Les Amoureux de la France (IV)

La démocratie libérale est la forme institutionnelle qu’a revêtue la liberté politique. C’est le régime qui permet à chacun d’exprimer son opinion et de participer à l’expression de la volonté générale. La démocratie repose sur deux piliers, la souveraineté du peuple et l’Etat de droit. Le premier garantit que les citoyens d’une nation choisissent leur destin sans obéir à une puissance étrangère. Le second protège les libertés de ces citoyens contre les abus des pouvoirs et les empiétements sur leurs droits. La souveraineté est un principe, mais c’est aussi une réalité. Le principe est intangible. La réalité est variable. Par un beau paradoxe, des Etats capables d’assurer leur indépendance, comme la France ou l’Allemagne, ont renoncé à une partie de leur souveraineté au sein de la construction européenne, tandis que des micro-Etats la proclament ou que des régions la revendiquent sans avoir les moyens de l’assurer. La France possède l’arme nucléaire et les moyens de l’utiliser. Elle siège au Conseil de Sécurité de l’ONU comme membre permanent. C’est donc un pays souverain qui ne doit renoncer à sa souveraineté que de manière volontaire, limitée, et dans son intérêt. La France a très souvent adopté une politique internationale libérée de toute autre préoccupation. Elle n’a pas hésité à s’allier avec le Grand Turc pour desserrer l’étau des Habsbourg. La République s’est unie à la Russie tsariste contre l’Allemagne. Le Président Chirac n’a pas suivi les alliés américains dans leur aventure irakienne. Il faut renouer avec cette tradition d’indépendance, notamment en quittant l’OTAN, et en nous dégageant du poids de cette organisation sur l’Europe. Le Moyen-Orient montre à quel point les Etats-Unis se sont fourvoyés, ou nous ont trompés, et à quel point la politique russe du Président Poutine a été plus pertinente que celle d’Obama. Il n’est pas exclu que des Etats européens nous suivent dans cette direction.

Joseph de Maistre écrivait ceci à Louis de Bonald : » Une nation peut-elle mourir sur son propre sol sans transplantation ni pénétration, uniquement par voie de putréfaction, en laissant parvenir la corruption jusqu’au point central, et jusqu’aux principes originaux et constitutifs qui la font ce qu’elle est ? » C’est exactement la question qui se pose à notre pays. L’Empire romain ne s’est pas effondré d’un coup à la suite d’un grand désastre militaire, submergé par une invasion. Il s’est dépeuplé, a perdu les moyens d’assurer sa défense, et a eu recours à des immigrés et à des supplétifs pour combler les vides économiques et militaires. Si la décadence avait ruiné les valeurs qui avaient armé les élites et le peuple de Rome, le christianisme a permis à l’Empire d’Orient de survivre un millénaire, et de convertir les nouveaux arrivants, mais sans empêcher qu’ils prennent le pouvoir en Occident. La « peste blanche », l’effondrement démographique européen, la décadence des élites, la propagation de l’hédonisme, du narcissisme, du relativisme à partir de l’oligarchie qui règne en particulier dans notre pays, le poids d’une population immigrée en provenance de pays culturellement éloignés, dressent un paysage analogue à celui de la chute de Rome. Le fait que notre scepticisme nous amène à cette impasse qui consiste à respecter de manière identique des religions qui n’ont pas le même degré d’intolérance, et à limiter paradoxalement, la liberté de les critiquer, est très inquiétant. Il est plus que temps de défendre le « Limes », temporel et spirituel, de retrouver notre maîtrise des frontières, et de restaurer la transmission décomplexée de notre identité. Souveraineté et identité sont les deux côtés de la même pièce.

La souveraineté et la sauvegarde de l’identité nationale dépendent de la volonté politique. Elles ne conduisent nullement à l’autarcie. Le développement des moyens de communication entraîne mécaniquement la mondialisation des échanges. Il faut veiller à ce que celle-ci ne se fasse pas au détriment des citoyens et à l’avantage d’entreprises privées qui deviendraient plus puissantes que les Etats. Cet impératif place la politique au-dessus de l’économie. C’est la limite du libéralisme. Les libertés individuelles ne doivent pas engendrer un égoïsme nocif pour le groupe mais l’Etat ne doit pas, au nom de son interprétation de l’intérêt général, inhiber les initiatives et la créativité personnelles au risque d’appauvrir la collectivité. L’abandon de l’Etat-Providence et le retour à l’Etat régalien sont donc des priorités. L’Etat doit remplir ses missions prioritaires, de sécurité et de protection, dans les domaines de la défense et de la représentation sur la scène internationale, de la police et de la justice. Il ne doit intervenir sur l’économie que de manière stratégique, soit en période de crise, soit pour soutenir une activité vitale, soit encore pour doter le pays des infrastructures nécessaires à son développement. Cette intervention peut et doit se faire en association avec les collectivités locales, réduites à deux échelons, et en partenariat avec les entreprises. Des pans entiers de l’Etat obèse et dépensier que nous subissons doivent être laissés à l’initiative privée ou locale, sous le contrôle de l’Etat. C’est le cas de l’enseignement où l’action de l’Etat devrait se limiter à la vérification du respect d’un programme comprenant un minimum d’objectifs et d’interdits, et laissant une grande liberté pédagogique à des établissements régionaux et privés. Ce n’est que par cette voie que la France cessera d’étouffer sous une dépense publique supérieure à 50%, qu’elle se libérera du socialisme mortifère.

Reste bien sûr la question de la souveraineté monétaire. Chacun sait aujourd’hui que la monnaie unique a été une faute. Elle revient à sous-estimer le Mark et à surévaluer les monnaies des pays qui ne rattrapaient la compétitivité allemande qu’en dévaluant. On constate que si l’industrie allemande fabrique et exporte des produits chers mais concurrentiels par leur rapport qualité/prix, la France et l’Italie voient leurs industries disparaître. Le chômage français dans certaines régions et pour les travailleurs les plus âgés est la conséquence de notre balance commerciale très déficitaire. Favoriser la consommation au détriment de la production nationale, c’est offrir de l’illusion financée par la dette en se félicitant d’une croissance qui est à terme suicidaire. Le transfert des charges sur la consommation à travers la TVA sociale en vue de dynamiser l’offre était le meilleur moyen d’améliorer la situation. La plupart des pays l’ont choisi en l’intégrant dans un ensemble de mesures allégeant le coût de la protection sociale. La France s’obstine, avec l’augmentation de la CSG, dans une autre voie. Quels qu’en soient les résultats apparents, en termes de chômage ou de croissance, il paraît évident que l’Euro demeure un handicap. Les pays qui ne l’ont pas adopté, mais se situent dans l’orbite de l’Allemagne, comme la Pologne, sont ceux qui ont le mieux traversé la crise de 2008. La comparaison avec la Grèce est éclairante. Cela dit, le retour aux monnaies nationales ne peut se faire qu’en concertation avec les autres membres de la zone euro. Il ne peut se réaliser qu’en maintenant l’effort de rigueur, et non dans le but de l’abandonner. On ne doit pas considérer un but aussi difficile à atteindre comme une priorité qui paniquera beaucoup de Français. La pédagogie, le référendum, et… le temps seront nécessaires.

Ceux qui aiment la France ont un double combat à mener, contre la décadence et contre le déclin, contre la facilité en un mot. ( à suivre)

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