Le matérialisme, voilà l’ennemi !

Tribune libre de Christian Vanneste*

On vient d’apprendre que le gouvernement français, qui jurait ses grands dieux qu’il ne verserait aucune rançon aux terroristes preneurs d’otages, aurait, en fait, offert en pure perte 17 millions de dollars pour libérer quatre prisonniers. On en déduit que les armes utilisées contre nos soldats proviendraient non seulement des stocks libyens dispersés à la suite de notre intervention, mais encore qu’elles auraient peut-être été achetées avec notre argent. On soupçonne évidemment le gouvernement français d’avoir opéré des choix suivant l’intérêt médiatique des otages, primordial pour les journalistes détenus en Afghanistan, et plus ténu pour les deux jeunes linsellois enlevés au Niger, morts dans des conditions obscures. On prend conscience enfin du fait que le gouvernement se croit autorisé à mentir à la population, en recherchant le succès télévisuel d’une libération, et on le sait maintenant, même lorsqu’il ne s’agit pas d’otages. En dehors de l’audimat, tout se vaut. On ne croit pas un instant que le changement de Président ait modifié les choses. Cette révélation a été faite par une diplomate américaine en retraite, pas mécontente d’exhiber l’exigence de vérité et de transparence des Anglo-saxons. On veut bien, par correction, faire semblant de la croire.

Mais l’actualité en provenance du Royaume-Uni nous réservait une autre surprise. Le conservative Cameron faisait voter par son Parlement, celui-là même qui ne s’interdisait rien, sauf de transformer une femme en homme, une loi autorisant le mariage homosexuel. Il s’agissait pour lui de conserver son alliance avec les libéraux-démocrates, très favorables à la mesure, et d’imposer ce texte avec le soutien des travaillistes à une minorité de 175 vrais conservateurs. Son attitude ferme sur le budget européen et pour un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne ne manquera pas de rallier ce carré à son panache arc-en-ciel. Cette stratégie est doublement révélatrice : d’abord, les professionnels de la politique qui encombrent le paysage européen sont prêts à tout pour conserver leur job ; ensuite la vraie fracture qui s’ouvre en politique n’est plus entre la gauche et la droite, ni entre les socialistes et les libéraux, ce pourrait être, comme aux États-Unis entre les libéraux et les conservateurs. C’est en fait entre les matérialistes et les idéalistes.

Marx lui-même, en bon disciple de l’idéalisme allemand n’avait fait que pousser à l’extrême le travail de destruction qu’opère le libéralisme économique abandonné à lui-même. Si tout s’achète et si tout se vend, les institutions et les valeurs idéologiques qui les étayent, vont être balayées par le progrés technique, et les intérêts matériels qui l’accompagneront, et ils ne seront vaincus que par leurs propres contradictions. Ce  dernier point restant à démontrer, on comprend mieux cette alliance d’un certain libéralisme et d’un certain socialisme. C’est le produit d’une recette qu’on peut résumer ainsi :

– d’abord, vous épluchez soigneusement tout ce qui peut ressembler à une valeur spirituelle, à une distinction inutile et improductive entre ce qui est sacré et ce qui ne l’est pas, les jours, les lieux, les personnes et la vie elle-même.

– ensuite, vous réduisez toutes les communautés humaines aliénantes comme les religions, les nations, les familles à des individus essentiellement producteurs et consommateurs, libres de jouir dans la seule limite de leurs capacités matérielles.

– enfin, sous prétexte d’égalité vous écrasez toutes les différences naturelles, culturelles entre les personnes fondées sur la complémentarité, l’utilité collective ou le mérite pour leur substituer l’échelle de la seule valeur marchande ou imposable.

Dans Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, Ford et Marx ont fusionné. Cet ouvrage prophétique devient progressivement notre réalité. Etre conservateur, c’est justement refuser cette alliance. C’est penser que la personne, inséparable des autres d’où elle vient et vers lesquels elle va, est libre, parce qu’elle est responsable. C’est croire que l’exercice de cette liberté responsable est le facteur essentiel de la création de richesses qu’il faut d’abord produire avant de les distribuer. C’est juger que la liberté ne va pas sans morale qui, en limitant son expression, lui donne aussi sa force. Être conservateur, c’est choisir la personne et non l’individu, la libre entreprise protégée et non la dictature des marchés ou de l’État, la hiérachie des valeurs et non le relativisme. Être conservateur, c’est vouloir que les idées et les valeurs spirituelles conservent leur pouvoir sur la marche des choses.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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8 Comments

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  • christian33 , 9 février 2013 @ 11 h 42 min

    Au sujet de la soi-disante rançon je trouve complètement insupportable qu’un gouvernement envisage de verser une rançon avec nos impôts…
    Ce sont des sociétés (qui doivent être assurées) qui envoient leurs salariés après avoir répondu à des appels d’offres et elles doivent certainement en tirer de juteux bénéfices…
    Alors je pense qu’il serait logique qu’elles prennent en charge elles-même tout ce qui découle de leur présence en territoire étranger.!!

  • JSG , 9 février 2013 @ 19 h 12 min

    “…- d’abord, vous épluchez soigneusement tout ce qui peut ressembler à une valeur spirituelle, à une distinction inutile et improductive entre ce qui est sacré et ce qui ne l’est pas, les jours, les lieux, les personnes et la vie elle-même….”

