Et si Cazeneuve restait à Matignon après la présidentielle ? (Vidéo)

Selon Challenges, le Premier ministre aurait indiqué qu’il ne démissionnerait pas après l’élection d’un nouveau président. L’entourage dément. Mais d’après la Constitution, il en a le droit. Que se passerait-il si ce scénario inédit se réalisait ? Tout est parti d’une phrase : «Je n’ai laissé aucune lettre de démission en blanc à la présidence». Selon le magazine Challenges, c’est ce qu’aurait affirmé Bernard Cazeneuve le 30 mars dernier. Une phrase qui semble avoir crée un véritable quiproquo.

En effet, Le Lab, qui s’est intéressé à cette citation, a expliqué que la phrase avait aussitôt été reprise par le journaliste politique de Challenges Nicolas Domenach, qui en aurait extrapolé que par cette tirade, l’actuel Premier ministre faisait clairement savoir qu’il n’avait «aucunement l’intention de déserter le front de Matignon au cas où Marine Le Pen emporterait la présidentielle».

Pourtant, l’entourage de Bernard Cazeneuve dément, assurant que jamais le Premier ministre n’a envisagé un tel scénario. Et l’article censé relater les propos du Premier ministre dans Challenges est aujourd’hui introuvable. Aurait-il été supprimé ? Enfin, quand bien même cette citation de Bernard Cazeneuve serait authentique, elle ne mentionnerait pas spécifiquement la candidate frontiste, mais tout potentiel nouveau président de la République.

Ce qui ressemble fort à un emballement médiatique a toutefois le mérite de soulever d’intéressantes questions. Car si Bernard Cazeneuve refusait vraiment de quitter son poste à Matignon, aucun président de la République, quel qu’il fût, ne pourrait l’y contraindre. Cela entraînerait aussitôt une impossibilité de gouverner pour le nouveau président, élu au suffrage universel.

D’un point de vue strictement constitutionnel, un tel scénario n’est pas impossible. Car rien n’oblige le Premier ministre à démissionner de son poste après l’élection d’un nouveau président de la République. L’exécutif, et donc son chef le Premier ministre, n’est responsable que devant l’Assemblée nationale, qui seule peut le destituer en votant une motion de censure. Un cas de figure inédit dans l’histoire de la Ve République.

Si les choses venaient à prendre une telle tournure, il ne resterait au nouveau président ou à la nouvelle présidente qu’à attendre l’élection d’une nouvelle majorité aux législatives du mois de juin. Ou que les députés du parti présidentiel déposent une motion de censure contre le gouvernement… qui soit votée par l’Assemblée, aujourd’hui majoritairement socialiste. Seul ce cas de figure entraînerait la démission du pouvoir exécutif.

Il existe toutefois un plan B : le nouveau président aurait également la possibilité de déclencher l’article 16 de la Constitution, qui accorde les pleins pouvoirs au président de la République «en cas de crise majeure», plus précisément «lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu».

Après consultation officielle du Premier ministre, des présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil constitutionnel, le président de la République pourrait donc s’octroyer les pleins pouvoirs. Reste qu’un refus de Bernard Cazeneuve de quitter Matignon constituerait «un cas de crise majeur pour la Nation» qui semble quelque peu exagéré…

Plus sérieusement, le président de la République peut toujours décider de dissoudre l’Assemblée nationale, entraînant des élections législatives anticipées, comme l’avait fait Jacques Chirac en 1997.

On peine à en voir l’intérêt, à peine un mois et demi avant les législatives de juin…  si ce n’est dans le but de contraindre un Premier ministre refusant obstinément de rendre les clefs ?

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