Une rentrée difficile pour Angela Merkel

Tribune libre de Jakob Höber*

Malgré une communication soignée autour de ses apparitions à Bayreuth et à Salzbourg, rien n’indique que la Chancelière allemande a passé de très bonnes vacances … Les sujets qu’elle avait laissé sur le feu en partant et qui l’attendaient à son retour à Berlin ne pouvaient plus attendre ! En temps normal, une année électorale (les élections législatives auront lieu en septembre 2013) est déjà un moment sensible. Mais la crise européenne complique la donne d’Angela Merkel, qui doit faire face à une contestation de plus en plus forte, y compris dans sa propre coalition.

Pour la première fois, la Chancelière risque de perdre le contrôle de la politique européenne en intérieur de l’Allemagne. D’abord parce que la Cour Constitutionnelle doit rendre son avis quant à la conformité du MES sur la Loi fondamentale allemande. Ensuite parce que des voix commencent à s’élever au sein de sa coalition pour contester sa ligne jugée trop conciliante. Cela paraît paradoxale quand on sait que la Chancelière obtenait, dans des sondages de cet été, une cote de popularité de 68% – à faire pâlir plus d’un dirigeant européen… Mais en n’obtenant pas la « majorité chancelière » lors du vote du MES au Bundestag, ni les résultats escomptés par certains au sommet de Bruxelles fin juin, Angela Merkel a perdu nombre de soutiens de sa propre majorité. Depuis lors, les critiques au sein de l’« Union » ne cessent de s’aggraver. L’intégrité de la coalition risque d’être mise à plus rude épreuve encore dans les prochaines semaines quand, comme il faut s’y attendre, des pays comme l’Espagne ou l’Italie vont réclamer que la BCE achète des titres d’États sur le marché secondaire. Ainsi, guidés par de réelles convictions et de réelles inquiétudes et non par simple calcul politique, un nombre croissant des membres de la coalition, qui émettait déjà des réserves sur la politique européenne de la Chancelière, parait prêt à se rebeller ouvertement.

On se doute qu’Angela Merkel ne veut pas être celle par qui la fin de l’euro-zone arriverait. Mais il faut bien voir que nombre de parlementaires, de second rang et moins impliqués dans la politique européenne, n’y accordent pas la même importance. Leur agenda est national et électoral bien avant d’être européen. Or, sans diminuer son influence au sein du Parti, la Chancelière est tout de même dépendante du soutien de ses parlementaires – et ce même si les projets de loi concernant les dossiers européens peuvent toujours être « sauvés » grâce aux voix de l’opposition. Mais une telle circonstance, si elle se présentait dans les mois à venir, l’affaiblirait gravement pour les élections de l’an prochain. Pour être complet, il faut tout de même souligner que la situation actuelle ne laisse pas présager de catastrophe à brève échéance.

Un Parti libéral en désarroi

Depuis la réélection d’Angela Merkel en 2009, l’accord avec le Parti libéral allemand (FDP) n’a pas vraiment contribué à la réussite du gouvernement. En effet, écartés du pouvoir pendant 11 ans (entre 1998 et 2009), les libéraux, en revenant au gouvernement, n’ont pas su répondre aux attentes de la population pour deux raisons : d’abord par une absence de lignes directrices claires, ensuite par un manque de personnes de premier plan. Si bien qu’aujourd’hui en cours de mutation, le parti se trouve affaibli. Les hommes forts du parti pourraient donc être tentés de développer un nouvel argumentaire contre la ligne de la Chancelière. Si, jusqu’à présent, le FDP a toujours fini par rentrer dans le rang aux moments des votes au parlement, les incertitudes sur son avenir dans la perspective des législatives de septembre 2013 peuvent rendre ses choix stratégique difficiles à prévoir.

Le Parti chrétien-social (CSU), représentant de l’« Union » en Bavière, est la seconde source d’incertitude. Traditionnellement plus conservatrice et orientée vers les intérêts de son Land que la CDU, elle conteste désormais de plus en plus fortement la politique de sauvetage européenne. De plus, les élections prévues en 2013 pourraient s’avérer compliquées en Bavière. Les sondages prédisent certes à la CSU des intentions de vote confortables de 45%. Mais la faiblesse du FDP, avec moins de 5% d’intentions (seuil d’entrée au parlement), empêche la CSU d’être assurée de pouvoir former une coalition majoritaire… Par ailleurs, le maire de Munich Christian Ude, candidat d’opposition pour le SPD, devient de plus en plus populaire (aussi bien dans sa ville qu’en dehors). Il est donc possible, à ce stade, que la CSU cherche à s’affirmer sur une ligne « dure » largement orientée contre les aides européennes aux pays en difficulté.

