Faire comme si Pétain n’avait pas existé

Nous approchons des commémorations du centième anniversaire de la victoire de la Première Guerre mondiale. Et comme pour les autres anniversaires importants, comme en 1968 par exemple, un hommage tout particulier est rendu aux artisans de la victoire, et aux huit maréchaux, dont, bien entendu, le maréchal Pétain. De Gaulle avait naturellement rappelé, le 10 novembre 1968 aux Invalides, que Pétain, « ayant brisé à Verdun l’effort acharné des Allemands, ranima l’armée française en guérissant son moral blessé, en l’organisant autour de l’armement moderne qui sortait enfin des usines et ne l’engageant jamais qu’après avoir méthodiquement tout disposé pour le succès ».

Mais tout se complique, car Macron n’est pas de Gaulle. Et par ailleurs l’inculture historique a considérablement progressé en cinquante ans.

Comme pour le registre des commémorations officielles où figurait Maurras, les censeurs au service du politiquement correct se sont retrouvés avec ce dilemme. Que faire de Pétain ? Comment l’éliminer de cette page d’histoire où il occupe une position centrale ?

Déjà les officines des nouveaux bien-pensants, les grenouilles de bénitiers maçonniques, et les « progressistes » de tous poils préparaient leurs pétitions, leurs ciseaux, leurs commandos « antifas », tandis que Mediapart et autres officines s’apprêtaient à réécrire l’Histoire pour discréditer le vainqueur de Verdun, évoquer son rôle néfaste avant, pendant, après la Première Guerre mondiale.

L’exercice s’annonçait difficile. Raconter la victoire de 1918 sans Pétain, c’est comme raconter 1945 sans les Américains.

Pour ces cérémonies du 11 novembre 2018, il aurait fallu citer Pétain, mais sans l’honorer et même si possible en le déshonorant. Or comment rendre hommage aux maréchaux de la Grande Guerre sans citer le plus prestigieux d’entre eux, le plus populaire aussi, du moins jusqu’en 1944 ? Impossible !

Aussi les organisateurs ont-ils décidé, pratiquement à la dernière minute, de retirer purement et simplement l’hommage aux maréchaux.

Pour éviter Pétain, on passe à la trappe ses sept collègues

Le programme avait pourtant été dévoilé il y a plus d’un mois. Le 11 novembre, Macron, à l’issue de tout un périple sur les principaux champs de bataille, devait se rendre aux Invalides. L’état-major des armées et le gouverneur militaire avaient préparé l’hommage, et le dossier de presse annonçait cet « hommage aux maréchaux de la Grande Guerre à 9 heures ». Mais tout cela vient d’être annulé, pour éviter de citer Pétain en positif.

Réécrire l’histoire de la Première Guerre mondiale n’est pas facile. La lecture de gauche de cette guerre n’est déjà pas uniforme : certains n’y voient qu’une prise de pouvoir par une armée assoiffée de sang. D’autres essaient de vendre l’idée que Pétain était un personnage falot que le hasard et les quiproquos auraient en quelque sorte abusivement projeté sur le devant de la scène. Il y a enfin ceux qui entendent faire le tri entre les bons et les mauvais gagnants de 1918 : Clemenceau d’un côté, Pétain de l’autre, en quelque sorte… Mais ces trois positions sont exclusives les unes des autres.

Ne serait-il pas plus simple de réécrire l’Histoire ? Les Soviétiques, les Chinois, tous les régimes totalitaires, en fait, pratiquent ainsi, rayant les noms, retouchant les photos. Alors pourquoi pas nous, qui, avec notre pensée unique, nos censeurs constamment à l’affût et nos tribunaux aux ordres, nous en rapprochons toujours plus ?

Francis Bergeron – Présent

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