    En n’oubliant pas -quand-même- de conserver les nombreuses loges où l’on refait le monde pour un homme universel,
    Alimentaire mon cher Watson !

    Nous pourrions appeler ce début de siècle, celui des médiocres, ces médiocres qui ont précipités leur civilisation dans le chaos sous le regard, impuissant ou hébété de leurs populations trop engourdies par la prospérité.
    Cette idée selon laquelle on gouverne sans l’assentiment des populations, est une approche à très court terme.
    “quand les peuples cessent d’estimer, ils cessent d’obéir”
    Actuellement, ce gouvernement par raccroc bénéficie d’une énorme chance : Il n’a face à lui, que des débris de partis politiques :
    Un FN complètement à la dérive, Un UDF affaibli et sans leader, un CENTRE de béni-oui-oui sans perspectives. Un Front de gauche, au leader qui voudrait tout casser, tellement convainquant qu’il casserait le miroir devant lequel il s’admire.
    Il suffirait d’un Mélanchon, sans cette étiquette poisseuse pour soulever la France entière et balayer ces ringards qui nous enlisent.
    Une révolution, ne vient pas d’une conviction politique, mais de la conscience des peuples qu’ils sont mal gouvernés.

  • Charly , 10 février 2013 @ 8 h 39 min

    “je trouve complètement insupportable qu’un gouvernement envisage de verser une rançon”
    Si vous-même étiez otage, ou si vous aviez votre enfant pris en otage, auriez-vous la même opinion ?

  • isidore , 10 février 2013 @ 11 h 49 min

    Tout mon respect à M.Vanneste pour ses prises de positions estimables,avec les déboires qu’elles lui ont valu.
    Ceci dit,quelques questions
    D’abord,compte tenu de la différence de vocabulaire entre les anglo-saxons et le “continent”,je ne sais pas bien ce que veut dire,politiquement,le parti libéral-démocrate en Angleterre,libéral signifiant chez eux démocrate,et démocrate,voulant dire gauche socialiste,par “générosité”(sens second du terme libéral)envers le peuple,cad partisan de l’assistanat généralisé.
    Le mot Libéralisme en France,même en dehors de l’acception anglaise,a des sens multiples,en tant qu’adjectif substantivé.On peut-être “libéral” dans des domaines différents sans l’être dans tous les points de vue.
    La façon dont le mot est dénoncé chez nous des sens différents,voire opposés.Certains se targuent de libéralisme d’un point de vue moral ou anti-moral qui remonte au libertinisme du 18° siècle.Il s’agit d’un laxisme comportemental que,par haine de toute contrainte civilisationnelle,on veut répandre dans toute la société,en en faisant profiter,dès lors par une prétendue bonté d’âme,toute l’humanité et particulièrement,quoique ce soit par intérêt électoral, la classe prolétaire,
    accessoire indispensable à toute prise du pouvoir.
    Ce qui est appelé,dans la tradition française “libéralisme économique”,certes se base sur
    un présupposé de liberté politique,et morale,non dans le sens de permissivité,mais au contraire de responsabilité,et,en économie de capacité d’initiative et d’entreprise,qui loin de rejeter toute institution traditionnelle et légale,la demande,en plus de la liberté responsable. elle est même,en fait,la source de toue loi,car sans liberté aucune,pas besoin de loi.
    En fait,M.Vanneste,lui-même,rejoint cette demande de liberté normale,en la désignant comme respectueuse d’une morale.
    Je le rejoint sur ce point,si ce n’est par l’autre bout du chemin de raisonnement.
    Pour moi,il n’y a pas d’abord la morale(qui s’appliquerait à quoi?),mais d’abord la liberté,qui,parce que souhaitant la loi pour sa protection,est la source de cette loi et de la morale sociale.

  • isidore , 10 février 2013 @ 11 h 53 min

    Quant aux rapprochements entre marxisme et libéralisme,pour le moment,je le nie sans analyse plus approfondie.
    Ce qui est exact,c’est que la base de réflexion de Marx commence explicitement par rejeter tout point de vue moral,en se prétendant scientifique.

  • Le Nouveau Croisé , 10 février 2013 @ 12 h 34 min

    Que chacun fasse son métier, les entreprises qui “expédient” leurs collaborateurs dans des pays à risque prennent leurs responsabilités, puis c’est à l Etat d imposer à celles-ci le paiement des rançons.
    Céder au chantage est une marque de faiblesse pour ces fous du turban, combien nous a coûté l affaire Casez ? Et pour qui ? Cette donzelle dont rien ne prouve l innocence !
    Rien n oblige chaque français à payer pour des c…….. faites par des irresponsables .

  • sainte lance , 10 février 2013 @ 22 h 55 min

    Compte tenu que l’on est en plein matérialisme, ou dit plus crûment “seul importe le fric”, la seule solution possible pour ramener nos “élites” dirigeantes à la raison, serait la grève de l’impôt.
    Que pourrait faire Bercy, si un million ou plus de résidents en France cessait d’acquiter ensemble leurs impôts ?

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