Vers un accord de libre-échange UE/États-Unis

Tribune libre de Jean-Yves Naudet*

Au moment où il est politiquement correct de critiquer « la mondialisation ultra-libérale » et où nos ministres préconisent les « circuits courts » pour « produire et consommer au pays », la volonté de la Commission européenne et du gouvernement américain d’engager des négociations pour un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne vient nous rappeler qu’il reste encore beaucoup à faire avant de transformer la planète en un « marché unique ». Les obstacles aux échanges n’ont pas totalement disparu et, une nouvelle fois, Paris et Berlin sont en désaccord : comme le titre Le Monde, « Berlin enthousiaste, Paris réservé » : tout est dit !

Le libre-échange, moteur de la croissance

On a tellement parlé de la mondialisation que beaucoup ont dû être surpris d’apprendre que l’Union européenne et les États-Unis allaient entamer des négociations pour parvenir à un accord de libre-échange. C’est donc que les échanges ne sont pas si libres que cela ! Certes, depuis la création en 1947 du GATT (Accords généraux sur le commerce et les tarifs douaniers), puis de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) qui l’a remplacé en 1995, bien des négociations ont eu lieu. Les fameux « rounds » ont largement supprimé les obstacles non tarifaires aux échanges (comme les contingentements, limitant l’entrée de produits étrangers) et fait presque disparaître les obstacles tarifaires sur les produits industriels (les droits de douane sont passés en moyenne de plus de 40% à moins de 3%).

Le libre-échange a donc progressé et il a été un moteur de la croissance mondiale depuis cinquante ans : chaque année, sauf les années de récession, la croissance des échanges mondiaux a été supérieure à celle de la production, signe d’une interpénétration incessante des économies : en moyenne, les pays exportent ou importent le tiers de ce qu’ils produisent et de ce qu’ils consomment. Pour les pays de taille moyenne, comme ceux du nord de l’Europe, le taux d’ouverture est supérieur à 50%, il est de 44% en Allemagne et de 25% en France, pays moins ouvert aux échanges.

Mais le protectionnisme n’est pas mort

Pourtant, le libre-échange est loin d’être total. Il existe des formes subtiles de protectionnisme, allant de l’adoption de normes techniques (de sécurité ou de protection de l’environnement) dont le but réel est de freiner l’entrée de produits étrangers, jusqu’à des formes de concurrence déloyale (aides des États à certaines entreprises, affaiblissement artificiel du taux de change,…). Il existe surtout des secteurs très protectionnistes : l’agriculture des pays riches (aussi bien l’Union européenne et sa Politique agricole commune, que les États-Unis ou le Japon) et le secteur culturel (la France s’est faite la championne de l’exception culturelle, et de ses quotas de films français ou de musique francophone).

Le cycle de Doha est en panne depuis une dizaine d’années : les pays riches ne veulent pas lever leur protectionnisme agricole, ce qui contrarie les pays émergents, comme le Brésil, qui seraient prêts à faire des concessions en matière industrielle si les pays développés ouvraient plus leur secteur agricole. Face à ce blocage, la tendance a été de multiplier les accords ponctuels de libre-échange entre deux pays ou groupes de pays. Au-delà du marché unique de l’Union européenne, c’est le cas de l’ALENA entre le Mexique, les USA et le Canada, mais aussi de pays d’Amérique latine (par exemple avec le Mercosur) ou encore d’Asie du Sud-Est. C’est surtout le cas autour du Pacifique, avec le projet de l’APEC (Coopération économique Asie-Pacifique) de création d’une immense zone de libre-échange des pays du pourtour du Pacifique, des Usa à la Chine, du Japon au Chili, de l’Australie à la Russie, du Vietnam au Mexique.

Un « accord historique » USA/UE ?

Certes, ces accords sont moins porteurs que les accords mondiaux, ils peuvent cloisonner le marché mondial, mais ils constituent un progrès. C’est dans cette logique qu’il faut lire le projet de négociation entre l’Europe et les États-Unis.

Ils se sont engagés à ouvrir avant l’été des négociations portant sur ce que Le Figaro appelle « un accord historique » : la plus vaste zone de libre-échange de la planète (en attendant l’APEC), soit le tiers des échanges mondiaux et la moitié du PIB mondial. Contrairement à ce qu’on aurait pu craindre, Obama a poussé ce projet, dont il a parlé dans son discours sur l’état de l’Union, souhaitant qu’un « commerce libre et équitable vienne soutenir des millions d’emplois bien payés ». Selon les estimations de Bruxelles, un tel accord boosterait la croissance de 0,5% la première année et de 1% ensuite : une bénédiction face à la croissance zéro actuelle.

