Des hélicoptères Caracal pour compenser les navires Mistral ? La France doit choisir son camp en Europe centrale et du Nord.

Annonce de la décision du gouvernement polonais sur la chaîne d’info TVN 24

Le gouvernement polonais a annoncé la semaine dernière son choix de l’hélicoptère de transport militaire multi-rôles Caracal pour équiper son armée. Le contrat de 2,5 milliards d’euros portera sur 50 appareils fabriqués par Airbus Helicopters dont une trentaine devraient être assemblés en Pologne. Ces appareils viendront remplacer les hélicoptères de fabrication soviétique qui équipent encore les forces armées polonaises. Le Français avait à faire face à l’Américain Sikorsky, avec le Black Hawk qui est, lui, déjà fabriqué en Pologne, et l’Anglo-Italien Augusta-Westland qui avait racheté en 2010 PZL Mielec, le fabricant d’hélicoptères polonais. Pour contrer l’offre américaine, Airbus Helicopters a donc dû s’engager à investir durablement dans sa co-entreprise avec le Polonais WZL à Lodz. Parallèlement, les autorités polonaises ont annoncé le choix des systèmes Patriot pour la défense anti-aérienne et antimissile, plutôt que l’offre d’un groupement français avec les sociétés Thales et MBDA.

En septembre 2014, le ministre de la Défense polonais avait indiqué dans une interview qu’il serait difficile pour la Pologne de choisir des partenaires

Mi-2 de fabrication soviétique en service dans les forces armées polonaises

français pour équiper ses forces armées si la France vendait à la Russie ses navires porte-hélicoptères d’assaut de classe Mistral. Des navires à propos desquels le commandant en chef de la marine de guerre russe, l’amiral Vladimir Vyssotski, avait déclaré publiquement en 2011 que s’il les avait eus à sa disposition en 2008, la Flotte de la mer Noire aurait rempli sa mission dans la guerre contre la Géorgie en 40 minutes au lieu de 26 heures. Or, d’après des informations divulguées dans la presse polonaise, les autorités françaises signalaient depuis plusieurs mois à leurs partenaires polonais que la vente des Mistral, déjà suspendue, serait définitivement annulée. Il semble donc bien que ce contrat de 2,5 milliards d’euros vise aussi à compenser à la France l’annulation de son contrat de 1,2 milliard d’euros avec la Russie.

Pour le constructeur de Marignane, ce sera le contrat de la décennie en Europe s’il est signé comme prévu en octobre après la phase de négociations exclusives et de vérifications techniques. Après les trois contrats pour des Rafale signés avec l’Égypte, l’Inde et le Qatar, l’industrie de l’armement française poursuit donc sa bonne passe et l’annulation du contrat avec la Russie ne semble pas avoir entamé la confiance des clients de la France à l’étranger.

Et si Thales n’a pu vendre ses systèmes antimissiles à la Pologne, c’est peut-être aussi parce que ce constructeur français vend ses caméras thermiques Catherine-FC pour équiper les chars russes. Des caméras thermiques qui leur confèrent une réelle supériorité sur les chars polonais et qui seraient un problème bien plus grave en cas de confrontation que la présence de navires Mistral en mer Baltique. Mais le sujet de ces caméras thermique est moins médiatique et on en parle peu, même en Pologne. La véritable raison du choix de l’Américain Raytheon, ce sont plus probablement des considérations géostratégiques à un moment où la Pologne s’efforce d’obtenir une présence militaire américaine permanente sur son sol.

Néanmoins, et quoi qu’en disent les Français proches du FN et d’une partie de l’UMP qui voient dans la crainte de la Russie actuelle une paranoïa héritée de la guerre froide, il est clair que si la France veut bénéficier de la hausse des budgets d’armement en Europe centrale et du Nord, elle va devoir choisir clairement son camp. Si tant de pays de la région s’estiment menacés par la politique jugée expansionniste du président Poutine, et s’ils décident d’investir plus dans leur défense après avoir rogné au maximum sur ces dépenses pendant deux décennies, c’est sans doute qu’ils ont de bonnes raisons car cela les obligent à faire des économies impopulaires dans d’autres domaines. De même, si la Suède et la Finlande intensifient leur coopération avec l’OTAN et dénoncent, de concert avec les États baltes, les violations de plus en plus fréquentes de leur espace aérien et de leurs eaux territoriales par les forces armées russes, comme à l’époque de la guerre froide, c’est sans doute parce que le pouvoir russe cherche à faire monter la tension pour préserver sa popularité en cette période de crise économique. Les sondages le montrent depuis 25 ans : une majorité de Russes tiennent plus à retrouver leur illusion de puissance perdue avec la dislocation de l’empire soviétique qu’à préserver leurs libertés et respecter celle de leurs voisins. La France peut-elle participer aux patrouilles de l’OTAN dans le ciel balte et prendre part aux manœuvres communes en mer Baltique et en Europe centrale tout en vendant ses meilleures technologies à la Russie ? Au risque de se voir concurrencée à l’avenir sur ses propres marchés par l’industrie de l’armement russe qui est le deuxième exportateur mondial après les États-Unis et loin devant la France.

