L’iconoclasme contemporain : réponse aux abbés Grosjean et Carriot, aux dames Boutin et Picard

par Côme Prévigny* pour Nouvelles de France

Le monde catholique français est en émoi. Sa frange conservatrice s’est courageusement levée pour s’opposer cette année à des œuvres qui mettaient à mal l’image de Jésus Christ, le Fils de Dieu. Dès le printemps, 90 000 personnes avaient signé une pétition contre le Piss Christ de Serrano.

La deuxième vague d’indignation a été plus expressive encore que la première. Protestation plusieurs soirs de suite, arrestations par centaines, manifestation de 5 000 personnes, communiqué sans ambigüité de l’évêque de Vannes, soutien écrit de plusieurs de ses confrères dans l’épiscopat ont donné une grande visibilité à l’événement. Les interventions de deux prêtres, l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, du diocèse de Versailles, et l’abbé Amaury Cariot, du diocèse de Pontoise, celle de l’ancienne ministre Christine Boutin ainsi que celle de la chroniqueuse de Riposte laïque, Myriam Picard, ont toutefois interrompu un instant l’unanimité du monde chrétien. Pour eux, la pièce de Romeo Castellucci présentant le visage du Christ dégoulinant d’excrément avant de devenir la cible de grenades lancées par des enfants ne serait que l’expression de la déchéance du Christ souffrant la Passion. Une « grande baffe dans la gueule », a affirmé avec beaucoup de lyrisme Myriam Picard.

Ce qui paraît étonnant cependant, c’est que l’abbé Grosjean qui admet cette interprétation pour la pièce de Castellucci la refuse obstinément au Piss Christ de Serrano, ce crucifix plongé dans un vase d’urine qui avait pourtant été compris de la même façon par une religieuse aventurière, persuadée d’y avoir décelé les outrages infligés au Fils de Dieu. Dans l’une et l’autre de ces deux « œuvres », aux dires de leurs auteurs, l’interprétation reste ouverte.

Ce qui pose certainement le premier grave problème, c’est que la clef d’interprétation ne va pas de soi. Nous ne sommes pas là dans un film historique présentant explicitement le sac de Rome comme un méfait, au cours duquel on ferait jouer des destructeurs d’icônes – brisant de leurs épées les autels, les statues et les crucifix,- clairement dénoncés comme des païens ou des apostats. Rien de tel ici. Les interrogations demeurent. Serrano plonge la croix dans son urine et laisse scandaleusement planer le doute. Castellucci fait dégouliner la sécrétion fécale de son acteur sur le visage de Jésus Christ et il confond indignement le spectateur dans ses divagations. Ces productions sont peut-être pires que des pièces qui afficheraient clairement leur antichristianisme dans la mesure où elles entretiennent le doute et qu’elles endorment lentement les consciences qui se rassurent par une interprétation minimaliste, celles des PP. Grosjean et Cariot ou des dames Boutin et Picard, qui se retrouvent soudainement aux côtés des pires anticléricaux à vanter les mérites d’une telle pièce ! 

Aujourd’hui, on défèque sur Jésus Christ, demain on vomira sur son vicaire et on dénudera la Vierge Marie.

Le deuxième grand problème, c’est que l’image du Christ est ridiculisée, ce que n’étaient pas forcés de réaliser ces faiseurs d’art qui auraient pu recourir à une multitude de moyens non provocants. Il y a là une nette profanation de l’image du Fils de Dieu, c’est-à-dire une violation de son caractère sacré dans le sens où ce qu’il y a de plus saint est juxtaposé à ce qu’il y a de plus vil, de plus ridicule. Certes, nos contemporains, habitués à faire de Jésus un « pote » sur le dos duquel ont peut taper pour lui faire avaler toute la turpide de la société, ont déjà désacralisé depuis longtemps le concept divin. On est loin de la Tradition chrétienne, celle des jubés manifestant la sacralité du chœur où réside réellement le corps du Christ. On est loin de l’iconostase orientale qui sépare résolument l’autel de Dieu du monde profane. Serrano et Castellucci, au nom de leur liberté créatrice sans limite, saisissent leurs gourdins et brisent tout de go et la barrière de communion, et le jubé et l’iconostase. Pire, ils semblent planter l’autel au-dessus des vide-ordures et des caniveaux.