L’accord ne sera pas aisé à négocier car le plus facile (la baisse des droits de douane) a déjà été fait et on s’attaque au noyau dur, celui des réglementations et normes. Selon le commissaire européen au commerce, le poids de ces réglementations équivaut à 10 ou 20% de droits de douane et freine les échanges. Les choses seront aussi difficiles pour l’agriculture, secteur protectionniste, maintenu à coup de subventions et de règles paralysantes (à propos des OGM par exemple) ou pour la culture. François Hollande n’a pas manqué de rappeler qu’il se faisait le défenseur de « l’identité culturelle » de l’Europe. De même, la France a peur que l’accord permette les échanges d’OGM.

La France seule ?

Si la France freine, David Cameron, qui préside le G8, considère cet accord de libre-échange comme une priorité. M. Barroso affirme que l’accord serait « le moyen le plus économique de promouvoir la croissance ». Le ministre allemand de l’Économie, Philipp Rösler, souhaite un accord global, n’excluant aucun secteur, ni l’agriculture, ni la culture. « Il serait dommage d’imposer des restrictions préalables au contenu des discussions et d’exclure certains secteurs ».

L’objectif est de conclure d’ici deux ans. La France veut un calendrier plus long et une négociation plus limitée dans son objet. En clair, elle ne veut pas de l’accord. La ministre du Commerce extérieur a affirmé qu’elle « défendrait un accord respectueux de nos valeurs, de la vision européenne de la culture, de notre modèle agricole et favorisant la transition écologique et énergétique ». Bref, tous les poncifs du politiquement correct à la française, qui explique le déclin français. Nos partenaires se souviennent qu’en 2000, c’est le gouvernement Jospin qui avait fait échouer le précédent projet d‘accord UE/USA. Nous allons être bien isolés.

Ce que nos ministres ne comprennent pas, c’est que produire français ne signifie plus rien, tant l’interpénétration des économies est grande ; ce qu’ils ne voient pas, c’est que l’air du grand large oblige nos entreprises à s’adapter ; c’est que le libre-échange apporte la paix, grâce au « doux commerce » cher à Montesquieu ; il permet de faire face à l’éclatement des connaissances, cher à Hayek, en bénéficiant du savoir-faire des autres ; c’est que l’économie, comme Bastiat l’avait compris, doit être regardée du point de vue des intérêts des consommateurs. En revanche, nos ministres en sont restés aux privilèges étatiques et aux nationalisations ; ils signeraient volontiers une nouvelle « pétition des marchands de chandelles ». Mais l’accord se fera, avec ou sans nous !

*Jean-Yves Naudet est un économiste français. Il enseigne à la faculté de droit de l’Université Aix-Marseille III, dont il a été vice-président. Il travaille principalement sur les sujets liés à l’éthique économique.

> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.

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29 Comments

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  • 0 / 10
  • Gisèle , 8 mars 2013 @ 21 h 35 min

    Et c’est comme ça que l’on va glisser tout doucement vers la fameuse puce , déjà à l’essai en U.S !

  • Gisèle , 8 mars 2013 @ 21 h 37 min

    @tintin Tout à fait d’accord !

  • Yaki , 8 mars 2013 @ 22 h 02 min

    ben non, justement, la France ne semble pas d’accord pour un accord de libre échange totale.

  • Gomez Aguilar , 8 mars 2013 @ 23 h 55 min

    J’aimerais bien avoir l’avis de M. Éric Martin sur ce paradoxe que j’ai maintes fois souligné :

    Quel effet ça fait de diriger un site se proclamant “libéral-conservateur” et de n’avoir pour lecteurs (ou du moins, 95% des commentateurs) que des gens qui sont (il n’y a qu’à lire les réactions à cette tribune, à une ou deux exceptions près) plus hostiles aux bases élémentaires du libéralisme que ne peut l’être un électeur du Front du Gauche?

    Le lectorat de NDF, économiquement c’est Mélenchon. Bon, soit : avec un chapelet en plus.

    Mais à part ça, Mélenchon…

  • tintin , 9 mars 2013 @ 0 h 50 min

    Le libre échange n’y est pour rien.

    Les causes :

    Politique monétaire menée entre 1992 et 1999 pour préparer l’euro = 1 million de chômeurs supplémentaires, à cause du franc fort.

