FSSPX : L’accord reporté et Mgr Williamson suspendu

« Bis repetita placent », dirait-on. Alors que les négociations semblaient terminées, que tout le monde s’attendait à ce qu’un document scellant la réconciliation soit signé par Mgr Fellay le 13 juin dernier, un nouvel épisode vient de se dérouler.

Dans les milieux bien informés, on savait que Rome souhaitait conclure la réconciliation avec la Fraternité Saint Pie X avant l’été et plus précisément avant les ordinations sacerdotales qui auront lieu à Econe le 29 juin prochain. Un accord était programmé au début du mois de mai, puis à la Pentecôte et enfin dans la première quinzaine de juin.

Alors que Mgr Fellay,  Supérieur général de la Fraternité Saint Pie X avait remis, le 15 avril dernier, un texte qui, d’un point de vue doctrinal, semblait satisfaire les exigences romaines, tout le monde croyait que le retour à la pleine communion des fidèles de Mgr Lefebvre était acquis. Toutefois, en matière ecclésiale comme ailleurs, il est sage de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. On se souvient que déjà, en 1988, le Cardinal Ratzinger avait réussi à faire signer un protocole d’accord à Mgr Lefèbvre avant que celui-ci ne revienne sur sa décision. Quelles sont les raisons qui ont conduit à cette situation ?

Trois évêques qui se désolidarisent :

Alors que le Supérieur général Mgr Fellay est considéré comme étant favorable aux accords entre Rome et la FSSPX, ce n’est pas le cas des trois autres évêques ordonnés par Mgr Lefebvre. Ceux-ci ont exprimés leurs divergences avec Mgr Fellay dans une lettre privée qui a été diffusée sur la toile. « N’engagez pas la Fraternité dans un accord purement pratique », avaient-ils alors écrit. Les conséquences de cette publication ne se sont pas faites attendre. Si celle-ci a conforté Rome dans l’idée que Mgr Fellay signerait un accord, elle a néanmoins eu pour effet de différer la signature d’un accord initialement programmé aux alentours de la Pentecôte et de permettre à Rome de traiter « séparément et individuellement », la situation des trois autres évêques.

Mgr Fellay trop confiant :

Peut-être trop confiant dans l’idée que le retour à la pleine communion n’offrait pas d’obstacles si délicats, Mgr Fellay a notamment déclaré dans un entretien à DICI « que Rome ne fait plus d’une acceptation totale de Vatican II une condition pour la solution canonique. ». Une déclaration qui, semble-t-il, n’a pas été du goût de ceux qui craignent que le concile Vatican II puisse être remis en question, voir rejeté par la FSSPX. Le résultat a été que le 13 juin dernier, le Cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a remis à Mgr Fellay un projet de prélature personnelle (structure canonique envisagée pour la réintégration de la FSSPX) qui ne semble pas poser de problèmes d’une part et un texte qui a été « amendé » et qui reprend une partie de la réponse aux questions doctrinales fournie par Mgr Fellay le 15 avril dernier d’autre part. Alors que les vaticanistes estimaient en masse que le Supérieur général de la FSSPX venait au palais du Saint-Office pour conclure l’accord, celui-ci est reparti en demandant un nouveau délai de réflexion afin d’étudier les nouvelles dispositions prévues par Rome.

Le 25 juin, une lettre « confidentielle et interne », diffusée sur internet et que nous reproduisons ci-dessous, a été envoyée par la Maison généralice de la FSSPX aux supérieurs de districts des séminaires et des maisons autonomes de la Fraternité. Celle-ci indique que le nouveau document proposé par le Cardinal Levada à Mgr Fellay est « clairement inacceptable » et que le supérieur de la FSSPX « ne pourrait pas le signer ». C’est donc la réunion du prochain chapitre général de la Fraternité en juillet prochain qui permettra de faire le point sur ces discussions qui semblent n’en point finir.

Mgr Williamson sanctionné :

Depuis, plusieurs mois déjà et en raison d’informations qui avaient fuité sur la toile, le grand public savait que Mgr Williamson était, du fait de ses  prises de position publiques, sous le coup d’une sanction canonique. Celle-ci-vient d’être prononcée par Mgr Fellay en vertu du Code de droit canonique qui dispose que celui « qui excite publiquement ses sujets à la contestation ou à la haine contre le Siège Apostolique ou l’Ordinaire à cause d’un acte du pouvoir ou du ministère ecclésiastique, ou bien qui incite les sujets à leur désobéir, sera puni d’interdit ou d’autres justes peines. » L’évêque britannique a donc été « privé de l’office capitulant » et il lui a été« défendu de se rendre à Écone pour les ordinations ». Il ne sera donc pas possible pour lui de s’ingérer dans le chapitre général qui discutera des propositions émanant de Rome. Par ailleurs dans cette lettre, Mgr Fellay annonce qu’il diffère l’ordination de prêtres des membres de communautés proches de la FSSPX (capucins de Morgon, dominicains d’Avrillé) qui sont réputés comme étant plus hostiles aux accords.

