Adoption de l’enfant du partenaire de même sexe : la Cour européenne va se prononcer

Tribune libre de Grégor Puppinck*

Le 19 février, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) va rendre son arrêt dans une affaire X et autres c. Autriche (n° 19010/07) mettant en cause l’impossibilité pour une femme d’adopter le fils que sa compagne a eu d’une union antérieure avec un homme. Les jugements de la Grande chambre fixent la jurisprudence de la Cour et ont vocation à s’imposer aux 47 États membres du Conseil de l’Europe. Cet arrêt est donc d’une particulière importance.

Les deux femmes qui agissent en leur nom et au nom de l’enfant mineur, se plaignent de subir une discrimination fondée sur leur orientation sexuelle et invoquent le droit au respect de leur vie privée et familiale (art.8) ainsi que l’interdiction des discriminations (art. 14). Elles « estiment qu’aucun élément ne justifie de manière raisonnable et objective que l’on autorise l’adoption de l’enfant de l’un des partenaires par l’autre partenaire dans le cas d’un couple hétérosexuel, marié ou non marié, tout en interdisant pareille adoption dans le cas d’un couple homosexuel » (présentation des faits réalisée par la Cour).

Cette affaire, portée par le lobby LGBT (ILGA, ECSOL FIDH, etc.), vise à faire établir un droit à l’adoption des enfants du partenaire de même sexe. C’est l’une des trois formes d’adoption revendiquées par les groupes LGBT, en plus de l’adoption par les célibataires homosexuels et par les couples homosexuels qui ont été respectivement abordées par la CEDH dans les affaires E. B. contre France en 2008 et Gas et Dubois contre France en 2012.

Selon le droit autrichien, une telle adoption n’est pas possible car un enfant ne peut pas avoir sa filiation établie envers plus de deux parents et son adoption par une femme romprait le lien avec sa mère biologique. Les deux femmes arguent du fait que lorsque le couple est hétérosexuel, un homme vivant avec la mère d’un enfant peut se substituer au père et adopter l’enfant (de même la femme vivant avec le père de l’enfant peut en théorie se substituer à la mère).

Cependant, dans ce cas, le parent naturel perd tout lien humain et juridique avec l’enfant, même le droit de le voir. Une telle adoption par substitution requiert, si elle est estimée être dans l’intérêt de l’enfant, soit la renonciation du parent à son lien de filiation, soit une décision de justice constatant l’indignité du parent biologique à conserver ses droits parentaux (en cas de maltraitance ou de désintérêt total pour l’enfant).

En l’espèce, le père a des contacts réguliers avec son fils qui porte son nom, et il lui verse une pension alimentaire. Autrement dit, cet enfant, comme beaucoup d’autres dont les parents sont séparés, vit avec sa mère et a un père qu’il continue à voir et qui s’occupe de lui.

Les deux compagnes ont demandé au père de renoncer à ses droits parentaux. Face à son refus, elles ont demandé aux juridictions autrichiennes de l’en déchoir et d’autoriser l’adoption de telle sorte que la compagne de la mère puisse se substituer au père de l’enfant. Les autorités autrichiennes ont jugé cette demande contraire à l’intérêt de l’enfant et l’ont refusée. Les deux compagnes ont alors saisi la Cour européenne invoquant une discrimination.

Du point de vue de l’intérêt de l’enfant, cette affaire est simple : l’enfant a déjà un père et une mère, aucun d’eux ne souhaite ni ne doit renoncer à ses droits parentaux ; l’intérêt de l’enfant est de conserver sa filiation et ses liens avec ses parents. L’enfant n’est donc pas adoptable.

En revanche, du point de vue des adultes, l’affaire se complique : ce n’est plus l’intérêt de l’enfant qui est considéré, mais l’égalité entre les couples hétérosexuels et homosexuels qui est en cause. Il s’agit pour les requérantes d’avoir les mêmes droits sur les enfants. La différence de situation entre couples hétérosexuels et homosexuels dans leur faculté « d’avoir » des enfants est perçue comme une inégalité, une discrimination.

C’est sous l’angle des droits des adultes en matière d’adoption que la Grande Chambre de la CEDH a entendu l’affaire lors de l’audience du 3 octobre 2012.

Notons que le père n’a pas été invité à participer à la procédure devant la Cour européenne ; peut-être même n’en a–t-il pas été informé car les requérantes ont obtenu l’anonymat. Le fils non plus n’a pas été entendu par la Cour : étant mineur, sa mère a agi en son nom et il n’a pas eu d’avocat personnel.

Finalement, ce qui est en jeu dans cette affaire, c’est l’étendue du pouvoir des adultes sur les enfants : va-t-il jusqu’à pouvoir nier la réalité et falsifier la filiation pour satisfaire leurs propres désirs et effacer leur passé, quitte à effacer celui de l’enfant. La réalité de la filiation est un ancrage naturel qui protège les enfants contre l’égoïsme et l’inconstance des adultes.

*Directeur du European Centre for Law and Justice (ECLJ), Docteur en droit, Expert auprès du Conseil de l’Europe. L’ECLJ a été autorisé à intervenir dans cette affaire comme tierce partie et a soumis des observations écrites à la Grande Chambre.

1. L’article 9-2 de la Convention relative aux droits de l’enfant prévoit, en cas de procédure de retrait de l’autorité parentale, que « toutes les parties intéressées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues ».

