Quel pays aurait le plus intérêt à quitter la zone euro volontairement ?

Quel pays aurait le plus intérêt à quitter la zone euro volontairement? La Grèce? L’Allemagne? L’Espagne? La France? Pour le savoir, il est intéressant de mener une analyse coûts/bénéfices d’une sortie volontaire de la zone pour chaque pays. Cet article s’appuie sur une étude de la Bank of America et Meryll Lynch intitulée ” Game theory and euro breakup risk premium. Selon les deux banques, chaque pays doit se poser quatre questions (1) quelle est la probabilité d’une sortie ordonnée de la zone, (2) quel est l’impact sur la croissance future, (3) comment évolueront les taux d’intérêt et donc la charge d’intérêt de la dette dans le futur et (4) quel sera l’impact sur la balance des paiements de ce pays.

En ce qui concerne la probabilité d’une sortie ordonnée, deux variables sont prises en compte: le solde budgétaire primaire (= recettes – dépenses, sans prendre en compte la charge d’intérêt de la dette) et la balance courante. En cas de sortie de la zone, il y a en effet un fort risque que les marchés financiers soient bloqués et que les mouvements de capitaux soient contrôlés pendant quelques temps.  L’idée sous-jacente est de se dire qu’un pays avec un déficit primaire aura plus de difficultés à sortir de la zone euro, car il a besoin par définition de capitaux pour financer son déficit. De même une balance courante négative suppose un besoin de financement externe et n’est pas compatible avec un fort contrôle des capitaux.

En prenant en compte uniquement ces deux indicateurs, le pays qui aurait la plus forte incitation à sortir de la zone serait l’Allemagne. En effet, l’Allemagne a une balance courante positive (donc une capacité de financement externe, et non pas un besoin) et une balance primaire positive. A l’inverse, l’Espagne et la Grèce, deux pays avec un fort déficit budgétaire primaire et une balance courante négative seraient violemment en difficulté sur le court terme, par manque de financement.

Voici pour le côté “besoin de financement”. Mais qu’en est-il de l’impact sur la croissance? Une sortie de la zone serait avantageuse principalement pour les pays dont la monnaie se déprécierait par rapport à l’euro, ce qui permettrait de relancer les exportations (= hausse du PIB toutes choses égales par ailleurs). Le niveau actuel des exportations et les contraintes de chaques pays sont aussi pris en compte. Pas vraiment de surprise au niveau de cet indicateur: le pays ayant le moins intérêt à sortir de la zone serait l’Allemagne, car l’appréciation du futur deustche mark (+15% estimé par cette étude, première ligne du tableau ci-dessous) entrainerait une hausse du prix des produits allemands et donc une forte baisse des exportations.

Troisième indicateur: l’évolution futur des taux d’intérêts. Actuellement, et toujours selon les deux banques Meryll Lynch et Bank of America, les pays du Sud de la zone payent actuellement des taux d’intérêts élevés car ils n’ont pas une politique monétaire indépendante (la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne étant commune à l’ensemble des pays de la zone et orienté vers un objectif de stabilité des prix). A l’inverse, les pays “du nord”, Allemagne en tête (mais aussi Autriche, Pays-Bas et dans une moindre mesure la France) bénéficient actuellement du statut de valeur refuge (le fameux “safe heaven effect”), et peuvent emprunter à des taux très bas.

Dans le tableau ci-dessous, les taux utilisés sont ceux auxquels la Grèce, le Portugal et l’Irlande emprunteraient sur les marchés s’ils n’avaient pas reçu les aides de troïka. En dehors de ces trois pays, l’Espagne et l’Italie sont présentés comme les deux grands vainqueurs d’une sortie de la zone euro, sous l’hypothèse d’une baisse des taux en cas de politique monétaire indépendante de la part de la future Banque d’Espagne ou Banque d’Italie.

Dernier point, un peu plus technique: l’effet d’une sortie de la zone sur les actifs et passifs détenus à l’étranger. Le Captain’ vous passe les détails de ces calculs, qui suppose que les dettes soient redénominées en monnaie nouvelle et que les actifs ne le soient pas (ce qui est d’ailleurs un peu douteux et simpliste au passage). L’effet est donc quasiment le même que celui sur l’impact de la variation du taux de change sur les exportations.

En faisant la moyenne des 4 indicateurs, il est donc possible d’identifier quel pays aurait le plus intérêt à quitter la zone euro. And the winner is ?

L’Italie ! Avec un solde budgétaire primaire positif, un potentiel boost des exportations en cas de dépréciation de la future “lire italienne” et une potentielle baisse de taux en cas de politique monétaire indépendante, l’Italie est le grand gagnant de cette étude. A l’inverse, l’Allemagne serait le grand perdant.

