Marc Crapez : “À l’UMP, le pouvoir de persuasion l’emporte dorénavant sur la force des convictions”

Entretien avec Marc Crapez, chercheur en science politique, sur l’actualité politique de la semaine écoulée.

Comment considérez-vous les scores des participants à l’élection du président de l’UMP ?
Les scores sont riches d’enseignement à bien des égards. La surprise vient, effectivement, de Bruno Le Maire, dont la percée constitue une jolie performance. On trouve pêle-mêle dans ce vote attrape-tout de l’anti-sarkozysme, une volonté de rajeunissement et surtout une demande de considération. Il a promis d’être à l’écoute, de consulter les militants et d’instaurer une démocratie interne. Il a pris une posture d’incorruptible sur la question des affaires, juré de conserver le sigle UMP et fait allégeance au sens commun (comment prétendre gérer la France si l’on n’arrive déjà pas à gérer l’UMP !).

L’ancien ministre de l’agriculture a labouré le terrain en allant à la rencontre des fédérations. En privé, les hommes politiques se targuent de leur pouvoir de séduction sur une simple poignée de main. Et c’est vrai que souvent ça marche. Porté par la bienveillance médiatique, mais aussi par de l’audace et du talent, Bruno Le Maire a su cultiver une image de sémillant technocrate néanmoins proche des préoccupations populaires.

Il a même réussi à présenter comme une forme de parler-vrai son hostilité à l’abrogation de la loi Taubira. Cette prise de position a pu attirer à lui des adversaires de cette loi, qui considèrent, cependant, que l’heure n’est pas à des promesses d’abrogation pouvant apparaître hors de propos voire revanchardes.

Par une sorte de dédoublement de personnalité, Le Maire a débordé Sarkozy sur sa droite en prétendant « assumer un positionnement de droite », hostile à une réintégration de l’UDI dans l’UMP. C’est paradoxal puisqu’on ne voit pas très bien ce qui le distingue lui-même de l’UDI. Ne se glorifiait-il pas de « défendre l’idée des Etats-Unis d’Europe » et une « droite du centre » ?

Hervé Mariton, pour sa part, a reconnu s’être laissé « enfermer dans un corner » en défendant des revendications catégorielles. Effectivement, il n’a guère fait mieux que jadis Christine Boutin. Ce député assidu n’a pas su se rendre audible. Nicolas Sarkozy, enfin, est apparu égal à lui-même. Constant dans sa critique de l’égalitarisme, du nivellement, de l’uniformité et de la médiocrité, plus sinueux par ailleurs. En tenant la plume depuis le meeting de Paris, Henri Guaino a accentué l’euroscepticisme et gommé le libéralisme (telle la critique de l’assistanat que la gauche disqualifie en l’accusant de « chasse aux chômeurs »). Compte-tenu du bouleversement que constituait une primaire, procédé qui pousse à l’engouement en faveur de nouveaux candidats, comme en témoigne la primaire socialiste de 2011, le score de Sarkozy n’est pas aussi mitigé qu’on veut bien le dire.

“Alors que Juppé réclamait des primaires élargies à l’UDI et a fait croire que Sarkozy y était opposé, ses lieutenants ont appelé à voter Le Maire qui, lui, veut exclure l’UDI des primaires !”

Quel bilan peut-on faire de la campagne pour la présidence de l’UMP ?
Le bilan de ce scrutin interne est positif. Le vote électronique s’est bien déroulé et, surtout, la droite a sélectionné son champion sans s’étriper. Parmi les candidats en lice, c’est Mariton, l’outsider, qui a le plus critiqué ses concurrents (rappelant que Le Maire fut invité aux 20 heures de toutes les chaînes, fut client de Bygmalion, fut accusé par la presse de rémunérer sa femme comme assistante parlementaire pour un emploi flou sinon fictif).

Comme je l’ai démontré ailleurs, au sein de la droite en général, les hostilités ont été ouvertes par Juppé et non par Sarkozy, qui n’a répliqué que dans son dernier meeting en critiquant les « notables de la politique ». Au soir de l’élection de Sarkozy à la tête de l’UMP, ses rivaux pour la future primaire se sont montrés acerbes, François Fillon déclarant que « l’union n’est pas la soumission » (ce qui insinue que c’est ce qu’exige habituellement Sarkozy), ou encore pédants, tel Alain Juppé : « Je suis prêt à l’aider s’il est sur la ligne que j’ai indiqué, d’un large rassemblement de la droite et du centre » (BFM TV). On ne saisit pas très bien de quelle légitimité il tirerait l’onction qui l’habilite à définir ainsi la doctrine.

