Les pays d’Europe centrale et du Nord réveillés de leur torpeur par l’ours russe

Vue par Depardieu la force de la Russie est avant tout spirituelle, mais vue d’Europe centrale cette force est d’abord militaire et c’est une force qui tend à déborder de ses frontières. Mieux vaut donc se réarmer un peu après deux décennies de négligence. Même la pacifiste Allemagne, où un rapport qui a fuit dans la presse en septembre a dévoilé l’état de délabrement des forces armées et leur absence de capacité à participer à la défense collective de l’OTAN si le besoin s’en faisait sentir, a décidé d’augmenter légèrement son budget militaire l’année prochaine. La ministre de la Défense allemande a justifié cette petite augmentation d’un demi-milliard d’euros par la crise en Ukraine et la menace de l’État islamique. Relativisons toutefois, car selon les estimations de l’OTAN l’Allemagne ne consacre que 1,3 % de son PIB à sa défense tandis que la Russie y consacre 4,2 % (voir ici). Mais il s’agit tout de même d’une inversion de tendance notable.

En Scandinavie, la Suède et la Finlande sont confrontées cette année, comme les Pays baltes, à une recrudescence des violations de leur espace aérien par l’aviation militaire russe et à des manœuvres provocatrices près de leurs frontières, comme celles, non annoncées, qui ont eu lieu la semaine dernière en Baltique et dans l’enclave de Kaliningrad et qui ont mis la Lituanie en état d’alerte maximale. C’est pourquoi la Suède et la Finlande, qui ne font pas partie de l’OTAN mais qui envisagent de plus en plus sérieusement de rejoindre l’Alliance atlantique, accroissent leur coopération militaire et aussi leur budget de défense. Aujourd’hui, 40 % des Suédois seraient favorable à une appartenance de leur pays à l’OTAN, un chiffre jamais atteint jusqu’ici. Ces deux pays ont eux aussi annoncé récemment des augmentations de leurs budgets militaires.  Actuellement, la Suède consacre 1,1 % de son budget à sa défense et la Finlande y consacre 1,2 %. Les augmentations annoncées ne sont pas énormes mais il s’agit comme pour l’Allemagne d’une inversion de tendance après des années de baisse. La Finlande réfléchit notamment au remplacement de ses F-18 datant de 1995 par des Gripen suédois ou des avions de chasse de 5e génération F-35 américains.
La Norvège aussi a annoncé en octobre qu’elle allait augmenter ses dépenses de défense en 2015, de 3,5 % (ses dépenses de défense représentent 1,4 % de son PIB) et elle prévoit notamment d’acquérir 22 F-35 au lieu des 16 prévus initialement.

C’est la Lituanie qui détient le record des augmentations annoncées, en tout cas en pourcentage, puisqu’elle prévoit d’augmenter son budget de défense de 32 % en 2015 et qu’elle veut à terme le faire passer de 0,8 % à 2 % de son PIB.
La Pologne aussi a annoncé qu’elle allait y consacrer 2 % de son PIB au lieu de 1,8 % actuellement et de gros contrats sont en cours d’attribution dans ce pays pour la défense antiaérienne et antimissile ainsi que l’achat d’hélicoptères multirôles et de sous-marins.
La Tchéquie vise quant à elle les 1,4 % de son PIB en 2020 contre 1 % aujourd’hui.
La Slovaquie souhaite remplacer ses Mig-29 russes par des JAS-39 Gripen suédois qui assureront avec les Gripen tchèques la défense commune des deux territoires. Comme quoi, il n’y a pas que les Américains qui peuvent vendre des armes dans les nouveaux pays de l’OTAN puisque les Suédois ont réussi à vendre leur avion de chasse à la Tchéquie, à la Slovaquie et à la Hongrie.
La Hongrie qui en octobre a annoncé qu’elle allait elle aussi augmenter son budget de la défense (0,9 % du PIB en 2013) et qu’elle allait accélérer la modernisation de son armée dont les équipements, hormis les avions Gripen et des missiles anti-aériens français Mistral, datent de l’époque soviétique.

