L’exposé de Fabrice Sorlin sur la famille et l’Europe

DSC_0179

Chers amis,

C’est toujours un honneur pour moi de revenir parler à Tbilissi, chez mes amis Géorgiens.

« Culture de vie et culture de mort » : le thème de cette session n’a probablement jamais été autant d’actualité qu’en ce moment.

Dans un monde de plus en plus globalisé et homogénéisé, où la diversité de pensée et la contradiction n’ont plus de places, les paradigmes politiques sont en pleine mutation.

Pour comprendre ces mutations, je vous propose de revenir dans un premier temps sur les fondements idéologiques de l’Union Européenne, ce qui nous permettra d’aborder en seconde partie les conséquences de ces idéologies sur la politique familiale au sein de l’Union Européenne, et en final de nous attarder un peu sur les raisons que nous avons d’espérer aujourd’hui.

Quels sont les fondements idéologiques de l’Union Européenne ?

L’Union Européenne comme chacun sait, a germé dans l’esprit de ses fondateurs après la deuxième guerre mondiale, avec comme objectif principal de préserver la paix sur le continent européen. Si un tel but est bien évidemment louable, le constat qui a été fait en amont, pose lui un réel problème.

La philosophe Hanna Arendt, au début du XX° siècle, a qualifié l’idéologie « comme un mode de manipulation de la pensée des individus, consistant à réduire celle-ci à la logique d’une seule idée ». Pour elle, gouverner à partir d’une idée trop simple devient dangeureux à partir du moment où l’on fonde sa politique dessus. Car cette idée nécessairement « vraie », devient une idée fixe, un but à atteindre, à tel point qu’il peut même justifier l’usage de la terreur.

Le meilleur exemple que nous pourrions citer est celui du Bolchévisme dont le postulat de départ était pourtant si simple : la propriété aliène les hommes, il faut donc la supprimer. Toutes les décisions prises ensuite, l’ont été à partir de ce point de départ erroné. Et toutes ces décisions sont allées à contre-sens de la réalité la plus criante et du bon sens le plus élémentaire. Les conséquences, nous les connaissons, des dizaines de millions de personnes en ont payé le prix fort.

En pointant l’Etat-Nation comme étant le seul responsable de deux conflits mondiaux les partisans de cette Union Européenne ont cherché eux aussi à détruire cette cause soi-disant mauvaise, pensant ainsi préserver la paix perpétuelle.

Mais comment des nations multiséculaires, dotées d’une langue et d’une histoire propres, d’une culture et d’une identité fortes ont-elles pu s’effacer au profit d’une Europe supranationale ?

C’est la dénaturation lente mais progressive des personnes qui se sont mutées en individus qui a permis un tel changement.

Car la personne s’oppose à l’individu. En effet, ce qui fonde notre personne, c’est d’être en relation avec Dieu, en relation avec les uns et les autres, et en relation avec le monde créé. Ce qui fonde l’individu en revanche, ce sont le consumérisme et le matérialisme qui entraînent le repli sur soi. Comme l’a dit le philosophe français Emmanuel Mounier, l’individualisme produit un homme « sans attache ni communauté naturelle, tournant d’abord vers autrui la méfiance, le calcul et la revendication ».

S’il est intrinsèque à la personne d’être attachée à sa famille, à sa terre, à son pays, il n’en est évidemment pas de même pour l’individu, qui cherchera avant tout le confort et la jouissance. Peu importe donc où cela se trouve, dans son propre pays ou ailleurs à l’étranger. Les frontières n’ont alors plus lieu d’exister entre les pays.

Mais comment donc cette dénaturation s’est-elle opérée ?

La réponse se trouve en partie dans les pages les moins glorieuses de l’histoire de France.

Comme nous l’avons dit plus haut, chaque personne est intrinsèquement d’abord liée à Dieu, aux autres ensuite, et prioritairement à sa famille.

La destruction de la religion et de la famille a coupé la personne de ses racines, de sa substance même, et l’a ainsi rendu vulnérable et fragile.

Or, c’est en 1789, pendant la révolution française et quelques années plus tard en 1793 au moment de la terreur, que la haine anti-chrétienne s’est propagée d’abord en France puis dans l’Europe entière par des fanatiques idéologisés. Les relations qui unissaient les hommes entre eux, auparavant dictées par les valeurs de charité fraternelle, d’amour du prochain et de pardon mutuel ont disparu progressivement en même temps que disparaissait la Chrétienté. La négation de la transcendance des êtres humains a eu pour conséquence de cesser de rendre les hommes égaux devant Dieu. Et les hommes ont ensuite cessé d’être égaux entre eux.

