À l’Île Maurice, les religions se mobilisent contre la dépénalisation de l’avortement

Alors que le petit État de l’Océan Indien se trouve sous la pression croissante de l’ONU et d’organisations comme Amnesty International pour légaliser l’avortement, les Églises chrétiennes, catholique et anglicane, ainsi que les musulmans et les bouddhistes de l’Île se mobilisent contre le projet de loi de dépénalisation en cours de discussion au parlement mauricien.

Le projet de loi adopté le 4 mai par le conseil des ministres doit permettre de tuer un enfant dans le ventre de sa mère si la « santé mentale » de cette dernière est menacée. Cette disposition est si floue qu’elle permettrait, selon les défenseurs du droit de chaque être humain à la vie, de justifier toute sorte d’avortements. C’est d’ailleurs ce critère qui faisait que, récemment encore, des cliniques privées pratiquaient des avortements en Espagne à un stade avancé de grossesse dans un pays où l’avortement était en théorie interdit (sauf justement en cas de danger pour la santé physique ou psychique de la femme enceinte).

Pour les activistes d’Amnesty International, une organisation qui milite depuis quelques années pour un libre accès à l’avortement partout dans le monde, l’interdiction de l’avortement pour les femmes victimes de viol ou d’acte incestueux est une forme de torture. La loi mauricienne qui date de 1838 et qui s’inspire du Code Pénal français (l’Île Maurice était une île française avant de devenir territoire britannique au début du XIXe siècle puis indépendante en 1968) interdit l’avortement dans tous les cas de figure. Cependant, les soins prodigués à une femme enceinte ne sont pas considérés comme un avortement intentionnel si la mort du fœtus en résulte, ce qui fait que l’avortement est malgré tout possible à l’Île Maurice si la grossesse met la vie ou la santé de la mère en danger.

Le prétexte avancé pour modifier la loi actuelle, c’est que la République de Maurice est signataire de la « Convention pour l’Élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes » (CEDAW) de l’ONU, une convention qui est utilisée par les militants « pro-choix » internationaux pour prétendre qu’il existerait un droit international à l’avortement, ce qui est faux puisque ni cette convention ni aucune convention de l’ONU ne parle de légalisation de l’avortement.

« Hôtel du gouvernement » à Port Louis, capitale de l’île Maurice, avec la statue de la reine Victoria qui rappelle aux passants que l’île a été gouvernée par la Grande-Bretagne de 1810 à 1968. Malgré cette période britannique, les Mauriciens, des gens extrêmement ouverts et sympathiques, ont dans l’ensemble plus de facilité à parler le français, proche du créole qui est la langue commune d’une population aux origines et aux cultures variées, que l’anglais qui est resté la langue de l’administration. Photo Olivier Bault, juin 2009.

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4 Comments

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  • Mélanie Besson , 5 juin 2012 @ 6 h 57 min

    La loi mauricienne peut sembler dépassée et barbare pour la plupart des Européens ou Nord Américains. C’est pourquoi la pression des organisations internationales parait justifiée. Toutefois, je ne pense sincèrement pas que l’avortement sera légalisé dans un futur proche, quelle que soit la situation de la femme enceinte. Il faut comprendre que l’Ile Maurice est un pays récent, qui cherche toujours à construire une identité politique forte malgré les différentes religions et ethnies représentées. Les mauriciens commencent à peine à vivre dans le bien économique et ne se posent pas encore les questions du bien social. La religion reste le principal point d’unification de l’identité mauricienne, et doit le rester pendant encore un bon moment.

  • Lela , 19 juin 2012 @ 11 h 40 min

    “Pour les activistes d’Amnesty International, une organisation qui milite depuis quelques années pour un libre accès à l’avortement partout dans le monde”.

    Cette affirmation est franchement biaisee. Amnesty International n’est pas une organisation qui milite pour l’avortement mais pour la dignite humaine et les droits de l’homme. Amnesty a longtemps garde une position neutre sur l’avortement, ne se prononcant ni en sa faveur ni en sa defaveur. C’est seulement en 2007 apres un debat international particulierement anime que ses membres ont vote une resolution associant l’avortement a un droit humain lorsque la vie de la femme ou sa sante mentale est serieusement menacee (en cas de viol, d’inceste ou de grave menace pour sa vie par exemple).
    Amnesty ne defend donc pas “un libre acces a l’avortement” en toutes circonstances. Sa position sur l’avortement se limite seulement a ces cas de mise en danger de la femme et l’organisation ne se prononce pas sur les autres cas.
    Plusieurs membres anti-avortement ont choisi de quitter l’organisation a cause de cette resolution mais beaucoup d’autres ont reconnu que le combat d’Amnesty depassait cette simple question et ont accepte cette decision.

  • Olivier Bault , 21 juillet 2012 @ 20 h 08 min

    A propos d’Amnesty International : “ou sa santé mentale”, c’est la porte ouverte à tous les abus comme c’était justement le cas en Espagne et cela autorise à affirmer dire qu’Amnesty International milite pour un libre accès à l’avortement, d’où le retrait du soutien à cette organisation de très nombreux prêtres et fidèles catholiques il y a quelques années. Amnesty International critique d’ailleurs la Pologne, y compris sur son site Web polonais, pour son droit sur l’avortement qui autorise pourtant l’avortement en cas de viol ou d’inceste, de danger pour la vie ou la santé de la femme enceinte ou de maladie grave et incurable du fœtus.

  • Lela , 31 juillet 2012 @ 15 h 10 min

    Que vous trouviez cette mention de “sante mentale” dangereuse parce que vous la trouvez floue est une chose et vous avez effectivement le devoir en tant que journaliste de partager vos craintes avec vos lecteurs.

    En revanche, c’est deformer les faits que de decrire Amnesty International comme “une organisation qui milite depuis quelques années pour un libre accès à l’avortement partout dans le monde” car cela laisse penser a vos lecteurs qui ne connaissent pas l’ONG qu’il s’agit la du coeur de son activite.
    Or Amnesty n’a rien a voir avec une organisation qui milite pour la generalisation de l’avortement. Comme l’avait rappele l’une de ses responsables dans un communique en 2007, “la position d’Amnesty International n’est pas pour un droit à l’avortement” et meme apres cette resolution, l’ONG a souhaite garder une position neutre en “ne reprouvant ni n’approuvant l’avortement” pour la bonne raison que ce n’est pas son role ou son mandat de lutter pour ou contre!
    Vous effectuez une manipulation intellectuelle en tenant des propos sur Amnesty International a cause de la supposee pratique espagnole qui n’a pourtant aucun rapport avec l’ONG mais avec la loi nationale espagnole. Amnesty ne fait pas les lois et ne reagit pas avec rigidite, ils interviennent en fonction de leur position au cas par cas avec pour seul objectif le respect le plus grand des droits humains.
    Quant a la Pologne, je ne lis pas le polonais et ne pourrais donc pas vous parler des propos de la section polonaise mais il arrive malheureusement que les sections ne respectent pas completement les directives du siege, surtout si leurs presidents ou directeurs ne maitrisent pas leur sujet. Tant que le siege de Londres ne prend pas conscience des derives (et il est possible que des propos en polonais passent plus facilement inapercu), il ne s’exprime pas mais s’il en est informe, il s’assurera que la section revienne sur la ligne internationale de l’ONG. Il s’agit la d’une question cruciale de credibilite.

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