On vous dira que la divinité du Christ a pourtant côtoyé les attributs du plus humiliant des supplices, qu’il n’y a là qu’une figure artistique du sacrifice rédempteur. L’urine de Serrano, l’excrément de Castellucci ne seraient que les représentations imagées des clous de la crucifixion et des verges de la flagellation. Sauf que l’urine et l’excrément ne blessent pas, ils ridiculisent. Quand on voit un homme transpercé par une arme – une lance ou un revolver – on fronce les sourcils de douleur car on a attenté à sa vie. Quand on voit un homme couvert de sécrétions – salivaires, biliaires ou fécales – on se gausse car il se détériore lui-même. Ne pas faire cette différence, c’est avoir l’esprit particulièrement obscurci.

Dès lors, sans clef de lecture, ces productions ne parviennent qu’à dangereusement banaliser la dérision de l’image de Dieu aux yeux de nos contemporains qui, par les jeux de reproductions des affiches publicitaires et des vidéos, s’habituent à ces honteuses parodies. Aujourd’hui, on défèque sur Jésus Christ, demain on vomira sur son vicaire et on dénudera la Vierge Marie.

Serrano, Castellucci et demain Garcia, financés par les sphères anticléricales, jouent sur la liberté artistique, cette zone de non-droit qui offre toute latitude pour exercer la première phase d’un antichristianisme ouvert, déjà latent. Craignant d’avoir à se confronter publiquement à cette ambiance délétère dont ces « artistes » ne sont que le bras culturel, des Chrétiens, soucieux de se rassurer, se laisseront à chaque fois prendre au piège de ces nouveaux iconoclastes. Ne nous y trompons pas. Aujourd’hui, en France, on détruit l’image de Dieu. Elle était vénérée et honorée aux croisées de nos routes, au cœur de nos villages. Elle est désormais moquée et désacralisée sur les affiches des rues et dans les temples de la « culture » contemporaine.

*Côme Prévigny est agrégé de l’Université et membre de l’Institut Civitas.

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12 Comments

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  • Jean-Pierre , 1 novembre 2011 @ 11 h 17 min

    Excellente et magistrale analyse qui va clore le bec aux diviseurs (tout miel avec les ennemis antichrétiens, tout fiel avec les amis catholiques), certes peu nombreux face à la mobilisation, mais particulièrement nuisibles. Non seulement ils n’ont pas compris la “clef de lecture” des “oeuvres” incriminées mais leur intervention inopportune a pour but de semer la diversion et de piéger les catholiques par une dialectique bien rôdée d’enfumage. C’est pourquoi ce texte est précieux par son réalisme et son bon sens. N’oublions pas non plus les images, visionner les videos est indispensable pour savoir ce qu’il se passe réellement : tous les soirs à Paris, on répand de la merde sur le visage du Christ ! Les faits sont têtus.

  • Komdab , 1 novembre 2011 @ 11 h 40 min
  • Arnold , 1 novembre 2011 @ 14 h 40 min

    Bof ! votre texte par de fausses allégations (les abbés et Myriam vanteraient les mérites de la pièce) en passant par des appréciations totalement personnelles (sur la sacralité ou le ridicule) pour arriver à des prédictions (vomir sur le vicaire du Christ) qui vous avez largement réalisées à ce jour ! Il suffit de vous lire sur LPL pour voir vos vomissures sur le Pape car, sans aller plus loin que vos sentiments et surtout sans lire ce qu’il dit vraiment, vous nous assénez vos critiques virulentes sur ses actions, ses propos et son ministère…
    Peut-être allez-vous vous rendre compte qu’en méprisant l’autorité et en affichant un magistère supérieur à celui du vicaire du Christ, vous avez depuis longtemps engagé la désacralisation que vous dénoncez désormais… N’est-ce pas vous qui avez commencé en définitive ?…

  • Polydamas , 1 novembre 2011 @ 14 h 56 min

    “Quand on voit un homme couvert de sécrétions – salivaires, biliaires ou fécales – on se gausse car il se détériore lui-même. Ne pas faire cette différence, c’est avoir l’esprit particulièrement obscurci.”

    Tu sais comme moi que c’est cette motivation qui est l’argumentaire principal des pro-euthanasie qui considère qu’un être n’est plus digne lorsqu’il se “fait” sur lui. Or, on sait bien que la dignité d’un être humain ne dépend ni de ça, ni des avanies qu’il subit, même si ce sont les pires qui soient. Tout du moins pour les personnes ayant un petit peu de cœur. Que ce soit le langage par lequel on se moque, on vilipende, on injurie, bien sûr, c’est tout à fait évident, mais seuls des gens sans cœur peuvent être réceptifs à ce type de discours. Donc l’ambigüité est là et bien là, puisque chacun lira la pièce en fonction de son cœur. Mettre le Christ face à un malade incontinent en soins palliatifs ne me semble pas choquant si le blasphème recouvre un appel à l’aide, comme c’est souvent le cas avec les blasphèmes. Pour rappel, on peut prendre l’exemple de Job, qui, dans la souffrance, lance des imprécations sans fin à Dieu, avant d’être calmé par Lui et rétabli dans ses droits. Ce sont les deux dimensions du blasphème : l’injure et l’appel à l’aide au fond du fond de la souffrance.

