Pologne – crash de l’avion présidentiel à Smolensk le 10 avril 2010 : contrairement à ce qui a été dit, il n’y aurait pas eu de pressions sur l’équipage

D’après le très sérieux quotidien Rzeczpospolita (La République), les experts polonais de l’Institut Sehn qui travaillent sur les enregistrements des boîtes noires du Tupolev présidentiel ont établi avec certitude que la voix qui avaient été attribuée au général Blasik, le chef de l’armée de l’air polonaise mort dans le crash, et qui avait fait dire aux rapports russes et polonais que les pilotes du Tu-154 avaient atterri en dépit du bon sens sous la pression de leur supérieur, et donc, indirectement, du président Lech Kaczyński lui-même, était en fait la voix du copilote. De ce fait, aucun propos du général Blasik n’a été enregistré dans la cabine de pilotage et il n’est donc même pas certain qu’il s’y trouvait au moment du crash.

Les fleurs déposées par la foule des visiteurs devant le palais présidentiel rue Krakowskie Przedmieście à Varsovie, lors des premières journées de deuil national. Photo : Olivier Bault

En effet, le seul autre élément de preuve de sa présence dans le cockpit, c’était que son corps avait été retrouvé près de celui du navigateur Artur Zietek. Cependant, contrairement au navigateur, le corps du général n’était pas attaché à son siège et il pouvait donc avoir été éjecté depuis un autre emplacement de l’appareil.

La thèse d’un atterrissage sous la pression du président Lech Kaczynski avait été avancée dès les premières heures et soutenue à maintes reprises par la partie russe et par une partie de la classe politique et des médias polonais qui ne portaient pas le président conservateur dans leur cœur. Cette thèse avait aussi été reprise dans les médias étrangers, y compris français, malgré l’absence d’indices tangibles. La cohabitation entre ce président conservateur et le gouvernement du parti libéral « Plateforme civique » majoritaire à la Diète était difficile et conflictuelle. Beaucoup en Pologne pensent que le crash est au moins en partie dû à des négligences de l’administration gouvernementale au niveau de la préparation du voyage. Il a par exemple été établi que le ministère des affaires étrangères n’avait pas su assurer la présence normalement obligatoire pour un atterrissage sur l’aéroport militaire de Smolensk sous-équipé d’un navigateur détaché par le gouvernement russe. D’aucuns n’excluent pas non plus la thèse d’un incident technique majeur ou même d’un attentat. On se demande notamment pourquoi les autorités russes ont, dans les jours qui ont suivi le crash, découpé l’épave de l’avion et fait raser tous les arbres endommagés par la chute du Tupolev. Malgré ses demandes officielles répétées, la Pologne n’a toujours pas pu récupérer les débris de l’avion ni les boîtes noires et ne dispose que de copies des enregistrements de ces dernières. Des boîtes noires qui auraient cessé d’enregistrer à une vingtaine de mètres au-dessus du sol…

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4 Comments

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  • RF , 14 janvier 2012 @ 15 h 07 min

    En gros, on n’imagine pas le pape dans un avion avec TOUS ses cardinaux, pour des raisons bien évidentes. Idem: les grands chefs d’entreprise ne voyagent jamais avec tous leurs cadres dirigeants dans le même appareil. Et là… il y avait au moins la moitié des huiles de l’Etat polonais? — Bref, il y a un mot polonais qui désigne la cause (non pas de la catastrophe – mais de son ampleur: c’est un mot qui vient du français et qui est BRAWURA. Mais alors que la bravoure désigne en français une forme de courage noble, le mot BRAWURA désigne en polonais la prise de risque idiote – comme de s’affranchir des normes de sécurité.

  • Olivier Bault , 14 janvier 2012 @ 16 h 10 min

    @RF : Je suis bien d’accord avec ce que vous dites. Toutefois, et à titre de circonstances atténuantes pour cette “brawura”, il faut rappeler que l’État polonais disposait à l’époque, pour les voyages officiels, de deux Tu-154 dont un était en réparation en avril 2010, et de deux Yak-40 plus petits et à autonomie plus réduite. Une partie de la délégation officielle devait prendre le Yak-40 qui a atterri à Smolensk le 10 avril 2010 avant le crash du Tupolev, or ces officiels ont été transférés au dernier moment et le Yak-40 n’a emmené que les journalistes qui devait assurer la couverture de la commémoration du massacre de Katyn. A ce jour, aucune explication n’a été donnée sur les raisons de ce transfert. Une autre chose dont on parle peu, c’est que Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau du président Lech Kaczynski et ancien premier ministre (2005-2007) aurait dû se trouver dans le Tu-154. Il avait été remplacé la veille au soir par le député du PiS Zbigniew Wassermann car il avait décidé de resté au chevet de sa mère malade. Ce sont deux éléments qui alimentent l’hypothèse d’un possible attentat. A propos de Zbigniew Wassermann, son corps a été exhumé récemment et ré-autopsié par des médecins légistes polonais en raison de doutes liés au rapport d’autopsie reçu par sa famille : il s’est avéré que le rapport d’autopsie russe était presque entièrement falsifié. D’autres familles de victimes ont émis des doutes sur des rapports d’autopsie qui illustrent bien comment s’est déroulé l’ensemble de l’enquête qui a suivi le drame.

  • PM , 14 janvier 2012 @ 16 h 14 min

    A qui profite l’accident (ou le crime) ?

    A la Russie ? A Poutine ? Certainement pas ! ils se voient désigner coupable et grand méchant loup alors même qu’une commémoration de Katin devait avoir lieu en présence des huiles Polonaises et Russes et que bruissait dans les couloirs la rumeur d’une détente russo-polonaise sous les hospices du président décédé et du premier ministre Russe…

    A l’UE et à la majorité parlementaire polonaise ? évidemment ils se sont vues débarrassé d’une président nationaliste et conservateur gênant, dans une contexte de construction européenne toujours plus libertariennes et d’oléoducs/gazoducs assurants l’approvisionnement énergétique Européen… Un profit par ricochet peut être…
    Aux USA ? Incontestablement (comme dans tout les pays de l’Est), un réchauffement pouvait mettre en péril leurs projets de bouclier anti-missile et fragiliser la coalition de l’OTAN dans la zone Europe de l’Est.

  • Olivier Bault , 14 janvier 2012 @ 20 h 17 min

    L’accident ou le crime profite à la Russie d’une part (pour une explication générale des enjeux géopolitiques, voir par exemple le documentaire “Lettre de Pologne” de Mariusz Pilis et Artur Dmochowski sur YouTube). Il profite d’autre part au “système” issu des négociations de la table ronde en Pologne qui ont permis aux apparatchiks et agents communistes de conserver partiellement les manettes du pouvoir politique et économique en le partageant avec une certaine partie de l’opposition, un système qui était menacé par les Kaczynski. Il profite enfin aux anciens agents des services de renseignement militaires (WSI) qui avaient été dissous par le gouvernement de Jaroslaw Kaczynski, et ce d’autant plus qu’il y avait aussi dans l’avion des généraux qui bloquaient leur retour en grâce sous le gouvernement de Donald Tusk.

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