Conclusion: Les résultats de cette étude ne doivent pas être interprétés au pied de la lettre. En effet, les hypothèses sont assez fortes et certains raisonnement ultra-simplifiés. Mais la première place de l’Italie est cependant instructive. L’Italie a en effet, contrairement à la France par exemple, une industrie relativement haut de gamme et dont la part dans le PIB est encore assez importante. La dernière position de l’Allemagne est aussi intéressante! En cas de sortie de l’euro (ou bien pire d’éclatement de la zone), l’Allemagne verrait ses exportations s’effondrer avec l’appréciation du deutsche mark. Et pourtant, un sondage publié il y a 3 jours montre que les allemands sont 51% à penser que la situation économique du pays serait meilleure en cas de sortie de la zone (source ici).

 

 

Cet article vous est présenté par Captain Economics.

Related Articles

5 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Pitch , 2 août 2012 @ 11 h 06 min

    Bonne analyse, mais évitez le globish.

    L’effet valeur refuge se traduit en effet par “safe HAVEN” (haven est le mot anglais pour havre, abri), et non “safe heaven”.

  • TDK1 , 2 août 2012 @ 14 h 53 min

    Bon, reprenons, si l’Allemagne sort de l’Euro, elle verra son DM revalorisé… par rapport à ses voisins, je suppose, puisque nous sommes tous d’accord pour dire que l’Euro a aujourd’hui le cours d’un EuroMark, ce qui désaventagERAIT les autres pays européens. Donc, cela voudrait dire que les autres pays européens verraient leur dette libellée en Euro leut coûter de plus en plus cher (au fur et à mesure de leurs dévaluations) quand celle de l’Allemagne serait au pire stable… Donc cela voudrait dire que les achats libellés en dollars coûteraient de plus en plus cher aux autres pays qu’à l’Allemagne, lee mécanismes de soutien aux pays européens endettés n’auraient plus lieu d’être, donc l’aide allemande n’impacterait plus les comptes germaniques…
    Autre faille de ce raisonnement, tenu, ce n’est pas étonnant, par des banques américaines qui connaissent très mal tout ce qui dépasse le New Jersey, il est absurde de ciconscrire l’analyse à un pays. L’Allemagne d’aujourd’hui, ce n’est plus la République fédérale, c’est la Grosse Allemagne, celle que Bismark rêvait, celle que les pangermanistes ont toujours rêvé et que Merkel a réalisé. Toute l’Europe centrale vit au rythme de l’Aleemagne. La Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la SLovénie, Les Pays Bas, le Danemark, l’Autriche, les républiques baltes, une partie de la Pologne, tous ces pays vivent de leurs échanges avec l’Allemagne, des entreprises allemandes. Si demain l’Allemagne sort du système monétaire européen, elle n’en sortira pas seule et au contraire attirera autours d’elle, autour d’une monnaie qui se dira héritière de l’Euro et qui se ra gérée comme le mark un groupe de pays qui en fera une puissance économique et monétaire de premier plan.
    Evidemment des banquiers américains ne peuvent pas comprendre cela et quand bien m^me le comprendrait il qu’ils se garderaient de l’évoquer. Leur unique souci est de détruire l’Euro, de détruire toute forme de puissance européenne qui puisse leur contester leur suprématie.

  • Ph. VARLET , 3 août 2012 @ 9 h 46 min

    Le rédacteur de cet article devrait mettre quelques euros dans le “cochonnet” (comme celui qui existe à Radio Courtoisie et que “Nouvelles de France”devrait créer) car les tableaux qui figurent dans son article sont en langue anglaise et il eut été judicieux et courtois vis a vis de ses lecteurs de les traduire en Français
    Cela fait peut-être très bien de montrer que l’on fait partie des 0,076 % des Français qui comprennent cette langue. Il faut penser aux 99,924 % qui eux ne s’expriment qu’en Français dont je fais partie.
    Merci de rectifier

  • Murex , 3 août 2012 @ 13 h 00 min

    Nos franglaises ; les zintellos bobos !!!

  • Lach-Comte , 3 août 2012 @ 15 h 09 min

    il faut tout de même avouer que c’est bien dommage et qu’il n’y a pas de quoi le crier sur les toits que seulement 0,076% (on ne sait d’ailleurs d’où vous tirez ce chiffre) des Français parlent l’anglais ou même le franglais. Il n’y a vraiment pas de quoi en être fier, ou même simplement le constater, sachant que pour 99,99% des élèves il s’agit d’une matière obligatoire, enseignée pendant des années par des professeurs, visiblement engraissés à ne rien faire si vos chiffres sont exacts … Je vous signale (ou vous rappelle pour peu que vous ayez un minimum de sens de l’observation) que cet article est présenté par “Captain economics” qui, apparemment, n’est pas franchement d’origine gauloise.

Comments are closed.