    L’euro de 1999 à 2013 = 30 à 60 millions de chômeurs supplémentaires en union européenne, à cause d’un euro trop faible dans pays du Sud et trop fort dans les pays du Nord = trop d’immobilier en Espagne et trop d’usines en Allemagne.

    Politique de planche à billet menée par Bush à petite échelle après le 11 septembre 2001 pour financer la guerre en Irak avec la planche à billet, puis politique de planche à billet à une échelle sans précédent historique par Obama, pour financer l’assistanat des racistes et des intéressés qui votent ainsi pour lui…

    Résultat, crise totale de confiance et blocage des relations interbancaires = blocage de l’économie et faillite du commerce entre pays asiatiques.

    Voyant cela, assassinat d’un grand dirigeant chinois du parti communiste par empoisonnement (son nom m’échappe), ce qui n’a pas fait une ligne dans les médias français et virage à 180° de la politique monétaire chinoise.

    La chine ouvre sa monnaie, avec Hong Kong et le Japon et maintenant avec tous les autres pays hors d’Occident… pour créer une monnaie de réserve asiatique en substitution au dollar…

    Bref, rien de commun avec le libéralisme.

    Maintenant, pour soi-disant réparer les erreurs monétaires qu’ils commettent, ils justifient l’abolition de l’argent liquide (plafond de dépenses à 1000 euros pour commencer) et après l’effacement des comptes en banque comme en Argentine (l’Argentine étant la répétition générale), ils font instaurer la monnaie mondiale et le gouvernement mondial.

    Ils créent les problèmes, pour avoir à les régler.

    Lisez un livre comme le “livre jaune n°5”, j’ai bien rigolé lorsque j’ai lu ce livre dans les années 2000 ou 2002, maintenant que beaucoup de chose contenues dans se livre se sont réalisées, je ris jaune…

    La faillite est potentiellement voulue, pour aboutir à la taxe sur les transactions financières (déjà votée pour la France, ne l’oublions pas, il suffira d’un simple décret pour la mettre en oeuvre après l’effacement des comptes en banque), donc l’impôt du gouvernement mondial et pour aboutir à la monnaie mondiale, le rêve de ces démons franc-maçons que sont Attali, Sarkozy, Obama, Merckel etc.

  • tintin , 9 mars 2013 @ 1 h 02 min

    Cher Monsieur,

    Le libéralisme n’est pas l’absence d’Etat.

    Les périodes ou le libéralisme est moteur de croissance, sont donc les périodes où le libéralisme doit à l’Etat la solidité d’un système judiciaire qui garantit la bonne exécution des contrats privés, la garantie de la propriété privée, ainsi que celle d’une politique monétaire libérale.

    Ne confondez donc pas tout, si vous le voulez bien.

    Un Etat communiste peut très bien mener une politique monétaire libérale, une politique économique communiste et une politique d’échanges protectionniste, ses succès il ne les devra pas pour autant au communisme !

    Aujourd’hui, pratiquement tous les pays d’occident mènent une politique monétaire communiste (Quantitative easing) depuis 20 ans pour l’Europe à cause de l’euro, depuis 10 ans aux USA, depuis 50 ans en Argentine, depuis 10 ans en U.K.

    Aujourd’hui, pratiquement tous les pays d’Occident on une dette globale, conséquence de la politique monétaire menée, à peine inférieure ou supérieure à la valeur de toutes les propriétés existantes dans les pays donnés.

    Etc.

    Tout cela va très mal finir, il n’y a aucun précédent historique et l’effacement des comptes en banque est loin d’être le pire problème que nous ayons, il y a aussi les centrales nucléaires, l’islam, le multiculturalisme etc… toutes choses qui deviendront encore plus critiques lorsque l’Occident aura fait faillite… ce qui terrorise à ce point les chinois, qu’eux mêmes viennent dans un grand fracas inaudible dans les médias français, de virer à 180° de politique monétaire, pour mener, pour la première fois de leur histoire, une politique monétaire libérale !

  • tintin , 9 mars 2013 @ 1 h 05 min

    Toutes choses voulues par les démons franc-maçons, pour justifier le gouvernement mondial, la monnaie mondial, l’armée mondial, l’impôt mondial, les implant sous-cutanés mondiaux (la franc maçonnerie locale en fait la promo dans les discothèques de Barcelone et implante à la volée) etc.

    Nous sommes gouvernés par des tarés aider de dociles médiocres.

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