Mon héros de la semaine / Général André Zeller

https://www.youtube.com/watch?v=kGTBlu29oLY

Putsch_des_generaux_22_avril_1961_(guerre_d'Algérie).

Par Alain Sanders

Incarcéré à la prison de la Santé, condamné à 15 ans de détention criminelle (sic) et à la privation de ses droits civiques, transféré à Clairvaux puis à la prison de Tulle, que notait dans son « journal » le général Zeller en ce mois d’avril 1964 (il y a cinquante ans) – et tout le temps de sa détention ?

Eh bien ! on peut le découvrir grâce à la publication toute récente d’un ouvrage de près de 700 pages, Journal d’un prisonnier (Taillandier). Ce livre, sous-titré « Le témoignage d’un des quatre généraux du putsch d’Alger », on le doit à la piété filiale d’un de ses fils, Bernard Zeller (il en signe l’avant-propos et des notes essentielles pour se repérer – ou se rafraîchir la mémoire – dans l’actualité et les personnages de ces années-là).

Ce document d’histoire – et pour l’histoire – est préfacé par Serge Bernstein, historien et professeur d’histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques de Paris (1). Evoquant la participation, et au premier rang, de Zeller au putsch, il écrit : « Episode surprenant, dans la mesure où le général Zeller (pas plus que le général Challe) n’a le profil d’un putschiste. »

Sans doute parce que dans l’esprit même des quatre généraux, qui ne soupçonnaient pas les appétits gamellards et la veule soumission gaullarde de leurs pairs, il ne s’agissait pas d’un putsch stricto sensu, mais d’un sursaut patriotique propre à susciter le ralliement de soldats.

Ce ne sont pas Salan, Jouhaud, Challe et Zeller qui ont failli à l’honneur militaire et à la parole donnée, mais ceux qui ne les ont pas suivis. Ce sont eux les héros, eux et les officiers, sous-officiers, hommes du rang, appelés et engagés qui, au mépris de leur carrière et de leur vie, montèrent en ligne quand d’autres se vautraient.

Rappelons, à ce propos, le nom des « pensionnaires » de Tulle : André Zeller, Edmond Jouhaud, Maurice Challe, Raoul Salan, Pierre-Marie Bigot, Michel Gouraud, Jacques Faure, Jean Nicot, André Petit, Bertrand de Seze, Georges Masselot, Gilbert de La Chapelle, Pierre Lecomte, Hélie Denoix de Saint Marc, Julien Camelin, Marcel Forhan, Georges Robin, Pierre Guillaume.

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L’histoire de ce Journal d’un prisonnier est intéressante : les mille pages de ce carnet de bord rédigé en prison furent découvertes par hasard dans une bibliothèque secondaire de la maison familiale des Zeller à Menetou-Salon (Cher). Dans les années 1990, Denoix de Saint Marc avait conseillé à Bernard Zeller d’attendre avant de publier ces pages (« C’est trop tôt »). En 2012, il lui dira : « Il faut les publier. »

On ne comprendrait rien – ou pas grand-chose – à l’engagement du général Zeller si on ne prenait en compte sa foi catholique profonde (comme Bastien-Thiry). Mais aussi son antigaullisme radical. De Gaulle pour lequel il n’a pas, et à juste titre, de mots assez durs.

Parmi les revues que lit André Zeller, il y a Itinéraires de Jean Madiran (et Bastien-Thiry était lui aussi un lecteur de Jean Madiran). Il en cite un article dans son « journal » à la date du 7 juillet 1961.

A la date du 9 au 13 avril 1964, Zeller réfléchit sur « l’amitié et la prison ». Quatre pages de haute intelligence pour souligner d’abord que l’amitié ne se galvaude pas. Et un prisonnier, devenu vite infréquentable, peut vite compter ses amis. Parfois sur les doigts de la main droite d’un manchot…

André Zeller est mort en septembre 1979. Lors de la messe pour le repos de son âme en la cathédrale Saint-Louis des Invalides, tous les anciens de Tulle (à l’exception de Challe, décédé début 1979), était là. Et la maréchale de France. Et la maréchale Leclerc. Et le colonel Gardes. Et le capitaine Sergent. Et le lieutenant Godot. Et la glorieuse cohorte de tous ceux – les morts et les vivants – persécutés pour crime d’Algérie française.

(1) Il n’échappe pas, ici et là, à quelques formules ou considérations politiquement correctes, mais bon…

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