Plus récemment, c’est lors de la révolution de Mai 1968 que la famille, cellule de base de la société a été le plus violemment attaquée. Les slogans scandés par des étudiants exaltés résument à eux seuls cet épisode tragique : « il est interdit d’interdir », « vivre sans temps mort et jouir sans entrave » ou encore « un monde sans règle, une liberté sans limite, un monde sans entrave ».

Regardons maintenant quelles sont les conséquences de ces idéologies sur la politique familiale de cette même Europe.

Les héritiers idéologiques des révolutions de 1789 et de 1968, qui ont porté un coup fatal à la religion et à la morale en Europe, sont ceux qui majoritairement aujourd’hui votent les lois à Bruxelles.

Les élites européennes ainsi idéologisées et auto investies d’une mission sacrée qui consiste à supprimer les États-Nation, au nom de la paix et du bonheur des peuples, agissent bien souvent malgré lui ou même contre lui, et presque toujours sans lui.

L’union Européenne impose des lois aux peuples européens sans même les consulter.

Ainsi, dans sa volonté farouche de détruire les familles pour les remplacer par des individus déracinés et consuméristes, elle impose partout où elle le peut les idéologies LGBT, modèle d’individualisme et de matérialisme.

C’est pourquoi, elle intègre systématiquement le droit de ces homosexuels aux conditions demandées pour rentrer en son sein.

Les Croates gardent ainsi l’amer souvenir de 2002, année où leur fut imposé l’organisation de la première Gay-Pride de leur histoire, afin de pouvoir présenter leur demande d’adhésion à l’Union Européenne l’année suivante.

Plus récemment en Serbie, une des premières exigences imposées par l’Union Européenne pour entamer les pourparlers d’entrée dans l’UE concernait le droit des homosexuels.

Enfin, sur les barricades encore fumantes d’une Ukraine déchirée, la première demande de la délégation de l’Union Européenne a été de rappeler aux autorités ukrainiennes, leur obligation d’adopter une législation anti-discrimination en raison de l’orientation sexuelle.

Comme toutes les idéologies, sa mise en place forcée suit un mode opératoire quasi identique à chaque fois.

Ainsi en France, une loi anti-discrimination a été promulguée en 2004. Cette année là, une autorité administrative soi-disant « indépendante » est créée, dénommée Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité. Elle sera compétente pour connaître et dénoncer toutes les discriminations directes ou indirectes, prohibées par la loi. Sous couvert de protection des minorités homosexuelles, c’est en réalité une arme efficace et redoutable dont se sont dotés les lobbies homosexuels. Il devient aujourd’hui impossible en France et dans tous les pays qui adoptent cette loi, de s’opposer à la promotion de l’homosexualité, ou aux revendications des lobbies, sans être taxé d’homophobe, et de tomber sous le coup de la loi, libérant ainsi la voie à toutes les revendications possibles.

Alors me direz-vous qu’en est-il de l’Union européenne et de ces raisons d’espérer dont je vous parlais tout à l’heure ?

Elles viennent d’un constat simple : l’Union Européenne se meurt.

Elle se meurt tout d’abord au niveau identitaire. Car cette Europe supranationale, qui a imposé une culture de mort à tous ses membres depuis des décennies, a scié la branche sur laquelle elle était assise. En maltraitant les familles et le droit à naître des enfants innocents, au profit des homosexuels et de l’individualisme, elle a vu sa démographie lourdement chuter ces dernières années. Les forces vives ne sont plus, et sont remplacées par une population vieillissante et de plus en plus égoïste. Les tentatives complètement folles de combler ce déficit par l’ouverture des frontières à une immigration non contrôlée, entraînent de nombreux incidents et le fort mécontentement des peuples européens qui cherchent chaque jour d’avantage le retour aux États-Nation, derniers refuges dans la tempête.

Elle se meurt ensuite au niveau économique. Elle ne tient que sous respiration artificielle depuis des années et notamment depuis les crises grecques et chypriotes. Malgré tous les efforts entrepris, la défiance est telle, que de nombreux peuples aspirent maintenant à en sortir.

Elle se meurt enfin au niveau politique. L’idéologie par essence ayant horreur des contradictions, les élites européennes ont voté des multiples lois coercitives et liberticides, comme nous l’avons montré plus haut en ce qui concerne les attaques contre les familles. Ces lois ont fini par imposer dans l’Union Européenne une chape de plomb si pesante, que plus personne n’ose sortir du rang. Y compris les politiques eux mêmes qui se sont fait piéger à leurs propres règles.

Les clivages qui opposaient traditionnellement les différents courants politiques en Europe sur les grands thèmes que sont l’économie, la politique intérieure ou la politique internationale n’existent quasiment plus. Les cartes sont brouillées et les peuples sont politiquement orphelins. Livrés à eux-mêmes par une élite qui n’inspire plus confiance, les peuples européens s’en retournent aux choses simples, celles qui régissent la vie quotidienne, aux principes fondamentaux intangibles, à savoir la vie et la famille. C’est ainsi qu’en dormition depuis des décennies, les valeurs traditionnelles sont en train d’émerger à nouveau, et en passe de s’imposer comme le fondement même du renouveau politique qui se dessine.

