Charlie Hebdo rejoint les mal-pensants

Bien que lecteur régulier de la presse de « la gauche de la gauche » – qui permet de suivre les mouvements tectoniques « d’en face » – il ne m’arrive pas souvent de m’attarder sur les livraisons de Charlie Hebdo. Mis à part quelques dessins bien sentis, la vulgarité et l’humour potache parviennent admirablement à recouvrir les quelques articles de qualité, parmi lesquels ceux de l’estimable Jean-Yves Camus. Charlie et moi nous tenions donc dans un mépris distant. Jusqu’à ce que la couverture d’un vieil hors-série ne retienne mon attention… Daté d’avril-mai 2018, il avait été réédité à la fin de l’été, après avoir rencontré un succès inespéré. Son titre ? « Profs, les sacrifiés de la laïcité ». Diantre, allait-on encore se farcir une laborieuse dénonciation de la Manif pour tous et de l’intégrisme catho ? Ou nos chers libertaires allaient-ils enfin ouvrir les yeux, au risque de sombrer dans le camp du mal ? Si l’on avait pris les paris dans la salle de rédaction de Présent, il est probable que la première proposition eût triomphé de façon écrasante. Surprise ! Charlie a dû être frappé par la grâce. Il faut dire que l’atroce attentat qui s’était abattu sur l’équipe en 2015 avait largement fissuré le totem arc-en-ciel du vivre-ensemble autour duquel communiait auparavant la rédaction.

Résultat : 50 pages de dénonciation lucide de l’islamisation de notre territoire, et en premier lieu de nos écoles. Pas seulement aux Mureaux ou à Vénissieux, mais aussi à Saint-Brieuc, au Puy-en-Velay ou encore à Besançon. Un numéro à 99 % lucide, honnête, sans pirouette relativiste mettant catholicisme et islam sur le même plan. Une seule tarte à la crème : le témoignage navrant d’une enseignante bretonne se plaignant de l’emprise de l’enseignement catholique dans sa région. Quand on connaît le degré de conviction de ce dernier, on en rirait presque.

Des enseignants brisés

Charlie a reçu des dizaines de témoignages de professeurs et d’instituteurs brisés, dévastés et de plus en plus désabusés. Nombre d’entre eux ont perdu leurs idéaux gauchistes devant la violence de la racaille et les revendications islamistes de plus en plus affirmées. C’est le cas de P., professeur dans un lycée du Gard, qui s’est retrouvé lâché par sa hiérarchie après avoir voulu s’opposer à des élèves musulmans soutenant publiquement Daesh : « Tout le monde avait la trouille devant ces élèves. » Une chronique de l’islamisme ordinaire, porté par des racailles de treize ou quatorze ans, très largement ignorant religieusement mais qui ont bien compris que leur affirmation religieuse était un outil de conquête, au même titre que la terreur qu’ils savaient susciter chez les « babtous ».

Il faut lire le rapport de Jean-Pierre Obin, qui décrit parfaitement le cauchemar des écoles islamisées. Vous n’en avez jamais entendu parler ? Rien d’étonnant, il a été mis sous le boisseau depuis sa publication en… 2004 ! Et pourtant, devant un adversaire de plus en plus déterminé, la lâcheté politique tue. Bien que de gauche, plusieurs enseignants mettent le doigt sur les deux principales raisons d’une politique de démission face à un islam de plus en plus agressif. Tout d’abord la crainte d’un embrasement des « quartiers sensibles », pour reprendre la novlangue officielle. Ensuite, la crainte de « faire le jeu du Front national ». Ils sont nombreux à souligner l’imposture Blanquer qui, devant les « revendications communautaires » – comme on nomme désormais l’islamisation – a adopté la même stratégie que ses prédécesseurs : déni, temporisation, placardisation des lanceurs d’alerte les plus vifs. En bref : la lâcheté politique la plus pure. Cela n’empêchera pas la droite la plus bête du monde de soutenir Blanquer les yeux fermés, sur la foi de quelques déclarations conservatrices.

La vérité, tout le monde la connaît : le choix de l’école se fait aujourd’hui autant, sinon plus, sur des critères de sécurité que sur celui du niveau de l’enseignement prodigué. La classe moyenne parvient encore à éviter à ses enfants la violence quotidienne des établissements les plus touchés. Mais les masses populaires, premières victimes du « Grand Remplacement qui n’existe pas », n’ont pas cette chance. Leurs enfants grandissent donc avec un sentiment qui ne les quitte jamais : la peur. Sentiment que partagent leurs enseignants, malgré tout le maquillage idéologique dont ils tentent de se farder. Anne-Sophie, professeur de philosophie à Rouen, l’avoue : « Ça faisait un moment que ça bouillait dans ma tête. Je ne supportais plus le “pédagogisme”, l’égalitarisme et le renoncement à l’autorité. Il fallait que j’arrête, sinon je devenais dingue… » L’issue ? La démission. Il faut dire que le vivre-ensemble ressemble de plus en plus à des insultes quotidiennes, à des coups de cutter, à des menaces de mort. Ultra-violence et revendications religieuses s’emmêlent de plus en plus en un profil que plusieurs spécialistes ont nommé islamo-racaille, terme que n’hésite pas à revendiquer le rappeur Médine. « La religion s’impose de plus en plus. Et l’administration nous lâche. Un jour, je me suis opposée à une jeune fille qui portait le voile en cours. Le proviseur m’a engueulée devant tout le monde en me disant que c’était l’interdit qui suscitait le désir. La brèche ouverte au plus haut niveau du lycée, mes élèves qui revendiquent leur salafisme s’y engouffrent. » Ce que les vilains fachos annoncent depuis longtemps : l’intégration à l’envers. Eh, Charlie ! Bienvenue dans le camp des mal-pensants !

Pierre Saint-Servant – Présent

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