La Roumanie voudrait bien elle aussi accroître ses dépenses militaires et y consacrer 1,5 % de son PIB (contre 1,3 % aujourd’hui) pour se sentir plus en sécurité face à la Russie. Il lui faut cependant obtenir l’accord de l’UE et du FMI en raison des 20 Mds € de prêts que lui ont accordés ces institutions. La Roumanie acquiert principalement des matériels d’occasion, comme les F-16 achetés aux Portugal et aux USA qui vont remplacer ses antiques Mig-21 soviétiques. La Roumanie accueille désormais une base du système antimissile américain. Bien entendu, contrairement à ce que prétend la Russie, ce ne sont pas les quelques dizaines d’intercepteurs installés qui pourraient altérer la capacité dissuasive des milliers de missiles nucléaires russes et ce bouclier antimissile est bien destiné à contrer des attaques limitées en provenance de pays comme l’Iran ou de fous d’Allah quelque part dans le monde musulman. Mais vu de Roumanie, c’est la garantie de la protection américaine puisque les USA ont désormais une base à défendre sur le territoire roumain. Et c’est pour la même raison que la Pologne, qui abrite depuis la crise ukrainienne une présence symbolique de quelques centaines de soldats américains, aurait elle aussi aimé accueillir des éléments du système de défense antimissile américain.
Comme la Roumanie, la Bulgarie veut acheter quelques F-16 d’occasion pour remplacer ses Mig-29 et Mig-21. Une décision qui a mis en fureur le vice-premier ministre russe Dmitri Rogozine, qui a traité les Bulgares de traîtres.

Voilà qui compensera donc aux Russes leurs difficultés économiques. Plusieurs sondages récents réalisés en Russie montrent à quel point la politique de Vladimir Poutine est populaire (80 % d’opinions favorables) et aussi à quel point les Russes sont aujourd’hui fiers de leur pays. Le président Poutine, pour qui la disparition de l’URSS a été une des plus grandes tragédies du XXe siècle et qui soutient militairement les gouvernements fantoches de « républiques populaires » arborant fièrement les symboles soviétiques, en Moldavie et en Ukraine, a donc réussi à redonner à son peuple son sentiment d’être une superpuissance crainte et respectée puisque les pays voisins en Europe se sentent obligés de réinvestir un peu dans leur armée. Avec la baisse des cours du pétrole et du gaz et la crise économique et financière qui s’ensuit, aggravée par les sanctions occidentales en réponse aux conquêtes territoriales russes, l’illusion d’une Union soviétique bis pourra être complète, d’autant plus que, comme à l’époque soviétique, la Russie a à se défendre contre un Occident impérialiste et décadent et contre des régimes fascistes et néonazis qui menacent ses frontières.

 

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L’illusion russe

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  • jejomau , 20 décembre 2014 @ 23 h 55 min

    Très bien. Comme ça, ils se rendront compte que l’ennemi vient du Sud et qu’il est tout autre, ces pays auront au moins la capacité de réagir.

    Ils remercieront alors l’ours russe…….. chrétien !

  • Tolosan , 21 décembre 2014 @ 0 h 01 min

    Le problème avec ce genre d’article, c’est qu’il n’est qu’une longue litanie d’affirmations en général non démontrées. Ce n’est que de la propagande pro-OTAN. L’auteur fait ce que l’on appelle une d’intoxication par les mots: il se saoule lui-même de ce qu’il écrit et finit par sombrer dans le délire incantatoire. C’est tellement à charge que cela en devient dérisoire, voire contre-productif. Il faut être plus subtil dans la propagande anti-russe. Essayons de réfléchir.
    Certes, les russes ne sont pas des saints. En Pologne, on va tout de suite vous parler de Katyn, de cette forêt où Staline fit abattre d’une balle dans la tête 20 ou 30 milles officiers polonais ! C’est terrible ! Oradour sur Glane est dépassé de plusieurs ordres de grandeur dans l’horreur. Le russe reste donc l’ennemi héréditaire pour les polonais, comme pour les lithuaniens, les lettons, etc… Ils se souviennent des histoires racontées le soir par leurs grands parents si bien que dans leurs têtes, ils sont encore en 1950! On peut donc comprendre la position de ces peuples suite au déclenchement de la guerre dans le Donbass.
    Mais est-ce que l’on peut pour autant confondre la Russie de Poutine en 2014 avec l’URSS de Staline en 1944? Est-ce qu’il y a encore des vagues d’arrestations massives et des déportations de millions de personnes en Sibérie ? Est-ce que vraiment la Russie va envahir l’Europe de l’Est ? Quel serait l’intérêt des russes à envahir la Pologne et les états baltes ? Déclencher une troisième guerre mondiale? Les russes ont déjà eu 30 millions de morts pendant la seconde. Et puis, il faudrait qu’ils trouvent des alliés, car seuls, ils ne peuvent pas gagner cette guerre ! Est-ce que des blocs antagonistes se sont déjà formés ?
    Donc, l’article écrit par Olivier Bault relève de l’hystérie à nous faire croire que les russes vont attaquer demain. On retrouve le même délire qu’aux USA sous Reagan quand Sting chantait: ” I hope the Russians love their children too”. Il faut rester prudent, mais la sagesse serait de discuter plutôt que de chercher à relancer la guerre froide et construire un nouveau rideau de fer.
    Enfin pour terminer, je voudrais que M. Bault, qui fait à l’évidence une fixation sur le danger russe, nous parle un peu du danger américain, des interventions militaires bien réelles des Etats-Unis depuis 30 ans, sous couvert de défendre la liberté, et des morts bien réels qu’elles ont induits à travers le monde. Combien de morts rien qu’en Irak par exemple ? 300.000? 400.000? Et les égorgements massifs actuels par l’état islamique en Syrie? Qui est responsable du chaos dans cette région du monde ? Alors est-ce vraiment les russes qui sont les plus dangereux pour la paix ?