Leurs projets respectifs se distinguent-ils vraiment ou s’agit-il seulement d’une guerre d’egos, de méthodes, voire de générations ?
Il a fallu déchanter sur le renouvellement promis par les générations. Les travers de l’éternel humain sont des constantes. Et parallèlement à certaines améliorations, on peut déplorer la perte de doctrines qui véhiculaient des repères. Chirac a enterré le gaullisme et Bayrou a poignardé la démocratie chrétienne. De Pierre Méhaignerie à Philippe de Villiers, des voix venues de l’ancienne UDF se sont progressivement éteintes, qui étaient de bon conseil ou de solide objection.

Globalement, le pouvoir de persuasion l’emporte dorénavant sur la force des convictions. En 2011, les candidats à la primaire socialiste étaient entrés dans l’arène avec de vraies divergences. Les leaders de l’UMP, eux, n’ont plus guère de projets spécifiques et distincts. On assiste à un chassé-croisé tactique, où chacun calcule ses chances et prend, au jour le jour, des positions qu’il juge avantageuses, quitte à en changer.

Un exemple saute aux yeux. Alors que Juppé réclamait des primaires élargies à l’UDI et a fait croire que Sarkozy y était opposé, ses lieutenants ont appelé à voter Le Maire qui, lui, veut exclure l’UDI des primaires ! Et personne n’observe cette contradiction flagrante.

Quant à Fillon, il confiait à quelques semaines de la présidentielle 2012 : « En cas de victoire, je sais exactement ce qu’il faudrait faire. Au lendemain de l’élection, il faudrait un énorme tour de vis. Cela crierait pendant quelques semaines et après, plus rien ». Cette remarque, d’un ex-Premier ministre qui a dilapidé ses cent jours, postule que l’immobilisme des 30 dernières années est la faute au peuple, alors qu’il est du à la lâcheté et à la démagogie des élites.

Entretien à suivre…

> la page Facebook de Marc Crapez

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19 Comments

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  • marie france , 1 décembre 2014 @ 1 h 02 min

    ce que je comprends ,ces messieurs font un espèce de jeu entre eux ,à qui gagnera,le peuple ils s’en fichent royalement !!sarko nous a mis dans la mouise,mariton à part abroger la loi taubira ne propose rien de nouveau ,quand à le maire lui dit haut et fort qu’il est pour l’europe et les amerlocs ,des 3,il me paraît le plus sincère ,mais je n’en veux pas !!pas plus que juppé,fillon,etc …quand à la gauche à, part défendre les immigrés !!ils se fichent de nous ,il n’y a que leurs portefeuilles qui veulent garnir !!ils me dégoûtent tous !!je ne mets pas de majuscules ,puisqu’ils ignorent le peuple ,puisque d’aprés fillon ,ce serait de notre faute si nous sommes dans cette situation,moi je les em….à pied à cheval,et en voiture,sur cette diatibe je vais “prêter “mes yeux aux aveugles !bonsoir. ….pardon:”diatribe”

  • mariedefrance , 1 décembre 2014 @ 6 h 53 min

    Je crois que cette formule est très opportune :

    “”« À l’UMP, le pouvoir de persuasion l’emporte dorénavant sur la force des convictions »

    Ils ne sont que des “vendeurs” avec un argumentaire bien ficelé.
    Le principal pour “la droite républicaine” étant de reprendre la main sur une gauche complètement HS.

    N Sarkozy, hier soir, a été terne et sa voix doucereuse, fausse.
    J’attends de voir ce qu’il en sortira avec Bruno Le Maire qui ne veut même pas d’un changement de nom pour l’UMP et Juppé dont la haine hier soir transparaissait clairement. Il avait comme un air de “je l’attends au tournant”

    Le “RASSEMBLEMENT” sincère et combatif n’est pas à l’UMP ou au PS mais bien ailleurs !

    NS a-t-il été démocrate, lui, quand il a torpillé le traité européen refusé par les Français ??

