À gauche de la gauche le torchon brûle

Ces jours-ci les bureaucraties syndicales, pourtant rivales, tentent de s’accorder, ou de faire semblant. Prudemment elles se préparent à combattre la réforme de la SNCF et la procédure des ordonnances de l’article 38 de la constitution.

Au même moment, seuls alliés dont disposent dans cette bataille les forces syndicales, les appareils politiques de la gauche radicale se déchirent, de plus en plus ouvertement.

Le 26 février Mélenchon se plaignait ainsi : “Tant de monde se bouscule au portillon pour nous salir !”. Et d’attaquer avec virulence, et en premier lieu, les médias. Contre eux la haine est “juste et saine” dit-il. Mais il rejette aussi ce qu’il appelle les “chapelles de la toute petite gôche”.

Quelques jours auparavant le secrétaire national du Parti communiste Pierre Laurent avait pourtant renouvelé son appel à une “démarche unitaire permanente” entre les mouvements de gauche.

La convergence des luttes ne vient donc pas encore à l’ordre du jour. Bien qu’en désaccord avec la politique de Macron, les partis de gauche ne parviennent pas à s’entendre. Entre la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, le Parti communiste de Pierre Laurent ou encore le mouvement ridiculement baptisé Génération-s par Benoît Hamon, les forces, ou ce qu’il en reste, apparaissent plus divisées que jamais.

Interrogé sur cette division, le secrétaire général du PCF a d’abord dénoncé le comportement adopté par la France insoumise, qui fait cavalier seul. “On avait inventé une assez bonne formule au début avec le Front de gauche qui faisait cohabiter des forces diverses dans un projet commun. Cette formule a été cassée par La France insoumise”, a rappelé Pierre Laurent.

Dès juin 2017, au lendemain des élections, le Parti communiste avait refusé de partager un même groupe avec La France insoumise à l’Assemblée nationale. Cette alliance aurait pourtant réuni au Palais Bourbon la “gauche antilibérale” – les marxistes. Son échec marqua la rupture entre les deux formations.

Le 15 février, Benoît Hamon avait quand même lancé un appel à Mélenchon en vue d’une alliance pour les élections européennes de 2019. Et Mélenchon lui a répondu sur Twitter. À le lire on les croirait presque d’accord. “À Nanterre, gazouille-t-il, Hamon se dit près à l’alliance avec les Insoumis… Une évolution positive et prometteuse”.

Mais en réalité les projets européens respectifs de Génération.s et de la France Insoumise sont très différents. Au Frexit de l’un répond le fédéralisme assumé de l’autre.

Le chef de La France insoumise assume au bout du compte une stratégie d’isolement. Il reste marqué par sa formation de militant trotskiste au sein de la secte lambertiste.

Le texte tant soit peu agressif de son blog du 26 février a été rédigé en Guyane. Il y soutient Davy Rimane, figure de l’agitation dure de ce département d’Outre-Mer en mars 2017, membre du collectif “Pou Lagwiyann dékolé” et qui avec plus de 20 % des voix était arrivé second aux législatives.

Mais Mélenchon doit faire face à d’autres sujets d’aigreur. Le Média, cette ambitieuse webTV fondée par ses amis Sophie Chikirou et Gérard Miller, subit une crise très grave. Celle-ci est occasionnée par le licenciement de la présentatrice du journal télévisé, et par le refus de diffuser des images des raids du régime syrien sur la Ghouta orientale, le tout entraînant une chute libre de l’audience. Le vieux crocodile Noël Mamère, avait rejoint Le Média ; il a décidé de le quitter.

Les enquêtes menées sur le financement de la campagne présidentielle de La France insoumise n’arrangent rien. Tout a commencé lorsque le vérificateur des comptes de Mélenchon, a claqué la porte de la Commission nationale pour des soupçons de surfacturation.

Enfin la députée Clémentine Autain a trouvé le moment opportun au sein de son groupe pour remettre en cause la stratégie du chef de La France insoumise dirigé à l’Assemblée par Mélenchon. Le partenaire préféré de la camarade Autain reste le PCF avec lequel “la discussion stratégique doit être menée clairement sans humilier ou mépriser”. De son côté, le porte-parole d’Europe Écologie-Les Verts, Julien Bayou, regrette la “stratégie d’hégémonie,” de Mélenchon qu’il juge “très socialiste”. Avec les écolos, le fossé se creuse sur l’Europe, EELV tendant sur ce terrain de se rapprocher de Benoît Hamon. “Mélenchon fait le vide autour de lui”.

Devons-nous nous en plaindre ?

> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.

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