Cette forte poussée des peuples vers un retour aux valeurs traditionnelles incite des politiques de plus en plus nombreux à avoir le courage d’affirmer tout haut ce qu’aucun n‘osait penser tout bas il y a encore quelques années. Des victoires se dessinent ça et là en Europe lorsque le peuple est directement sollicité lors de référendums populaires ou de suffrages universels. Certes, le chantier reste gigantesque mais nous savons que l’Union Européenne en tant que construction idéologique ne cherche pas la preuve du bien fondé dans le bon fonctionnement mais dans une fuite en avant. En avançant à marche forcée contre l’avis des peuples, elle continuera à commettre de nombreuses erreurs et alors, tel le colosse au pied d’argile, elle finira par s’écrouler à terre, libérant ainsi des peuples déjà mûrs pour reconstruire une Europe soucieuse des familles et des nations.

Merci pour votre attention.

Related Articles

2 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Lethu , 2 juin 2016 @ 13 h 05 min

    Merci pour ce très bel article. Les arguments sont clairs et les mots simples. Je vous remercie de votre intelligence qui n’a pas besoin de grands mots pour briller (sans être comprise) ni de longueurs (lassantes).

  • Droal , 2 juin 2016 @ 20 h 46 min

    Il y a une énorme différence entre l’€urope fondée sur l’€…et l’Europe fondée sur 20 siècles d’histoire, c’est-à-dire sur la mémoire de chaque peuple européens constitués en Etats nations a l’issue de ces 2000 années.

    L’Europe de De Gaulle en 4 idées directrices :
    (pages 61, 62, 63, 64 du vol. I de « C’était de Gaulle », d’Alain Peyrefitte)

    Je suis reçu par le Général le 27 janvier 1960. Il me déclare tout de suite, avec de la tristesse dans la voix :

    « Voyez-vous, il n’y a pas beaucoup de véritables Européens. Je me demande quelquefois si je ne suis pas le seul. Il y a des gens qui cherchent des places et des avantages.

    « Il y a Luns (Ministre des Affaires étrangères néerlandais), qui veut faire l’Europe, à condition qu’il y soit le cheval de Troie des Anglo-Saxons. Il y a Spaak (Ministre des Affaires étrangères belge), qui essaie de contenir les forces centrifuges de la Belgique en l’entourant d’un bunker européen. Il y a Adenauer, qui préférerait éviter que l’Allemagne se réunifie, en intégrant l’Allemagne de l’Ouest à l’Europe occidentale et en renvoyant aux calendes la possibilité d’un accord avec l’Allemagne de l’Est. Pour ces deux là, l’Europe, ça serait commode : vous pensez, ça empêcherait l’éclatement de la Belgique et l’unification de l’Allemagne. Il y a Pflimlin, qui veut favoriser la position de Strasbourg pour le siège, au détriment de Paris, que tout le monde sauf lui trouverait plus pratique. Tous, ils ne veulent de l’Europe que parce que ça arrange leurs petites affaires. Moi, je veux l’Europe pour qu’elle soit européenne, c’est-à-dire qu’elle ne soit pas américaine.

    AP. – Vous vous êtes toujours fait une certaine idée de la France : vous êtes-vous toujours fait, de même, une certaine idée de l’Europe ?

    GdG. – Je n’ai pas attendu que les illuminés de la Haye (En 1948, un congrès à la Haye avait donné naissance au Mouvement européen. Les plus importants des hommes politiques des démocraties occidentales s’y étaient réunis. La majorité des parlementaires, dans les pays concernés, adoptèrent avec enthousiasme le credo de La Haye) aient découvert qu’il y avait une Europe et qu’elle pouvait et devait s’organiser. Reprenez mes textes d’avant-guerre, de la guerre et de l’après-guerre, vous constaterez que j’ai toujours préconisé l’union de l’Europe. Je veux dire l’union des États européens. Lisez ce que j’en dis depuis plus d’un quart de siècle – il y aurait peut-être avantage, d’ailleurs à regrouper ces textes. Je n’ai pas varié. Je souhaite l’Europe, mais l’Europe des réalités ! C’est-à-dire celle des nations – et des États, qui peuvent seuls répondre des nations.

    AP. – Si vous ne voulez pas d’une Europe intégrée et supranationale, comment voyez-vous pratiquement l’union européenne ?

    GdG – Les lignes directrices sont claires comme le jour. Pour les détails, nous nous verrons une autre fois, quand j’aurais plus de temps ; voici le principal.

