Mali : Une aventure coûteuse et inutile

Tribune libre de David Bescond

1. Une intervention dans l’urgence :

François Hollande a décidé d’engager les forces françaises au Mali à la demande du président Dioncounda Traoré. Notre président a eu raison de répondre positivement à cet appel. L’offensive des islamistes vers la capitale Bamako faisait peser une lourde menace sur nos ressortissants. L’armée malienne en pleine déroute, incapable d’offrir la moindre résistance aux rebelles, ne pouvait pas assurer leur sécurité ni leur évacuation. Il était donc indispensable de ralentir la progression des extrémistes musulmans vers le sud du pays. Notre aviation, profitant de l’effet de surprise, a permis de remplir cet objectif. Il devenait possible d’organiser en toute sécurité le rapatriement de nos ressortissants. Du moins pour ceux qui le souhaitaient.

2. L’engrenage :

Cependant, François Hollande a décidé d’aller plus loin en envoyant des milliers d’hommes sur le terrain en leur assignant trois objectifs :

– « Arrêter l’agression » des islamistes qui contrôle le nord du pays » ;

– « sécuriser Bamako où nous avons plusieurs milliers de ressortissants » ;

– « préserver l’intégrité territoriale du pays. »

Le dernier est le plus important car il entraîne la France dans un engrenage guerrier. « Préserver l’intégrité territoriale du pays », cela veut dire se lancer à la reconquête du nord qui a fait sécession depuis neuf mois. Cela veut dire faire la guerre aux troupes islamistes, les « détruire », pour reprendre la terminologie de notre président.

3. Les mirages européens et africains :

Pour rassurer l’opinion publique française, notre gouvernement comptait sur la participation de nos partenaires européens. Quelle déception ! Si ces derniers n’ont pas mégoté leur soutien verbal, leur participation effective à l’effort de guerre s’apparente à une aumône. Du côté africain cela n’est guère mieux. Ne pouvant s’appuyer sur une armée malienne dont la valeur au combat s’apparente au néant, François Hollande à sollicité l’aide des pays voisins afin qu’ils envoient rapidement des contingents militaires. Conformément à la résolution de l’ONU. Si plusieurs pays (Togo, Tchad, Burkina…) ont répondu favorablement à l’appel, l’acheminement de ces troupes risque de prendre du temps. Sans parler de leur coordination sur le terrain. Or comme l’a encore répété dimanche le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, si la France n’a pas vocation à rester éternellement au Mali, elle restera en première ligne jusqu’à l’intervention des forces africaines dans… quelques semaines. Nous verrons.

4. La grenouille française :

Mais la France de 2013 n’a plus les moyens militaires de ses ambitions. Le matériel est vieux, voir obsolète. Savez-vous qu’une partie de la chasse française n’est pas en état de voler ? Nos soldats pratiquent le “cannibalisme”, c’est-à-dire qu’ils prennent des pièces de rechange sur des appareils pour permettre aux autres de voler. Quant aux Gazelles, elles sont si vétustes que des soldats américains refuseraient de les piloter. Notre logistique, suite à l’effort qui consiste à projeter 2 500 hommes au Mali, est au bord de la rupture. Tout cela est la conséquence logique d’une politique régulière de réduction des crédits accordés à la Défense. Résultat : devant la casse méthodique de leur outil de travail, le moral des troupes est au plus bas. Et lorsqu’on sait que ce matériel usé sera soumis à rude épreuve sur un théâtre d’opérations aussi difficile que celui du Mali, la grenouille française ne sera pas loin de finir comme celle de la fable. N’est pas le bœuf américain qui veut.

“La guerre au Mali est un luxe que nous ne pouvons nous permettre.”

5. Évitement et mobilité, la stratégie des islamistes :

Évidemment, à l’époque de l’information numérique, les islamistes n’ignorent rien des faiblesses intrinsèques de l’armée française. Pas plus qu’ils n’ignorent qu’il est difficile pour un État démocratique en faillite de soutenir dans la durée un effort de guerre conséquent. Il n’est donc pas besoin d’être un expert en stratégie militaire pour deviner celle qu’ils vont privilégier. Elle sera double : l’évitement que permet un théâtre d’opérations aussi vaste que le Mali et la mobilité que leur confère leur véhicule, le célèbre pick-up, ainsi que les frontières poreuses des pays voisins. Éviter au maximum d’affronter l’armée française et ses supplétifs africains dans des batailles rangées pour lesquelles ils ne sont pas armés. Abandonner les villes qu’ils sont incapables de tenir pour lancer des embuscades notamment dans les montagnes à proximité de la ville de Kidal. Bref, harceler pour gagner du temps et gagner du temps pour harceler.

6. Conclusion :

Nous n’avons pas les moyens de nous payer cette guerre. Ni sur un plan militaire, ni sur un plan financier, ni sur un plan politique :

– Militairement parlant, nous allons bientôt avoir droit à des communiqués de victoire. Nul doute que les islamistes vont devoir battre en retraire et abandonner toutes les grandes villes. Nous aurons droit alors à des images de foules en liesses. Des journalistes serviles qui perdront tout sens critique. Mission accomplie ? Non. Car si la France se retire il ne faudra que quelques mois pour que les troupes islamistes reviennent en force faisant apparaître l’intervention française pour ce qu’elle est : une parenthèse coûteuse et inutile. Si la France reste, elle se retrouvera face à un ennemi insaisissable qui l’entraînera dans un conflit tout aussi coûteux et inutile et dont l’opinion publique française finira par se lasser.

