Les moines de Tibhirine bientôt béatifiés (Vidéo)

C’est au cours d’une audience avec le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints, le 26 janvier, que le Pape François a donné son accord pour la promulgation des décrets de béatification.

L’évêque d’Oran de 1981 à 1996, Mgr Pierre Claverie, six religieuses et onze moines, dont les sept cisterciens de Tibhirine, voient donc leur martyre reconnu par l’Église catholique, 21 ans après leur assassinat. Leur cause de béatification avait, elle, été ouverte en 2006 à Alger. Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran depuis octobre 1981, avait été assassiné le 1er août 1996, à 58 ans, dans l’explosion d’une bombe déposée devant son évêché.

L’attentat était intervenu peu après la visite en Algérie du ministre français des affaires étrangères, Hervé de Charette, qui s’était rendu sur les tombes des sept moines français de Tibhirine.

Les sept moines cisterciens de Tibhirine, eux, avaient été enlevés en mars 1996 dans leur monastère de Notre-Dame de l’Atlas. Leur mort avait été annoncé plusieurs semaines plus tard, par un communiqué du Groupe islamique armé (GIA). Seules les têtes des moines avaient ensuite été retrouvées, le 30 mai 1996, au bord d’une route, non loin du monastère.

Depuis vingt ans, trois thèses sont régulièrement avancées pour expliquer la mort des frères: celle d’une bavure de l’armée algérienne, d’une manipulation des services secrets algériens, ou celle d’un acte atroce perpétré par les groupes islamistes armés qui semaient la terreur en Algérie dans les années 1990.

En septembre 2017, le Pape s’était déjà montré très sensible à la signification du sacrifice de l’ancien évêque d’Oran et de ses 18 compagnons. Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, accompagné de l’évêque d’Oran, Mgr Jean Paul Vesco et du père Thomas Georgeon, postulateur de la cause en béatification de ces martyrs, avaient été reçus par le Pape François.

Outre l’ancien évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie, et les sept moines cisterciens trappistes de Tibhirine, neuf autres religieux ont été assassinés durant la guerre civile algérienne. Moins connues, ces personnalités martyres de la foi, seront béatifiées, aux côtés de l’évêque d’Oran et des moines de Tibhirine.

Entre mai le 8 mai 1994 et le 10 novembre 1995, en pleine décennie noire pour l’Algérie en proie à de récurrents actes terroristes, six religieuses, un religieux, trois prêtres français, un prêtre belge ont été assassinés in odium fidei – en haine de la foi –.

L’épisode sanglant commence le 8 mai 1994 pour ces martyrs d’Algérie. Un religieux mariste âgé de 63 ans, le frère Henri Vergès, et une religieuse des petites sœurs de l’Assomption, sœur Paul-Hélène Saint-Raymond, perdent la vie.

«Ceux qui ont revendiqué leur meurtre ne peuvent s’approprier leur mort»

En plein quartier de la casbah, dans la bibliothèque diocésaine d’Alger dirigée par le frère Vergès, qui exerçait comme enseignant par ailleurs, trois assaillants font irruption, lui tirant deux balles dans la tête. Sœur Saint-Raymond, présente sur les lieux, est également visée. Celle qui vivait depuis 30 ans au Maghreb, était entrée au service du frère Vergès, une fois à la retraite. Le père Christian de Chergé, prieur de la trappe de Tibhirine, leur avait dédié une homélie empreinte d’espérance, le 17 juillet de la même année: «Ce qui leur était arrivé, cette mort brutale, s’inscrivait dans une continuité dont les jalons devenaient lumineux. Ceux qui ont revendiqué leur meurtre ne pouvaient s’approprier leur mort». 

À l’automne 1994, le 23 octobre, deux autres religieuses sont assassinées à Bab El Oued, un quartier populaire d’Alger: les Espagnoles sœur Esther Paniagua Alonso et sœur Caridad Alvarez Martín, issues de la Congrégation des Augustines missionnaires.

L’hommage aux pères blancs

L’hiver qui suit, deux jours après Noël, le 27 décembre 1994, quatre pères blancs dont trois Français et un Belge, sont tués à Tizi Ouzou, au cœur de la  Kabylie algérienne: le père Jean Chevillard, à la tête de l’ordre des pères blancs, le père Alain Dieulangard – l’aîné-, le père Christian Chessel et le père Charles Deckers – Belge naturalisé algérien-, tous fins connaisseurs de la terre kabyle pour y avoir étudié ou séjourné maintes fois, avant même leur installation définitive.

Trois religieuses de Notre-Dame des Apôtres et des Petites Sœurs du Sacré-Cœur

Ils sont suivis le 3 septembre 1995 par deux sœurs missionnaires de Notre-Dame des Apôtres, congrégation évangélisatrice en Afrique: sœur Angèle-Marie Littlejohn et sœur Bibiane Leclercq. Ces deux religieuses françaises qui ont vécu près de 35 ans en Algérie, ont perdu la vie dans le quartier de Belouizdad de la capitale. Elles se consacraient depuis 1964 au service de la formation des jeunes filles de ce quartier.

Le 10 novembre 1995, c’est au tour de sœur Odette Prévost, des petites Sœurs du Sacré-Cœur, d’être tuée dans la capitale. Née en 1932, cette institutrice était entrée à 21 ans chez les Petites Sœurs du Sacré-Cœur du Père de Foucauld.

À ces cinq dates qui font mémoire, s’ajoutent les 21 mai et 1er aout 1996, respectivement dates des assassinats des sept moines de Tibéhirine et du dominicain évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie.

Le martyr est un témoin

Réagissant au décret pontifical du 26 janvier 2018, autorisant ces 19 béatifications, les évêques d’Algérie intégrés à la CERNA (Conférence épiscopale régionale d’Afrique du Nord)  – Mgr Paul Desfarges, archevêque d’Alger, Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, Mgr John MacWilliam, évêque de Laghouat, et le père Jean-Marie Jehl, administrateur de Constantine, ont exprimé leur profonde joie à l’idée de pouvoir faire mémoire de ces «19 frères et sœurs martyrs, témoins du plus grand amour qui soit: celui de donner sa vie pour ceux qu’on aime», dans un communiqué;  les évêques ont également tenu à rendre hommage «aux 99 imams qui ont perdu la vie pour avoir refusé de justifier la violence».

 

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