Vincent, un saint au temps des mousquetaires de Jean Dufaux et Martin Jamar

Martin Jamar et Jean Dufaux, deux « grands » de la BD, campent un géant, saint Vincent de Paul, dans une en BD, qui tient autant de la vie de saint que du polar. Saint Vincent de Paul a toutes les qualités requises pour une carrière d’inspecteur de police. Il connaît le tout Paris comme personne et sait s’entendre avec le dernier des mendiants, comme avec les grands du royaume… et jusqu’au roi Louis XIII ! Rigoureux, et fin connaisseur de l’âme humaine, il fraye, dans Vincent, un saint au temps des mousquetaires, avec les pires crapules de Paris, cherchant à résoudre une affaire qui aurait donné du fil à retordre au commissaire Maigret en personne. « Je voulais une histoire que tout le monde puisse lire, une enquête que l’on a envie de résoudre » explique Jean Dufaux, scénariste de près de 200 titres, essentiellement des bandes dessinées (Murena, Complaintes des Landes perdues, les Voleurs d’Empires etc).

Dans cette épaisse bibliographie, il n’y avait à ce jour aucune vie de saint, aucun sujet strictement religieux, mais pour autant, faire une histoire de saint Vincent de Paul semblait « évident » à Jean Dufaux. « Certains dessinateurs à qui j’ai proposé le projet ont ricané, mais c’est un sujet que je voulais traiter depuis longtemps », assure-t-il. Pas question pour autant d’écrire une biographie, il préfère mettre en scène le saint comme le personnage central d’une intrigue, dont on découvre les qualités au fil du récit.

Dufaux confesse avoir vu dans le Monsieur Vincent de Maurice Cloche un modèle écrasant « Dans le film, magnifique, Vincent – Pierre Fresnay – porte le monde sur ses épaules ». Il préfère camper un Vincent plus jeune, et lui prête les traits de Lambert Wilson : « Là aussi une évidence, surtout en raison de sa prestation dans Hiver 54 ». Le Vincent décrit par Dufaux est à la fois ascétique et heureux, conscient de la misère humaine mais expliquant : « Dieu aime que l’on soit heureux. C’est une manière de la respecter que d’être heureux… » Pour ses dialogues, Jean Dufaux a volontiers puisé dans les paroles de saint Vincent de Paul lui-même : « c’est un privilège, de pouvoir mêler sa plume à celle d’un personnage comme celui-là », se réjouit-il.

Bien entendu, l’auteur a laissé de côté une multitude de développements, il regrette en particulier de ne pas en avoir dit plus sur la famille de Gondi, d’où vient le Cardinal de Retz. « Il faut faire des choix, souvent douloureux. Mais c’est toujours bon signe qu’une histoire puisse être encore développée, qu’il y ait en quelque sorte de l’espace entre les cases. » Des cases qu’il a voulu spacieuses « par respect pour le travail de Jamar », assure-t-il. Martin Jamar, son complice de la série des Voleurs d’Empires, prête son trait fin à ce Vincent. Ses vues de Paris, au cordeau, manifestent un souci du détail permanent : « Quand Jamar dessine une armoire, il imagine ce qu’il y a dans les tiroirs », confie Dufaux.

… Et dans les tiroirs de Dufaux, il y a toujours des projets, dont une biographie de Charles de Foucauld. « Une évidence », assure encore l’auteur, qui s’insurge contre l’étiquetage « sujet catho » et « sujet grand public ». « Il est incompréhensible que plus personne, à part les catholiques, ne lisent Péguy ou Bernanos. Ils sont à tout le monde, il faut les lire ! » Il en va de même de grands saints, qui ne sont pas ceux d’une coterie, que serait l’Église, mais qui sont là pour le monde, conclut-il.

Vincent, un saint au temps des mousquetaires, par Jean Dufaux et Martin Jamar, Edition Dargaud, 2016, 80 pages, 14,99 euros.

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