Des inégalités

C’est des années 80 que date l’augmentation des inégalités salariales et patrimoniales dans le monde comme le révéla Thomas Piketty et son équipe*. Un exemple : en France en 2016, les 1% des plus riches concentrent 20% des revenus (contre 16% en 1980), les 50% les plus pauvres stagnent. La part de patrimoine détenue par les plus riches est passée de 17,2% à 23,4% sur la même période.

S’agit-il du rendement du capital plus élevé en fonction de la croissance économique ? Non puisque les plus riches n’ont pas fait fructifier un héritage mais ont constitué leur propre fortune. S’agit-il d’une baisse des taux d’imposition des hauts revenus ? Oui partiellement, mais la taxation atteignant des niveaux records (46% de prélèvements obligatoires) on pourrait redistribuer aux plus pauvres or les inégalités ont augmenté.

On parle désormais d’inégalités (notion quantitative) car les différences (notion qualitative) ont disparu : on a affaire non pas à des membres de communautés comme jadis (métiers par ex.) mais à des individus pour qui joue désormais surtout l’interaction marchande, c’est-à-dire, quantitative exprimée en termes monétaires. La communauté est devenue société de marché.

– Celle-ci a connu une extension sans précédent par effacement des frontières qui ont rendu – pour les mêmes niveaux ou différences de qualité – les marchés gigantesques et par conséquent, généré des revenus énormes : c’est l’effet «superstar ». Une star de cinéma jouant pour des millions de spectateurs gagnera plus d’argent qu’un comédien de même talent jouant au théâtre. Les inégalités augmentent avec la taille des marchés. Ceci explique aussi l’augmentation fulgurante des rémunérations des grands patrons (X par 6 entre 1980 et 2000). Dès que tombent les limites et que les marchés s’étendent par le libre échange, les inégalités augmentent.

La croissance corrélative de l’Etat a un temps, compensé cela en corrigeant les effets les plus douloureux par une solidarité abstraite et de ce fait a laissé croire que le marché pouvait s’étendre indéfiniment sans conséquences puisque la volonté politique de redistribuer était là et la taxation des hauts revenus toujours présente. L’ouverture des frontières aux migrants a réduit considérablement ces capacités de l’Etat-Providence et l’accroissement du taux des prélèvements obligatoires n’a pas empêché les inégalités de croitre.

Les très riches s’expatrient avec les multinationales et environ 40% des profits disparaissent et plus encore pour des entreprises comme Amazon. La redistribution devient problématique et la fiscalité ,pour ceux qui ne peuvent se déplacer, insupportable, pénalisant l’enracinement (classes moyennes, PME, TPE). L’Etat-Providence ne peut d’ailleurs fonctionner que si règne une volonté de redistribution qui suppose une communauté politique, une co-appartenance à une culture, une histoire, soit une identité partagée.

A compter de 1970, l’immigration de masse suivant l’abaissement des frontières pour la main d’oeuvre, motivée par la redistribution du système social français a de plus, miné cette communauté tout en diminuant la redistribution**.

L’ouverture des frontières est donc incompatible avec un système social généreux. C’est en réancrant le capital aussi bien que le travail que les inégalités seront réduites au sein d’une véritable communauté.

Charles Chaleyat

  • *2016 Rapport sur les inégalités mondiales
  • ** note 4 in G. Travers 2019.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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