    Tu dis qu’il n’y a pas de clef de lecture, mais c’est justement volontaire, pour laisser à chacun le soin d’interpréter comme il l’entend, selon son cœur. Enfin, je te rappelle aussi autre chose, l’hommage du vice à la vertu, s’ils mettent le Christ là, c’est bien parce qu’Il représente encore quelque chose. Même pour les non-croyants. Or, je préfère largement ça à l’indifférence totale.

    Évidemment, il en va tout autrement de Golgotha Picnic, où il s’agit principalement d’injure, il n’y a pas d’ambigüités possibles.

  • Emmanuel , 1 novembre 2011 @ 18 h 17 min

    @ Côme Prévigny. Vous ne répliquez pas de façon précise aux arguments qui forment la charpente de la réflexion de Myriam Picard. Ce faisant vous avez engagé un dialogue de sourds qui ne produira rien de bon et n’édifiera personne. En tout cas pas moi.

    Je ne saurai assez suggérer à Myriam de réserver son temps et son énergie exclusivement pour répondre à ceux et celles qui auront répliqué à ses arguments de façon précise et de surtout de manière aimable et urbaine.

  • Robert , 1 novembre 2011 @ 18 h 24 min

    Arnold,
    Olé!
    Vous avez visé un point sensible, à savoir la dérive protestante, libre examen, affranchissement de l’autorité apostolique.
    C’est vrai qu’ensuite les leçons de dogme deviennent cocasses.
    Mais en plus, j’ai bien peur que leur sens de l’humour soit défaillant.

  • Tancrède , 2 novembre 2011 @ 3 h 31 min

    Les abbés Grosjean (qui hait les abbés de la FSSPX) et Carriot (qui n’est pas en reste), la chroniqueuse Myriam Picard (pour le site très peu recommandable Riposte laïque) et la prétendue représentante des catholiques de France Christine Boutin ont une conception de l’art particulièrement naïve. Leur approche n’a rien d’intellectuel. Tous quatre estiment que leur Foi est grandie par un tel spectacle. Comme si le blasphème avait une positivité. Or, s’il est vrai d’un côté que le blasphème soude la communauté des fidèles autour de son roi offensé, il n’est pas vrai en revanche que le blasphème fasse grandir la foi. Dans ce cas, l’Église aurait intérêt à encourager les blasphèmes pour évangéliser, et à remettre en cause les représentations qu’Elle a toujours donné de la Passion.

    Et en effet … il y a là un argument qu’on entend souvent sous la plume de ces quatre possédés, c’est que cette pièce (dite) de théâtre nous rappellerait la passion du Christ. On est dans un délire total, et il faut avoir l’esprit vraiment dissolu et désordonné pour pouvoir produire ce genre de comparaisons absurdes. Le Christ fut crucifié après avoir été torturé : sa passion est une souffrance terrible, physique et spirituelle, dont le sang répandu est l’expression et la représentation, sang vivifiant, symbole de vie et arme contre les perfidies de Satan. Il y a une sacrée différence entre le sang et la merde. Peut-être pas pour Christine Boutin qui suinte la servilité et qui, en bonne rampante qu’elle est, n’éprouve pas de différence entre son quotidien et l’image du Christ souillé. Mais en ce jour de la Toussaint, les Catholiques doivent prendre exemple sur leurs héros, sur les saints de l’Église, s’élever comme eux, et non ramper comme Boutin.

    Car à partir du moment où l’on veut parler du Christ, où on veut représenter le sacré, c’est-à-dire la majesté, la grandeur, et l’héroïsme, on ne fait pas cohabiter les images sublimes de ce qu’il y a de plus haut, de meilleur et de plus beau, avec l’abjection de ce qu’il y a de plus bas, de plus vulgaire, de plus laid, de plus mauvais. Mélanger le plus sacré et le plus commun, faire cohabiter Dieu et les sphincters, c’est ce qu’on appelle une profanation, et elle doit être réparée. Au nom des auteurs du R&N, nouvelle gazette catholique en ligne, nous déplorons la le manque de lucidité de certains de nos frères, et nous prions pour eux.

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