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36 Comments

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  • C.B. , 15 février 2013 @ 8 h 39 min

    “Je soutiens le droit au mariage, pour les gays,”
    Quels sont les bénéfices concrets que vous en attendez?
    -droit de vivre avec votre compagnon? c’est déjà acquis, l’homosexualité n’est pas pénalisée, la colocation (quelle qu’en soit les raisons) n’est nullement illégale.
    -droit de faire la fête pour faire part de votre choix de vie commune? il n’y a pas besoin d’un acte d’état-civil pour ça: les fêtes “d’enterrement de vie de garçon” ou “d’enterrement de vie de jeune fille” qui se sont développées récemment ne sont pas liées à un changement d’état-civil, ça se pratique également en cas de PACS ou simplement de concubinage affirmé.
    -droit de monopoliser les services de la maison commune et d’un élu? au nom de quoi?
    Comment expliquez-vous que, lors des toutes premières années du PACS, le pourcentage de PACS entre personnes de même sexe était notable, alors qu’il est actuellement très minime?
    “cela n’enleve aucun droit a qui que ce soit d’autre”
    Si: pour les enfants, cela va avoir des conséquences redoutables. Mariage, en France, entraîne ipso facto filiation. TOUS les couples seront touchés. C’est justement pour cela que ça ne va pas.
    “Je ne suis pas totalement oppose, a la PMA”
    ‘est quoi, pour vous, la PMA? En France, l’Aide Médicale à la Procréation vise à apporter l’aide technique de la science à des couples dont l’infertilité résulte d’une pathologie médicalement reconnue. Quelle est la pathologie dans les couples de même sexe?

  • C.B. , 15 février 2013 @ 8 h 40 min

    “Je pense que l’enfant a son mot à dire”
    Celui-ci aura la chance de pouvoir le faire, puisque son père a déjà laissé des traces.
    Les prochains enfants dans ce cas, dont l’état civil sera falsifié suffisamment tôt, ne pourront plus retrouver trace de leur père naturel.

  • Delaye , 15 février 2013 @ 9 h 34 min

    Si la cour européenne donne raison à ces femmes dénaturées et haineuses, qui n’ont aucune morale et aucun amour réel pour ce pauvre petit garçon, elle nous prouvera qu elle est composée d individus dégénérés que l on devrait démettre d autorité de tous leurs pouvoirs. Mais , hélas, le pouvoir, les gens de bon sens n en ont aucun. Je me demande jusqu à quel degré de déchéance les gens de pouvoir vont aller.

  • Catherine , 15 février 2013 @ 10 h 25 min

    Le mariage homo enlève à mon sens des droits au couples ‘classiques’.
    Je m’explique : lorsqu’un homme et une femme se marient, ils se placent , se soumettent à une institution appelée mariage et qui, pour tout un chacun, est l’union d’un homme et d’une femme.
    J’ai le droit de me marier car je suis hétéro !

    Si désormais des homo sont soumis au même statut, c’est ce statut qui n’a plus le même sens et de là c’est la mariage qui n’existe plus.
    Nous serions face à une nouvelle institution mais en tout cas plus à un mariage.

    Par ailleurs, le principe d’égalité, si souvent avancé par les partisans de cette dénaturation, en droit français n’a JAMAIS eu pour signification de soumettre tout le monde à la même règle; le droit prévoit de soumettre à la même règle les personnes dans la MEME situation !
    Nuance à ne pas oublier !
    Si je suis hétéro, je n’ai pas à être soumise aux mêmes lois que les homos !
    Le mariage est une institution sociale pour les hétéros, pas pour les homo; il n’y a rien d’inégalitaire dans l’histoire car hétéro et homo ce n’est pas la même chose.

  • conneriephobe , 15 février 2013 @ 10 h 31 min

    Oui, je crois que ce qui est le plus écoeurant dans cette horrible histoire c est que la demande ahurissante et illégitime de ces deux femmes égoïstes et castratrices soit entendue et débattue par une haute autorité avec le risque énorme qu il leur soit donné raison au nom d une prétendue et absurde question d égalité de droits.

    Le père ? quel père ? juste une gamète, rien de plus.
    Quant à l enfant, depuis qu une loi autorise sa mise à mort dans le sein de sa mère, il est devenu une chose dont on dispose à volonté jusqu à sa majorité.

    La femme, symbole de douceur, de tendresse, d abnégation, de générosité (liste non exhaustive), n est plus.
    Place à la guerrière assoiffée de sang et d attributs masculins (hou, çà fait mal…)

    Bienvenue chez les dingues.

  • Mas Jean-Marie , 15 février 2013 @ 10 h 49 min

    Je suis assez d’accord avec Catherine sur un point, le mariage homo entraine de facto l annulation du mariage tel que nous le connaissons dans les faits et dans l esprit. Il n apporte rien aux gays, il retire aux hétéros.
    Mais en fait, c est exactement ce que recherche les lobbies Homos et Lesbiennes.
    Une fois la merde foutue, ils irons faire la féte dans le marais parisien.
    Un grand marché va s ouvrir auprés des jeunes, vente de gods et drogues de toutes sorte, certains affairistes se frottent les mains, dans un monde pourri, ils feront leur beurre.
    Cest pourquoi il ne faut rien lacher, cest eux ou nous.

  • Tarantik , 15 février 2013 @ 12 h 13 min

    Micaelli

    D’ici là il aura le temps d’être perverti par ses soi-disant “parents” !

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