À elle seule, la Pologne est d’ailleurs un plus gros marché en termes d’importation d’armements que la Russie qui produit la quasi-totalité de ses matériels. C’est même un centre d’études russe basé à Moscou, le Centre for Analysis of World Arms Trade (CAWAT), qui prévoit que la Pologne sera le onzième importateur mondial d’armements dans les prochaines années. Si la Russie a un PIB représentant environ 4 fois le PIB polonais (mais moins de deux fois le PIB de l’Europe centrale, et moins que le PIB des pays d’Europe centrale et du Nord réunis), elle dispose de sa propre industrie de l’armement très complète et performante et elle achète très rarement à l’étranger au-delà de certaines républiques de l’ex-URSS, sauf quand il s’agit de rattraper son retard technologique dans certains domaines spécifiques. C’est à se demander de quels intérêts nationaux parlent les partisans français d’une plus grande coopération militaire avec la Russie : des intérêts nationaux français ou des intérêts nationaux russes ?

L’intérêt de la France, ce serait de coopérer avec la Russie en Syrie, dans son soutien à la lutte du gouvernement syrien contre les islamistes, et de ne pas vendre à la Russie nos meilleures technologies militaires. Tout le contraire de ce qu’ont fait jusqu’ici les gouvernements PS et UMP et pas tout à fait ce que prône le FN.

Capture d’écran du site d’Airbus Helicopters

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26 Comments

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  • Alorla , 7 mai 2015 @ 19 h 07 min

    “Ou sont passes tous les bu*lots qui repetaient a longueur de journee que les polonais n’achetaient que americain? ”

    ——–

    Simplement les ricains ont demandé à la Pologne d’acheter les hélicos français, pour compenser le remboursement et les pénalités que la France devra payer à la Russie.

    Tiens au fait, tu as un clavier Qwerty ? Tu es anti russe parce que tu bosses aux USA ?

  • Laurent , 7 mai 2015 @ 19 h 32 min

    Si Poutine décide de prendre quelques villes dans l’est d’un pays Balte, pensez vous que ce pays à une chance de se défendre de manière conventionnelle ?

    Pensez vous que Paris va envoyer des soldats dans un type de guerre qu’on a pas connu depuis 70 ans, à savoir faire face à une vraie armée et sans une écrasante supériorité numérique, donc avec potentiellement des milliers de morts ?

    Hollande prendrait-il le risque d’un conflit ouvert avec des missiles nucléaire Russe en face ?

    L’armée Française et l’opinion publique Française ne sont pas prête à un conflit. Poutine pourrait tenter sa chance sur l’hésitation occidentale dans une situation trouble à l’est (cf Ukraine), même dans un pays de l’UE.
    Les pays de l’est le savent, et prépare des armées, gonfle les muscles, non pas pour battre la Russie, mais pour éviter le moindre départ de conflit.

  • feeloo , 7 mai 2015 @ 23 h 59 min

    +++++

  • Monique Neveu , 8 mai 2015 @ 4 h 27 min

    Aucunes intentions, rodomontades dites-vous? Et ca?

    http://www.rferl.org/content/russia-bullying-undersea-baltic-cable/26996165.html

    Et les mysterieux sous-marins dans les eaux de la Suede? Et les vols intempestifs d’avions Russes dans la Baltique?

    Ne vous inquietez pas car Vlad the Great va faire le partenariat avec la Chine pour vendre son gazprom. L’avenir dira si la Russie se fera avaler par la Chine.

  • Olivier Bault , 8 mai 2015 @ 6 h 42 min

    Outre ses propres chars développés à partir des T-72M russes, la Pologne possède 250 chars Léopard 2 achetés à l’Allemagne. Le deuxième plus gros contrat après celui des F-16 américains qui a tant fait pleurer les Français (qui espéraient vendre des Mirage 2000, mais en réalité c’est le Gripen suédois qui avait les faveurs des militaires), c’est l’achat de près de 600 transporteurs blindés à la Finlande. L’armée de l’air polonaise possède aussi 16 avions de transport CASA achetés à l’Espagne. Sans parler des hélicoptères Eurocopter de la sécurité civile polonaise. La Pologne ne s’est jamais équipée uniquement auprès des Américains mais cela n’a jamais empêché les personnes mal intentionnées ou ignorantes de la réalité de reprocher à la Pologne de n’acheter que des matériels militaires américains. Il n’y a donc pas de raisons que cela change même si le contrat pour ces 50 hélicoptères Caracal est signé.

  • Maurice , 8 mai 2015 @ 9 h 35 min

    — même si le contrat pour ces 50 hélicoptères Caracal est signé. —
    Il sera signé si tout ce passe comme il faut en octobre, d’ici là … souhaitons que cela ne fasse pas comme c’est déjà arrivé pour d’autres contrats d’armement. Ne vendons pas la peau de l’ours, non Russe, avant la signature.
    @ Monique Neveu : Il y a eu aussi des vols d’avions militaires Russes qui ont été interceptés par les Français et les Anglais au dessus de la Manche. Les Russes semblent tester nos détections et rapidités de réactions.

    Il y a beaucoup de mouvement de troupes dans l’Est de l’Europe, troupes qui ne sont pas toutes Européenne.

  • Bardamu , 8 mai 2015 @ 9 h 39 min

    On nous sert toujours la même narrative vis à vis de la Russie, mais la propagande BAO est tellement éhontée qu’elle prend de moins en moins. Il y a d’excellentes descriptions par Philippe Grasset de ce syndrome totalement artificiel qui ne tient auprès de certains (que l’on rencontre ici) que grâce à la puissance de feu d’un monde médiatique presque totalement sous contrôle. Cela vaut la peine de consulter http://www.dedefensa.org/ avant de consulter son psychiatre.

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