Un euro-septicisme qui augmente

Il est un fait majeur, et relativement nouveau, à prendre en compte aujourd’hui : c’est que la population allemande voit de plus en plus les mesures européennes d’un mauvais œil. Angela Merkel a montré à plusieurs reprises sa propension à la Realpolitik et connaît la vitesse des revirements de l’opinion publique. Dans cette situation instable, la Chancelière pourrait rapidement perdre sa réputation de défenseur des intérêts allemands au sein de l’Europe. Une situation qui paraîtra paradoxale aux yeux de nombreux Européens qui la voient souvent comme trop inflexible…

On assiste donc en ce moment à une sorte de convergence des opposants d’Angela Merkel, qui se retrouvent en outre soutenus par les initiatives d’un groupe d’économistes qui prônent une réorganisation radicale de l’euro-zone. Trouvant de larges échos dans la presse, leur légitimité et leur nombre donnent du crédit aux thèses hostiles au maintien en l’état des règles de l’euro-zone  et des mécanismes que l’on connait. L’idée d’une refonte de l’euro-zone, et par exemple de la sortie de l’euro d’un certain nombre de pays, se répand ainsi dans l’opinion publique, y compris dans les classes les plus aisées de la société, là où se trouvaient jusqu’ici les voix les plus favorables à la construction européenne.

Les élections se gagnent en interne

Le soutien, ou non, que les Allemands apporteront à leur Chancelière d’ici l’an prochain dépendra surtout de la situation économique du pays. Devant la crise lancinante et la dégradation économique qui commence à se faire sentir, le mécontentement de la population face aux garanties sans cesse accordés aux autres pays européens s’étend. Si l’Allemagne paraît encore solide dans la tempête économique mondiale, il est clair que les obligations qu’elle a prises – estimées à 1 000 milliards d’euros ! – suffiront à la mettre par terre en cas d’explosion généralisée. La mise sous surveillance négative de sa note par l’Agence Moody’s n’est ainsi que le reflet de la réalité. Dans un environnement social fragilisé sur le temps long par la perception des réformes Hartz, du temps du Chancelier Schröder, par le sentiment d’injustice créé par le devoir se porter garant pour les échecs des autres pays, par l’insécurité face à un monde en mutation, la marge de manœuvre possible pour une politique raisonnée et responsable ne fait que diminuer. Les bénéficiaires seront alors les populistes – de gauche comme droite.

Aujourd’hui, Angela Merkel a toujours l’avantage d’apparaitre comme un pilier sûr face à la crise. Elle se présente comme la garante de la stabilité allemande et même européenne. Si cet élément change, il est certain qu’elle ajustera sa politique pour assurer sa réélection…

*Jakob Höber est chercheur associé à l’Institut Thomas More

Le site de l’Institut Thomas More.

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2 Comments

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  • PAPEU , 8 septembre 2012 @ 16 h 16 min

    Dans tous les pays européens les tendances abondent. Certains soutiennent des politiques intransigeantes (comme les partisans d’Angela Merkel), d’autres des politiques plus ouvertes, c’est-à-dire (vu d’ailleurs) des politiques plus “européennes”.. En fait, tout dépend des relations avec le “monde du travail”, syndicats et patronat. En l’occurrence, chacun voit midi à son aulne, sans voir le contexte de l’autre. Pauvre Europe dans laquelle un pays essaie de soumettre les autres Cela ne s’appelait-il, en d’autres temps, le nazisme ? (loin de moi l’idée d’une idée d’identification mais on est là pour réfléchir, non ?).

  • domremy , 9 septembre 2012 @ 12 h 00 min

    peut être avez vous raison, les ALLEMANDS( nazisme ou pas ), aiment diriger l europe et comme ils sont plus organisés, plus obéissants aussi, ils pourraient bien y parvenir;

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