Aubry part en Chine !

Une tribune de Thibault Doidy de Kerguelen*

Laurent Fabius court-circuite Nicole Bricq et nomme des missions commerciales dépendant directement du Quai d’Orsay. Parmi les premières, Martine Aubry sur la Chine

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius vient de confier à Martine Aubry une mission sur la Chine. À Jean-Pierre Raffarin une mission sur l’Algérie. À Louis Schweitzer, ancien patron de Renault et de la défunte Halde, une mission sur le Japon. Au secrétaire général du Quai d’Osay une mission sur les Émirats Arabes Unis. Ces nominations interviennent dans le cadre de la nouvelle « diplomatie économique » souhaitée par Laurent Fabius. L’annonce en a été faite le 28 août dernier lors de la conférence des ambassadeurs.

Deux observations concernant cette annonce. Tout d’abord, le ministre, dans ce même discours (3. XXe Conférence des ambassadeurs – Intervention du ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, au cours de la séance plénière «Diplomatie économique» – Paris, 28 août 2012, environ à la moitié de la page), énonce avec justesse ce qu’il appelle « l’affirmation spectaculaire des BRICS (Chine, Brésil, Inde, Russie, Afrique du Sud), désormais porteurs de la moitié de la croissance mondiale, et par le développement de nouveaux émergents », marchés sur lesquels la France n’est pas assez présente. Des pays cités et concernés, seule la Chine fait l’objet d’une mission ! La Chine où déjà 850 entreprises françaises sont présentes. Et les autres pays ? Aucun autre pays cité ne bénéficie d’une commission. Une mission au Japon, c’est sympa, mais le pays est en pleine crise récessionniste, pire qu’en Europe, et à part re-placer un ancien grand patron socialiste actuellement inoccupé, je ne vois pas bien l’intérêt. L’Algérie, pourquoi pas, mais les circuits économiques du pays sont tenus par la mafia politico-militaire du FLN. Y a-t-il besoin de nommer une mission pour négocier avec eux ? J’ai l’impression qu’il suffit d’arroser les comptes offshore des dirigeants ! De toutes les manières, cela finira comme cela. Non, sincèrement, je pense qu’il y avait plus urgent. Le Brésil, un marché fabuleux avec un gouvernement qui ne demande qu’à voir venir d’autres investisseurs que les Américains, l’Inde, la Russie sont de vrais potentiels de marchés en peine explosion et sur lesquels il serait judicieux d’imaginer une politique coordonnée de conquête commerciale. Probablement n’y-a-t-il pas de gens compétents proches du PS pour de telles destinations. D’ailleurs, et c’est l’objet de ma seconde réflexion, à qui est confiée cette mission sur la Chine ? À un industriel ? À Frank Riboud dont la société, Danone, est l’une des mieux implantées en Chine ? Ou à un des patrons ou des cadres export des 850 entreprises françaises implantées dans l’Empire du milieu ? Que nenni, la mission est confiée au maire de Lille, future ancienne Première secrétaire du PS. Si la compétence de Louis Schweitzer concernant le Japon, lui qui a négocié le rapprochement Nissan/Renault, peut être reconnue, celle de « Madame 35 heures » concernant la Chine, n’est probablement pas au niveau de celle des personnes sus-citées et qui travaillent sur ce marché depuis des années.

Alors, que pouvons nous dire ? Que l’intention est bonne, même si ce n’est probablement pas par le Quai (qui, soit dit en passant reconnait de facto sont manque de compétence puisqu’il ressent le besoin d’aller en chercher à l’extérieur de la maison) que quelque chose d’efficace verra le jour. Que ce n’est pas en nommant des politiques (tiens, d’ailleurs, connaissez-vous les avantages du statut des fonctionnaires internationaux dont ils vont bénéficier ? Joli de la part de ceux qui prêchent la « normalité » et pourfendent les vilains citoyens qui veulent se mettre à l’abri du fisc français en émigrant…) que nous ferons avancer les choses. Nous avons déjà des représentations permanentes dans ces pays par le biais des chambres de commerce. Elles ne font rien, à part collecter des infos et créer des bases de documentation. Faisons comme l’Italie dans les années 70-80 qui est allée à l’assaut de la Chine par le biais de missions mises en place dans les différents États de la Chine, payées par les entreprises. Ça, au moins c’est efficace. Libérons les énergies, redonnons aux instances professionnelles un vrai rôle d’acteurs. Mais en France, nous raisonnons toujours de manière centralisée, administrative et lourde (et aussi, hélas, en termes de copinages et d’avantages aux uns et autres). Notons enfin que Madame le ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, non seulement ne semblait pas au courant de la création de ces missions dont le pilotage lui échappe complètement, mais n’en fait nulle part mention et ne semble en rien associée à leur activité. Après ses déboires à l’Écologie où elle n’a fait qu’un aller-retour avant d’être débarquée pour une sombre histoire de permis de forage en Guyane, voilà qu’elle avale maintenant la couleuvre Fabius au commerce extérieur ! Nicole Bricq a beau avoir la réputation d’être un bon petit soldat bien discipliné, elle risque tout de même d’en avoir un peu marre…

Enfin, tout cela ne résoudra pas notre déficit commercial (35 milliards d’euros au premier semestre 2012 !) quand nos voisins germains prévoient un excédent record de 210 milliards d’euros sur l’année 2012 (plus que la Chine !)…

*Thibault Doidy de Kerguelen est l’expert fiscaliste des Nouvelles de France. Il anime le site MaVieMonArgent.info.

Photo : Martine Aubry lors d’un meeting de François Hollande à Lille, le 17 avril 2012.

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10 Comments

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  • 0 / 10
  • Robert , 1 septembre 2012 @ 21 h 18 min

    Si ils pouvaient seulement la garder.
    En col Mao, elle ferait fureur. Et pour ce qui est de la corruption et du clientélisme, ils savent y faire les chinois.
    Par contre, quand on se fait prendre, alors là c’est tout de suite moins drôle.

  • xanpur , 6 septembre 2012 @ 22 h 12 min

    On pourrait peut être la denoncer aupres du conseil de sécurité du comité central du parti communiste chinois pour espionnage .
    Avec un peu de chance, ils la (…)

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