L’unité favorisée par le Saint-Père :

Ce climat, extrêmement tendu, est le fruit de 30 ans de méfiance de part et d’autre bien que de nombreux prélats soient très bien disposés à l’endroit de cette réconciliation. Une méfiance que le Saint-Père essaie de tempérer. Celui qui semble faire du « dossier Saint Pie X » une affaire personnelle, a posé de nombreux actes en faveur de la Tradition. Il a reçu Mgr Fellay dès son avènement en 2005, libéralisé l’usage du rite de Saint Pie V dans les célébrations liturgiques en 2007, levé les excommunications frappant les quatre évêques en 2009 et souhaité que le concile Vatican II soit considéré « dans une herméneutique de continuité ». Une idée somme toute proche de celle de Mgr Lefebvre qui demandait que le concile fût interprété « à la lumière de la Tradition ». Malgré les rebondissements, la suite logique de cette affaire voudrait que l’accord que le Cardinal Ratzinger n’a pas pu conclure avec Mgr Lefebvre soit conclu par le Pape Benoît XVI qui aura bien mérité de son surnom de « Pape de l’unité ».

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25 Comments

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  • Job , 26 juin 2012 @ 12 h 37 min

    Voilà un nouvel échec cinglant pour le Pape qui a tout transigé, tout bradé et rien exigé pour faire entrer ces loups dans la bergerie. Mgr Fellay ne voulait pas de l’unité, il voulait mener son combat “in ecclesia” plutôt que “extra”. Cependant, sur le fond, le problème restait le même.

    Les conséquences de cet acharnement Ratzingérien à composer avec le “pire” du catholicisme sont là : divisions profondes au sein de l’Eglise romaine, les uns et les autres campant d’avantage encore sur leurs positions, les transigeances concédées aux uns sont disproportionnées face à l’intransigeance manifestée à l’égard des autres.

    En conclusion, Benoît XVI fait la démonstration que pour être dans son coeur, il faut non seulement faire un schisme ; mais aussi être dans le rejet de Vatican II.

    Si le Bienheureux Jean XXIII était encore là…

    Ce pape n’est pas un pasteur, c’est un théologien et un intellectuel. Or le rôle du Pape est avant tout celui d’être un “bon pasteur”. On observe là le principal problème de Benoît XVI : il n’a quasiment pas été évêque ou curé de paroisse…

  • Cécile , 26 juin 2012 @ 14 h 19 min

    Il y a quelque chose de bien curieux : cette lettre confidentielle du 25 juin qui se retrouve sur internet dès le lendemain, y compris votre site.
    Il y a un voyeurisme dans cette façon de traiter des questions ecclésiales !!

  • Pierre de Bellerive , 26 juin 2012 @ 14 h 51 min

    Il n’y a aucun voyeurisme de NDF, la lettre étant déjà parue sur le net. C’est une chose dont la rédaction se garde bien d’ailleurs. NDF a au contraire le plus grand respect pour ces questions n’a fait que commenter la situation en donnant des indications et des clefs de compréhension à ses lecteurs.

  • Pharamond , 26 juin 2012 @ 15 h 00 min

    En France quand la majorité est de droite c’est la gauche qui triomphe; dans l’Eglise quand les catholiques sont majoritaires c’est l’apostasie moderne qui triomphe. Que la société spirituelle soit atteinte des même maux que la société temporelle devrait exciter la curiosité de nos intelligences.

  • Maraicher , 26 juin 2012 @ 15 h 01 min

    Cet article est un non-évennement. Il est acquis depuis longtemps que la réponse de la FSSPX n’interviendra qu’aprèsle chapitre général du 1er juillet;

    Par ailleurs les opposants à cette reconnaissance canonique sont beaucoup moins nombreux que vous ne le laissez entendre

  • Pierre de Bellerive , 26 juin 2012 @ 15 h 09 min

    Il est clairement expliqué dans l’article que “de nombreux prélats” sont “très bien disposés à l’endroit de cette réconciliation.”. Je vous invite à vous référer aux articles déjà publiés par NDF :
    http://www.ndf.fr/nos-breves/15-06-2012/lopus-dei-exprime-sa-joie-de-voir-rome-accorder-une-prelature-personnelle-a-la-fsspx#.T-mz1pFCXKQ

    http://www.ndf.fr/nos-breves/30-05-2012/a-rome-le-pape-nest-pas-seul-a-vouloir-le-retour-de-la-fraternite-saint-pie-x#.T-m0eJFCXKR

  • Ignace , 26 juin 2012 @ 15 h 40 min

    Intéressant l’expression au 3e paragraphe au sujet de la FSSPX : “… il est sage de ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.”
    La peau de l’ours en question, ce sont tout de même ces deux mille ans de Tradition pour laquelle la Fraternité doit se battre pour le salut des âmes.
    Effectivement, les autorités conciliaires souhaitent la fin de la résistance traditionaliste.
    Dans le même paragraphe il est dit que monseigneur Lefebvre avait signé le protocole d’accord avant de se rétracter.
    Il l’avait justifié en expliquant que le cardinal Ratzinger lui avait demandé ensuite de signer un autre papier où il reconnaitrait ses erreurs liées à son combat pour la Tradition.
    Et mgr Lefebvre de conclure : “Ils veulent nous convertir au Concile alors que nous voulons les convertir à la Tradition.” Dans ces conditions effectivement, toute discussion est impossible.

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