Au secours, les néo-réacs sont de retour!

Si sa bibliographie semble compter une dizaine d’ouvrages, l’ex-mao Daniel Lindenberg s’est surtout fait connaître en 2002 par la parution de son ouvrage Le Rappel à l’ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires. Il y cite notamment Pierre Manent, Marcel Gauchet, Maurice Dantec, Michel Houellebecq ou encore Philippe Muray, coupables à ses yeux de trahison des idéaux républicains, prêts à faire renaître du ventre fécond de la pensée maurrassienne une nouvelle Réaction. Une fois la polémique passée, et mis à part quelques marronniers journalistiques – dont les curés de l’Obs sont spécialistes – le soufflé Lindenberg est retombé.

Le fantôme de la révolution conservatrice

Dans une tribune publiée sur lemonde.fr le 19 janvier dernier, l’universitaire repart en guerre contre « une révolution conservatrice qui avance à visage découvert ». Les esprits chagrins qui pensaient qu’il y avait une plus grande menace ayant tendance à avancer à visage couvert – Charlie, Bataclan… – sont priés de se taire. Puisque les doctes esprits de l’université française vous certifient que la vraie menace est l’extrême droite ! Lindenberg livre des informations stupéfiantes : « ce nouveau parti intellectuel a aujourd’hui son quartier général : le mensuel Causeur », puisque l’on vous dit que ce sont les heures les plus sombres de notre histoire qui reviennent ! Et Lindenberg de poursuivre, inquiet : « Il existe désormais un continuum qui va de l’aile dure de la droite républicaine aux Identitaires en passant par Philippe de Villiers, l’hebdomadaire Valeurs actuelles, le site FigaroVox et l’inévitable Eric Zemmour », si Jean-Yves Le Gallou lisait ça… Cela ressemble fort au programme du Club de l’Horloge (désormais Carrefour), de Polemia et des nombreuses initiatives de combat culturel nées dans notre famille ces dernières décennies.

Des idées majoritaires ?

« Si on creuse un peu, au-delà de la critique antimoderne de la société ouverte, c’est plus précisément la présence de barbares inassimilables au sein de la nation française qui est pour ces esprits distingués [Millet et Finkielkraut entre autres] la racine du mal ». Vraiment ? Mais il ne suffit pas de montrer du doigt les intellectuels qui goûtent peu au vivre ensemble, les catholiques ne doivent pas être oubliés. « En s’imposant dans la rue, les jeunes catholiques radicalisés peuvent même se permettre de rejeter les oripeaux “républicains” des néoréacs qui leur ont ouvert la voie, ainsi que le reste d’esprit soixante-huitard qui pouvait subsister à droite. Ils ne sont pas “Charlie” et ne se gênent pas pour le clamer. » Il y a quelques années, dans les rangs identitaires, était à la mode l’expression « piraterie politique ». Comprendre : détourner les symboles et les slogans de l’adversaire pour les mettre au service de sa propre vision du monde. Nourrie de la lecture d’Antonio Gramsci, cette stratégie semble avoir fait mouche car Lindenberg se plaint de concepts « d’extrême droite (…) introduits en contrebande dans le discours politique et idéologique mainstream ».

Une fois terminée la lecture de l’article de Daniel Lindenberg, on ne peut éviter de sourire. Comme chez Zeev Sternhell, le trait est trop gros. A force de lire Présent, Eléments ou Causeur avec une loupe, Lindenberg voit le réel avec de sévères déformations. Car si la chose ne nous déplairait pas, il faut bien admettre que nos idées sont loin d’être majoritaires. Ou si elles le sont, elles peinent à prendre forme dans la pâte politique : notre économie nationale continue d’être sacrifiée sur l’autel du marché mondial, notre culture est piétinée, notre héritage moqué et le peuple de France affronte chaque jour le bien sinistre « fantasme » du Grand remplacement.

Pierre Saint-Servant – Présent

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