Le parlement polonais va-t-il restreindre encore plus les possibilités d’avorter ?

En Pologne où la loi sur l’avortement est une des législations d’Europe qui protège le mieux l’enfant à naître, l’élimination des handicapés au stade prénatal reste un grave problème, même s’il ne s’agit ici que de quelques centaines de fœtus par an, une quantité qui pourrait paraître négligeable par rapport à d’autres nations européennes comme la France ou la Grande-Bretagne (ce deuxième pays a la législation la plus barbare du continent puisqu’il est possible de s’y faire avorter sans raison médicale sérieuse jusqu’à la 24e semaine de grossesse !).

Les députés de la Diète se prononçaient hier sur l’examen en commission parlementaire de deux projets de loi. L’un, proposé par le parti anticlérical, pro-avortement et pro-mariage homosexuel « Mouvement Palikot » (du nom de son chef) et soutenu par les sociaux-démocrates post-communistes (SLD), proposait de rendre l’avortement entièrement libre jusqu’à la 12e semaine de grossesse, comme c’est le cas en France : il a été rejeté d’emblée par une large majorité des députés de la Diète. L’autre projet proposé par le parti conservateur « Pologne solidaire » (SP), issu d’une scission avec l’autre parti conservateur « Droit et Justice » (PiS) de Kaczyński, propose au contraire d’interdire l’avortement pour maladie ou handicap grave et incurable du fœtus en ne laissant la porte ouverte à cette pratique que lorsque la grossesse est issue d’un acte interdit par la loi (viol, inceste…) ou lorsque la grossesse fait peser une menace sur la vie ou la santé physique de la femme enceinte. Ce deuxième projet de loi a été envoyé en commission parlementaire pour y être étudié grâce au soutien non seulement de l’opposition conservatrice du PiS et du SP, mais aussi de la majorité des députés du parti paysan PSL, le partenaire minoritaire de la coalition gouvernementale, et de 40 députés dissidents de la Plateforme civique (PO), le parti « libéral » du premier ministre Donald Tusk, qui avait pourtant demandé à ses membres de voter pour le rejet en première lecture des deux projets.

Il n’est donc pas impossible que la Pologne interdise bientôt l’infanticide prénatal pour raisons médicales liées à l’enfant, ce qui ne sera pas sans poser de graves problèmes dans certains cas de malformations particulièrement lourdes mais qui permettrait par contre de sauver des centaines de petits trisomiques et handicapés suffisamment légers pour  mener une vie « normale » et qui représentent aujourd’hui la grande majorité des cas d’avortement au pays de Jean-Paul II. Ainsi que le font remarquer les auteurs du projet retenu par la Diète, à une époque où on cherche à faciliter l’égalité des chances pour les handicapés et où on organise des jeux paralympiques, il est absurde et criminel de refuser à nombre d’entre eux le droit le plus fondamental, celui de vivre. L’objectif serait aussi d’empêcher que l’avortement devienne à l’échelle nationale une forme de politique eugénique comme c’est déjà le cas dans d’autres sociétés européennes, y compris en France où les enfants trisomiques, par exemple, sont très majoritairement « éliminés » avant la naissance.

De notre correspondant permanent en Pologne.

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