    « La première idée, c’est qu’il faut que l’Europe occidentale s’organise, autrement dit que ses États se rapprochent, d’Amsterdam à la Sicile, de Brest à Berlin, de façon à former un noyau capable d’attirer les autres et de faire contrepoids aux deux mastodontes, les États-Unis et la Russie. Tant que nos pays restent dispersés, ils sont une proie facile pour les Russes, comme les trois Curiaces face à Horace ; sauf si les Américains les protègent. Ils ont donc le choix entre devenir des colonies russes, ou des protectorats américains. Ils ont préféré la seconde solution et on comprend qu’elle ait d’abord prévalu. Mais ça ne pourra pas durer éternellement. Il est donc urgent qu’ils s’unissent pour échapper à cette alternative. Il faut commencer par ces cinq ou six pays, qui peuvent former le noyau dur ; mais sans rien entreprendre qui puisse barrer la route aux autres, l’Espagne ? Le Portugal ? L’Angleterre si elle arrive à se détacher du Commonwealth et des États-Unis, un jour la Scandinavie, et pourquoi pas la Pologne et les autres satellites quand le rideau de fer finira par se lever.

    « La deuxième ligne directrice, c’est que l’Europe se fera ou ne se fera pas, selon que la France et l’Allemagne se réconcilieront ou non. C’est peut-être fait au niveau des dirigeants ; ce n’est pas fait en profondeur. Il n’y aura pas de construction européenne si l’entente de ces deux peuples n’en est pas la clef de voûte. C’est la France qui doit faire le premier geste, car c’est elle, en Europe occidentale qui a le plus souffert.

    AP. – Les Pays-Bas, la Belgique, la Grande-Bretagne, ont souffert aussi…

    CdG. – Ce n’est pas pareil. La France a souffert plus que les autres, parce qu’elle est le seul pays dont le gouvernement légal ait collaboré avec l’ennemi. D’autres ont été occupés, d’autres ont subi des privations ou des exactions. Mais aucun autre n’a vu ses dirigeants vendre son âme. Les peuple hollandais, belge, etc., regardaient vers Londres, où leurs gouvernements s’étaient exilés. C’est là que s’étaient transportés leur légitimité et leurs espoirs. Ils ne doutaient pas de la voie à suivre. Ils n’étaient pas divisés en profondeur. Le mal qu’a fait Vichy, c’est de vouloir faire croire aux Français que la France allait s’en tirer en collaborant, et même qu’elle avait intérêt à la victoire de l’Allemagne.

    « Voilà pourquoi la France a souffert plus que les autres : parce qu’elle a été plus trahie que les autres. Voilà pourquoi elle est seule à pouvoir faire le geste du pardon. L’Allemagne est un grand peuple qui a triomphé, puis qui a été écrasé. La France est un grand peuple qui a été écrasé, puis a été associé au triomphe. Il n’y a que moi qui puisse réconcilier la France et l’Allemagne, puisqu’il n’y a que moi qui puisse relever l’Allemagne de sa déchéance.»

    (« Grand peuple ! » Je songe au récit que m’a fait Jean Laloy, mon aîné du Quai d’Orsay, qui accompagnait, à la fin de 1944, en qualité d’interprète, de Gaulle en URSS. Les autorités soviétiques lui faisaient visiter le champ de bataille de Stalingrad. Le Général regardait au loin les ruines encore intactes. Il laissa échapper : « Quel grand peuple ! » Laloy traduisit aussitôt aux accompagnateurs soviétiques, qui manifestèrent leur satisfaction. Le Général précisa alors : « Je parle des Allemands. »)

    Le Général reprend : « La troisième idée directrice, c’est que chaque peuple est différent des autres, incomparable, inaltérable. Il doit rester lui-même, tel que son histoire et sa culture l’on fait, avec ses souvenirs, ses croyances, ses légendes, sa foi, sa volonté de bâtir son avenir. Si vous voulez que des nations s’unissent, ne cherchez pas à les intégrer comme on intègre des marrons dans une purée de marrons. Il faut respecter leur personnalité. Il faut les rapprocher, leur apprendre à vivre ensemble, amener leurs gouvernants légitimes à se concerter, et, un jour, à se confédérer, c’est-à-dire à mettre en commun certaines compétences, tout en restant indépendants pour tout le reste. C’est comme ça qu’on fera l’Europe. On ne fera pas autrement.

    « La quatrième idée, c’est que cette Europe-là prendra naissance le jour où ses peuples, dans leurs profondeurs, décideront d’y adhérer. Il ne suffira pas que des parlementaires votent une ratification. Il faudra des référendums populaires, de préférence le même jour dans tous les pays concernés. »

Comments are closed.