchissement irrégulier d’une frontière ne doit pas être considéré comme un motif d’emprisonnement ;
  2. regrette notamment l’absence de contrôle parlementaire sur les activités extérieures de l’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, et demande par conséquent que celle-ci fasse systématiquement rapport au Parlement sur la mise en œuvre de ses accords de travail et de ses opérations conjointes avec les pays tiers en lien avec la société civile ;
  3. demande, à cet égard, la mise en place de manière immédiate, concrète et tangible de voies légales, sûres et organisées vers l’Union européenne dans son ensemble grâce, entre autres, à des programmes de réinstallation et à des dispositions de regroupement familial plus efficaces ;
  4. met en garde contre toute dimension quantitative du nouveau cadre de partenariat et des « pactes pour les migrations » y afférents, qui considèrerait que les « augmentations spécifiques et quantifiables du nombre et du taux de retours » constituent le principal objectif de l’Union ;
  5. appelle à la plus grande vigilance sur le traitement des migrants qui sont renvoyés dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers ; estime que tout dialogue relatif au retour et à la réadmission – notamment dans le cadre d’accords de réadmission – devrait systématiquement inclure la question de la réintégration et du retour en sécurité des migrants ;
  6. encourage les responsables dans le domaine de la politique étrangère et de développement à veiller à ce que les personnes renvoyées dans leur pays soient traitées correctement et dans le respect de leur intégrité ;

invite la Commission et les États membres à développer des programmes d’accompagnement pour veiller à ce que soient menés, dans les pays d’origine, des programmes concrets d’aide comprenant aussi bien des actions de formation professionnelle que des programmes visant à la création de structures économiques, y compris des start-up et des petites entreprises, de même que des programmes d’échanges professionnels et universitaires avec les États membres ;

  1. souligne que les accords de partenariat, comme les partenariats de mobilité, devraient garantir que les migrants peuvent être accueillis en toute sécurité dans les pays de transit et d’origine, d’une manière totalement compatible avec leurs droits fondamentaux ; insiste sur le fait que le Parlement a clairement son mot à dire dans le cadre des accords de réadmission et de mobilité de l’Union ;
  2. rappelle la position du Parlement, telle qu’exprimée dans sa résolution du 12 avril 2016, souhaitant privilégier les accords de réadmission de l’Union aux accords bilatéraux conclus par les États membres avec des pays tiers ; rappelle la création récente d’un nouveau document européen pour le retour et souligne que sa reconnaissance devrait être systématiquement encouragée dans tout nouvel accord de réadmission ;
  3. souligne que l’aide et la coopération de l’Union doivent être conçues non pour inciter les pays tiers à coopérer en matière de réadmission des migrants en situation irrégulière, ni à dissuader par la force les personnes de se déplacer ou à arrêter les flux vers l’Europe ;

observe que les flux migratoires constituent une réalité internationale et ne devraient pas devenir un indicateur de la performance des politiques migratoires extérieures de l’Union ;

  1. souligne l’importance de consulter la société civile dans le cadre de toutes les politiques extérieures de l’Union, en prêtant une attention particulière à la pleine participation, à la transparence et à la diffusion adéquate de l’information dans toutes les politiques et tous les processus liés à la migration ;
  2. invite la Commission à collaborer étroitement avec les ONG et les experts actifs dans les pays d’origine des demandeurs d’asile afin de déterminer les meilleurs moyens d’aider les personnes et les groupes sociaux qui se trouvent dans les situations les plus vulnérables ;
  3. est préoccupé par la situation en Turquie et par l’incidence que cette situation peut avoir sur le fait que la Turquie soit considérée comme un pays sûr ;
  4. est extrêmement préoccupé par la situation des droits de l’homme en Turquie, où des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression ou de réunion sont constamment bafoués, où la population du Sud-Est du pays subit des attaques de son propre gouvernement, où plus de 30 000 fonctionnaires ont été licenciés pour des raisons politiques et où plus de 130 médias ont été fermés par les autorités ;
  5. regrette l’absence de consultation et le manque de transparence sur les questions migratoires UE-Afghanistan, signée récemment, qui porte essentiellement sur les réadmissions et prévoit le retour illimité de citoyens afghans, sur une base volontaire ou non ; s’inquiète des conséquences possibles pour les demandeurs d’asile afghans qui, en 2016, constituaient le deuxième groupe national le plus important de demandeurs d’asile dans l’Union ;
  6. recommande d’allouer des ressources suffisantes à certaines actions spécialement adaptées au temps que les réfugiés ou les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays passent dans des situations temporaires de protection, période qui doit ouvrir de nombreuses possibilités pour la croissance et la formation de toutes les générations, en offrant un enseignement aux enfants, une formation professionnelle aux jeunes adultes et des emplois aux adultes ; estime que de cette façon, lorsqu’elles pourront rentrer chez elles, ces personnes seront «régénérées» et capables de donner un nouvel élan à leur pays ;
  7. exprime son inquiétude quant au fait que le projet de budget de l’Union pour 2017 prévoie une augmentation des initiatives en matière de gestion des flux migratoires ou de sécurité intérieure aux dépens des fonds de cohésion et de l’action de l’Union dans le monde ;
  8. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements des seize pays prioritaires visés dans le nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers au regard de l’agenda européen en matière de migration ainsi qu’aux organisations de la société civile qui travaillent avec les migrants et les réfugiés et les représentent.

Bertrand du Boullay – Riposte laïque

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