  • Azerty , 21 décembre 2014 @ 0 h 04 min

    La thalassocratie mondialiste qui a su soumettre l’Europe occidentale et qui tente par tout moyen d’affaiblir l’Europe centrale et le monde slave en soutenant, d’une part, systématiquement les éléments culturellement étrangers bosniaques et albanais (des anciens européens allogénisés), et d’autre part, en oeuvrant à l’intégration de la Turquie dans l’Union Européenne pour briser définitivement toute homogénéité et toute tentative de reconstitution d’unité culturelle craint l’avènement d’une puissance tellurique de type chrétienne. Je ne dis pas que la Russie de Poutine est Orthodoxe comme le fut l’Empire Russe sous le Tsar mais elle est, aujourd’hui, la seule puissance en Europe qui se revendique du christianisme, et d’une vision géopolitique multipolaire ; les sots diront que la Russie est corrompue, que les moeurs y sont déréglées mais ce n’est pas en 15 ans qu’un pays se relève complètement de 74 ans de bolchévisme. L’important est que l’Etat Russe de Poutine crée un climat propre à favoriser la diffusion d’un ethos chrétien (orthodoxe en l’occurrence) et traditionnel dans la société afin de la transformer lentement. On remarquera que le monde, il n’y a plus aucune puissance authentiquement chrétienne. Dans tous les pays où a vécu et ou vit encore une majorité chrétienne et dans lesquels jadis l’Etat et l’autorité spirituelle gouvernaient en harmonie se sont vu imposer des régimes maçonniques permettant à des athées et des apostats en tout genre de détruire toutes les valeurs chrétiennes ; il est un fait notable que la franc-maçonnerie n’a jamais réellement essayé de pénétrer d’autres sociétés que les sociétés chrétiennes pour les corrompre de l’intérieur et y propager leur contre-religion humanitariste. La Russie représente donc l’espoir de création d’un pôle de résistance de type chrétien, aussi mince et fragile soit-il. En bref, nous assistons donc à une lutte économique, militaire mais également métaphysique dont certains qui, ayant pour seule motivation le maintien d’un confort matériel et d’une existence bourgeoise quasi végétale, ne mesurent pas la portée.

  • Azerty , 21 décembre 2014 @ 0 h 09 min

    M. Bault vit en Pologne. Peut-être a-t-il de la famille là-bas, ou peut-être est-il d’origine polonaise. Toujours est-il qu’il se sent l’obligation et le devoir de défendre les intérêts polonais, et ce, quitte à se placer de facto sous tutelle atlantiste. Dans ce cas, ce serait comme demander l’opinion à un Croate sur la Serbie.

  • Colargol , 21 décembre 2014 @ 1 h 12 min

    Ours russe chrétien ? J’y croirai le jour où les soldats russes défendront les villages chrétiens de Syrie. Pour le moment l’ours chrétien combat d’autres chrétiens en Ukraine.

  • Colargol , 21 décembre 2014 @ 1 h 19 min

    Vous savez la télé russe persuade le bon peuple qu’il est en 1941 et que les ukrainiens sont des nazis qui crucifient des enfants de 3 ans à Slaviansk.
    Dans ce cas,comment reprocher aux voisins de la Russie de faire une confusion regrettable entre Poutine et Staline, surtout quand les séparatistes du Donbass combattent sous l’égide de la facille et du marteau.
    http://img.over-blog.com/350×262/3/30/74/32/Yougo/Donbass/redflagdonbass.jpg

  • Colargol , 21 décembre 2014 @ 1 h 28 min

    ” La Russie représente donc l’espoir de création d’un pôle de résistance de type chrétien, aussi mince et fragile soit-il.” E
    En effet c’est plutôt mince et fragile comme vous dites: http://www.lecourrierderussie.com/2014/11/femmes-saint-petersbourg/

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