Le Pape abdique ses prérogatives

Tribune libre de Marc Crapez*

Tout le monde comprend son geste. Plausiblement atteint de grave maladie, le Pape veut mourir dans la dignité. L’époque veut cela. Et c’est un progrès. Tel une rock star, le Pape dit « j’arrête ». Il « donne sa dem’ ». Les médias profanes ont plus parlé de démission que d’abdication.

C’est pourtant bien une abdication. Dans tous les sens du terme. Carol Wojtyla était un sportif, un soldat de dieu. Joseph Ratzinger est un intellectuel, un théologien. Le premier s’est accroché jusqu’au bout. A visiblement souffert le martyr. En a été béatifié. De quel droit le second se rallie-t-il au verdict de la médecine en barrant la route à un éventuel miracle ?

La précédente renonciation papale, en 1415, voulut éviter un schisme. Motif noble. Ambition collective. Le motif, cette fois, semble individualiste. Benoît XVI désacralise la fonction. C’est une révolution comparable à la fin de l’infaillibilité pontificale.

« Dio lo vuole », dit la formule. Le Pape a été mis en place par la volonté divine. Son élection est le fruit du dessein impénétrable de la Providence. En se soustrayant à la charge qui lui avait été assignée, ne contrecarre-t-il pas la volonté de Dieu, ne désobéit-il pas à sa mission apostolique ?

La question hante confusément les consciences catholiques. Mais pas une voix ne s’élève. Tout le monde trouve cela normal. Légalistes, les catholiques veulent trouver matière à se réjouir, pensent qu’ils seront payés de retour par ce geste d’humilité. D’autant que la pression médiatique, qui a tant tourmenté ce pontificat, ne lui pardonne que son geste d’adieu.

Comme Sarkozy qui a désacralisé la fonction présidentielle, Joseph Ratzinger est, à son corps défendant, un enfant de 68. Il a cassé son image de Pape. L’avenir dira si ce relooking de la fonction papale permettra à l’Église de mieux rester en prise avec la société ou si, à l’inverse, cela précipitera le désenchantement des fidèles.

Sans le latin, « le rite qui nous envoûte s’avère alors anodin », chantait Brassens. Sans souverain à vie sur le trône de Saint-Pierre, comment évoluera l’influence de la douce pitié de Dieu ? Je n’ai pas d’avis sur la question. Je ne suis pas croyant. Je voulais simplement dire ce qui est.

*Marc Crapez est chroniqueur et chercheur en sciences politiques.

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18 Comments

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  • LAPRUN Gérard , 12 février 2013 @ 16 h 13 min

    Un commentaire rare au rebours de l’ensemble des commentaires sur l’abdication de Benoit XVI qui me fait réfléchir sur ma première réaction qui approuvait la décision papale.

  • PAD , 12 février 2013 @ 16 h 58 min

    Il est fortement probable que le Pape démissionne non pas pour des raisons de santé officielles mais parce que officieusement, il s’est rendu compte et surtout a accepté qu’il ne pouvait rien faire à cette place.

    Je pense qu’il voulait dire au départ certaines vérités sur le délabrement de notre foi, de notre civilisation et le dangers d’autres vindicatives (notamment lors du fameux discours de Ratisbonne), et que les médias certes mais surtout son entourage proche lui ont demandé de se taire.

    Puis il a voulu, à très juste raison d’ailleurs, revenir sur ce concile néfaste de Vatican II qui a vidé le catholicisme de tout son rite et donc de sa substance même, en réintégrant des parties de cérémonies d’avant ce concile. Ce qui a été très mal vu par les plus hauts dignitaires de l’Église. Le scandale politique de son major d’homme il y a quelques mois n’est pas étranger au contre courant voulut par Benoit XVI.

    Très pieux, méditatif, il a compris qu’il serait plus utile pour les catholiques de se retirer, prier et méditer plutôt que de tenter des réformes nécessaires dont personne veut.

    Sa démission nous rappelle à nous Européens, en général et Français en particuliers, notre état de délabrement total. Puisse Dieu nous aider à nous redresser!

  • Komdab , 12 février 2013 @ 17 h 09 min

    L’auteur écrit : “Le Pape a été mis en place par la volonté divine. Son élection est le fruit du dessein impénétrable de la Providence. En se soustrayant à la charge qui lui avait été assignée, ne contrecarre-t-il pas la volonté de Dieu, ne désobéit-il pas à sa mission apostolique ?”

    Peut-être que sa démission fait aussi partie du dessein de Dieu. Je crois surtout que ce que redoute le Saint Père c’est l’inaction dans l’Eglise. Il n’a probablement plus la force de se battre et il pense sans doute que l’Eglise ne peut pas se passer de l’énergie d’un pape pendant quelques temps.

  • Jean Baptiste Celeyron , 12 février 2013 @ 18 h 23 min

    “Le Pape veut mourir dans la dignité”… Qu’en savez vous
    Quant à la volonté de Dieu il me semble osé et pour le coup violemment orgueilleux de la commenter.
    Voila un monsieur bien sur de lui et qui manifestement lit dans le marc de café, capable de nous donner sans hésitation aucune les raisons certaines de dette démission.
    Je mets ce torchon de certitude petite bourgeoise sur le compte de la peine et la déception.

  • Tarantik , 12 février 2013 @ 18 h 24 min

    Je crois qu’il a dit “n’avoir plus la force (les forces) nécessaire (s) pour assumer une charge écrasante;
    Alors si cette démission c’était tout simplement pour pour mieux servir les intérêts de l Eglise en passant la main à un plus jeune que lui ?
    Après tout son objectif principal n’est peut-être pas d’être canonisé ?

  • Olizefly , 12 février 2013 @ 21 h 14 min

    J’ai toujours eu beaucoup de respect pour ce pape et je suis sûr qu’il n’a pas décidé d’abdiquer pour son confort personnel. Après tout il a 85 ans et on peut imaginer qu’il ne se sent effectivement plus apte. Confiant en Dieu, il sait que le prochain pape aussi sera élu par la volonté de Dieu. Je ne vois pas en quoi son abdication désacralise sa fonction.

  • Gisèle , 12 février 2013 @ 21 h 54 min

    Il a l’âge de ma maman qui est hospitalisée en ce moment . Il est fatigué et usé .
    Et je trouve que tout ce battage médiatique et cet acharnement à le juger , c’est incorrect et irrespectueux !
    Les journaleux gauchos devraient fermer leur grande goule !
    Qu’ils lui foutent la paix !
    Défendons le comme Simon de Cyrène a défendu Jésus !
    Et Dieu ne plaise aux prophètes de malheur , le prochain Pape sera choisi par Celui qui se laissera toucher par les prières , le jeûne et la gande FOI en sa PUISSANCE ;

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