L’Humanité bientôt en redressement judiciaire ?

Certains journalistes, ceux de BFM TV pour ne pas les nommer, ayant été quelque peu malmenés par les gilets jaunes sur les ronds-points, il nous a été assené par les médias que s’en prendre à ces mêmes journalistes équivalait un peu à s’attaquer à la démocratie ; laquelle a un coût, comme chacun sait.

Ainsi, le journal L’Humanité vient-il de se déclarer en cessation de paiement et de se placer sous la protection du tribunal de commerce de Bobigny. Ce n’est pas la première fois que le quotidien communiste doit faire face à de tels problèmes de trésorerie. En 2000, c’est l’ouverture à des investisseurs privés ; le capitalisme a parfois du bon. En 2011, c’est Nicolas Sarkozy qui, selon Le Point, doit personnellement intervenir afin que l’État rachète le siège du journal, lui permettant ainsi de continuer de paraître ; à droite, tout n’est pas forcément à jeter.

Mais il paraît que, cette fois-ci, la situation serait grave. Aussi grave que celle du Parti communiste, jadis son autorité de tutelle, dont faucille et marteau en une ont été bazardés en 1994 ? Si tel est le cas, ça doit vraiment être très grave.

Pourtant, et c’est là que la démocratie a un coût, tel qu’écrit plus haut, ce journal, même si luttant contre l’argent roi, n’a rien contre celui du contribuable. Car, en France, tous les journaux sont subventionnés à hauteur de leur diffusion. Du Figaro aux Échos (titres pourtant historiquement hostiles à la subventionnite ambiante), en passant par Le Monde et… L’Humanité. À titre d’exemple, c’est Aujourd’hui, l’édition nationale du Parisien, qui touche le pactole, avec près de 8 millions d’euros annuels. Le quotidien communiste, lui, pointe à la septième place du palmarès, avec plus de 3,5 millions d’euros chaque année. De quoi voir venir, pourtant. On notera encore que, de tous ces journaux, c’est L’Humanité qui dépend le plus de cette dotation, sachant qu’elle représente 36 centimes d’euro sur un prix d’achat au numéro de 2 euros, contre seulement 2 centimes d’euro pour Le Figaro*.

Toujours à titre de comparaison, le quotidien catholique Présent, fondé en 1982, ne perçoit, lui, que 260.000 euros par an, alors que sa diffusion se situe globalement dans les mêmes eaux : un peu moins de 30.000 exemplaires pour L’Humanité et un peu plus de 10.000 pour Présent. Des chiffres qu’il convient encore de moduler, à en croire Francis Bergeron, gérant du quotidien Présent « Il faut savoir que les ventes de L’Humanité sont artificiellement gonflées, grâce à des arrangements avec la CGT ou, naguère, le comité d’entreprise d’EDF qui achetait des journaux par palettes entières, histoire de faire monter la subvention d’État. » Petits arrangements qui, en 2014, ont d’ailleurs valu à ce journal une « condamnation pour détournements de fonds ». À notre connaissance, il n’y a pas eu appel.

Au fait, comment expliquer que ce quotidien d’à peine plus de vingt pages ait encore besoin de 175 salariés, dont 124 journalistes ? Francis Bergeron, toujours : « À Présent, nous parvenons à sortir huit pages par jour, soit seulement trois fois moins de pages, avec, en tout et pour tout, quatre journalistes et une poignée de pigistes dont beaucoup sont bénévoles ! » À croire que le militantisme prolétarien n’est plus ce qu’il fut et que les nationaux-catholiques ont encore de l’énergie, du dévouement et de l’enthousiasme à revendre.

Dans l’URSS de jadis, on célébrait l’ouvrier Alekseï Stakhanov, connu pour sa légendaire puissance de travail. Il reçut même par deux fois l’ordre de Lénine, honneur sûrement bien mérité. Il serait peut-être opportun, pour nos aimables confrères, de s’inspirer de cette auguste figure. À quand un ordre Fernand-Sardou, par exemple, dont la devise pourrait être « Aujourd’hui peut-être ou alors demain » ?

Enfin, on dit ça, mais c’est juste un conseil – qui ne coûtera pas un rond au contribuable, il va de soi – pour rendre service à nos estimés collègues. Et à la démocratie, au passage, et ce, tant qu’à faire.

(*) Chiffres pour l’année 2015, mais qui n’ont guère varié depuis.

 

Niclas Gauthier – Boulevard Voltaire

Related Articles