– Financièrement parlant, il va devenir de plus en plus difficile de soutenir un effort de guerre aussi lourd. Plus important que celui en Libye, par exemple. L’obsolescence de notre matériel va s’aggraver, ce qui ne fera que grever davantage le budget de la Défense. Est-ce bien raisonnable dans la situation financière dramatique dans laquelle se trouve notre pays et alors qu’on ne cesse de demander des efforts à nos concitoyens. La guerre au Mali est un luxe que nous ne pouvons nous permettre.

– Politiquement, il n’y a pas plus versatile qu’une opinion publique en guerre. Les Français, qui sont aujourd’hui 65 % à approuver l’intervention militaire au Mali, vont vite se souvenir qu’ils n’ont pas élu François Hollande pour qu’il se perde dans les sables d’Afrique. La grave crise économique et morale que traverse notre pays va vite reprendre le dessus dans l’esprit des gens. Et les exemples sont nombreux dans l’histoire récente où des régimes vermoulus furent emportés à la suite d’une aventure militaire désastreuse (l’Argentine des militaires aux Malouines, l’URSS des communistes en Afghanistan, la Serbie de Milosevic au Kosovo). Et la Vème République est déjà si vermoulue…

Si il fallait intervenir au Mali pour organiser le rapatriement de nos ressortissants, se lancer dans une guerre lorsqu’on n’en a pas les moyens s’est s’exposer à un échec aux conséquences imprévisibles.

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21 Comments

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  • 0 / 10
  • Soriano , 22 janvier 2013 @ 17 h 14 min

    Et oui, les Africains sont en train de s’amuser à jouer au foot en Afrique du Sud, pendant ce temps nos soldats vont risquer leur vie pour aller nettoyer le Mali. Alors que la France est gangrénée on laisse faire, ça grouille de partout et peu à peu ces islamistes imposent leur loi. Le danger est bien réel et le Président continue à ignorer le raz de marée qui se prépare pour nos enfants c’est inévitable. Le président Bouteflika, terroriste dans l âme, se moque bien de la France et son naïf représentant, il est tout de même curieux que seuls des Algériens se soient sauvés de cette prise dotages, posons nous les bonnes questions, de qui se moque-t-on ?

  • Rednes , 22 janvier 2013 @ 18 h 43 min

    quand les français, enfin le peu qui reste, comprendrons t-ils que nous n’avons plus rien à faire en Afrique ni dans tous ces territoires qui nous saignent, nous appauvrissent au bénéfice des politiciens nous petit pays de 60 millions d’habitants !! ! !

  • Bill , 23 janvier 2013 @ 3 h 23 min

    C’est bien léger que d’écrire que c’est une guerre inutile .
    Il faudrait , quand même, un minimum d’expérience de ces pays-là, sinon c’est une discussion de café de commerce.
    Laisser le Mali envahi et jugulé par les Islamiques, c’était leur offrir tout le reste du continent avec d’incalculables conséquences. Les Africains ne comprenaient pas que l’on ne fasse rien ….. car nos traces en Afrique sont remarquables dans le coeur et l’esprit des gens … pas forcément des politiciens bien sûr.
    S’il est vrai que nous avons de gigantesques problèmes financiers et d’usure des matériels voire même des ressouces logistiques, il n’empêche que ces djiadistes-là en ont eux aussi. La population ne les aime pas (ils sont à l’origine de l’esclavagisme en Afrique ) et leur force de frappe est à base de Toyota infiniment vulnérables en terrain désertique, surtout lorsque l’on n’a pas maîtrise de l’air….. …. etc …. etc
    Certes il aurait mieux valu ne pas laisser tomber les alliés en Afganistan avec un an d’avance . et il aurait mieux valu ne pas se servir du budget de la Défense comme d’une variable d’ajustement;
    Certes Normal 1er va rouler les mécaniques mais les militaires qui s’intéressent en premier à l’avenir de notre pays, étaient prêts et ont bien du lui souffler quelque chose dans le creux de l”oreille.

    en Dir que Normal 1er en tirera vanitéc’est certain,

  • JSG , 23 janvier 2013 @ 7 h 01 min

    Et occupent les quartiers

  • delacourt , 24 janvier 2013 @ 13 h 09 min

    et pendant ce temps la les islamisques s’intallent bien tranquillement chez nous les cites les mosques les associatons musulmanes et bien d’autres
    moi je dis à la plkace de jouer au ballon qui prennent les armes pour defendre leurs pays mais pas laisser le soins de faire cela par les autres et les jeunes qui sont en france qui ont plus de 20 ans retournes dans leurs pays pour le defendre a la place dfe faire leurs cinema devant les ambassades
    les militaires francais seraient mieux à leurs place dans les cites que de risque leurs vies pour riens les habitants des cites n’auraient plus peur le soir comme les pompiers les medecins les policiers les commerçants seraient rassures de voir ces militaires fairent des patrouilles plutot qu’ils restent dans les casernes

  • Richard , 24 janvier 2013 @ 13 h 39 min

    Je suis d’accord avec M Delacourt, les jeunes feraient mieux d’aller défendre leurs pays, au lieu de rester planqués chez nous.Alors que les résidents vivant à l’étranger reçoivent régulièrement des messages de la part de leur ambassade de faire attention, et d’être vigilants, c’est eux qui vivent dans la crainte,Nous sommes vraiment sur une pente dangereuse.

  • Frédérique , 24 janvier 2013 @ 14 h 33 min

    @David Bescond “Juste pour information c’est au Niger et non au Mali que se trouvent les réserves d’uranium”

    Aujourdhui oui, mais demain?

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/mali/article/mali-mine-d-uranium-ce-scandale

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