  • micaelli , 1 décembre 2014 @ 8 h 04 min

    Il ne faut absolument pas retomber dans le piège de l’ Europe-mondialiste UMPS ..
    Il est vital de trouver un parti NOUVEAU chargé de gérer HONNÊTEMENT la FRANCE …..
    ( et pas un ramassis de LGBT plus ou moins PRO-AMERICAINS ! ) ……

  • trahi , 1 décembre 2014 @ 8 h 54 min

    Sil y avait encore des étoiles, je vous en aurais remis quelques unes…Ne pas oublier que le mensonge est topujours présent à l’UMP comme au PS! Quand ils disent que Sarkozy a obtenu les 2/3 des adhérents, encore un GROS MENSONGE!!!280000 encatés (parait il) et 154000 votants…donc Sarkozy obtient 64% des 154000 ce qui fait entre 30 et 35% des inscrit…Il n’y a pas de quoi pavoiser!!!!

  • DitratoKa , 1 décembre 2014 @ 10 h 06 min

    Et si on renplaçaient tous ces magouilleurs par Louis XX pour voir ?

  • montecristo , 1 décembre 2014 @ 11 h 20 min

    Il y a de quoi se poser des questions sur la psychologie de ceux qui courent après le pouvoir. Il y a de quoi se demander s’ils dirigent pour faire le bonheur de leurs concitoyens ou par gout du pouvoir dont ils se servent (avec leurs mensonges) par haine du peuple ! Ou tout simplement s’ils n’ont pas une revanche à prendre sur leur propre pays ! Ou encore s’ils n’ont pas de gros problèmes existentiels ? Ou plus exactement s’il ne leur suffit jamais d’amasser les milliards ?
    Il existe des tribunaux pour sanctionner les crimes et délits de tout citoyen. Il existe des codes pour établir des règles de fonctionnement de toutes sortes d’organisations et d’administrations. Y compris des codes de déontologie. Il existe même des flics pour contrôler les flics.
    Donc … puisqu’il est nécessaire de remettre le bon sens et la raison sur les rails … puisqu’il parait que le pouvoir est exercé par le peuple et pour le peuple … puisque les responsables ont besoin d’apprendre à renouer avec la bonne vieille sagesse de nos anciens … puisqu’il est urgent de retrouver nos excellents principes d’antan qui permettaient de vivre en harmonie … pourquoi n’existerait-il pas un code de bonne conduite des politiciens et de tout responsable … avec le peuple pour juge ?
    Je suis de plus en plus écœuré de la manière dont le peuple se laisse manipuler. Il est temps qu’il reprenne sa liberté.

  • pas dupe , 1 décembre 2014 @ 11 h 31 min

    Des élections qui ont été fraudées, voilà l’évidence ! Il fallait bien s’y attendre. D’ailleurs une plainte a été déposée par Chatel puisque ce vote a subi des cyber-attaques à peine le scrutin ouvert !!! Mais les Français connaissent la politique de l’ump pour avoir déjà vécu cette situation il y a deux ans, pas de re-vote !!!
    Ce matin monsieur Mariton évoquait le problème des noms composés non pris en compte dans cette élection, comme déjà à la précédente !!!

    Mr Sarkozy qui a refusé de se plier au moindre débat (cela aurait été trop dégradant pour sa petite personne) est soi-disant élu ; car évidemment il ne risque pas de rejouer sa tête dans un autre vote plus sérieux ; quand on connaît la fiabilité d’un vote électronique, c’est consternant !!! Mais, la Goldman Sachs a investi, alors !

    “Pour quelques dollars de plus : Nicolas Sarkozy élu président de l’UMP”
    http://christroi.over-blog.com/article-pour-quelques-dollars-de-plus-nicolas-sarkozy-elu-president-de-l-ump-125107602.html

    Il est intéressant d’entendre Morizet, ce matin, la fraudeuse du scrutin ump lors des primaires pour les municipales dernières, s’exprimer sur l'”élection soviétique” du FN, il est vrai quand on a eu comme elle un grand-père communiste et un conseiller communiste, elle sait de quoi elle parle !!!!
    Lorsque Morizet prétend par ailleurs que madame Le Pen a favorisé l’élection de Hollande alors que le “pacte républicain” est systématiquement appliqué à chaque élection, là où un candidat France FN se présente, cette femme n’est qu’une honte pour ce pays !!!! Madame Le Pen n’a certainement pas, comme elle, participé à la destruction de la France en imposant le traité de Lisbonne, le MES, le gender, l’entrée de la Turquie dans l’Europe, le traité transatlantique…. Morizet, c’est certain, elle a un bagage !

    L’ump vient à nouveau de démontrer qu’un individu qui a été impliqué dans l’affaire bygmalion, notamment, dans des fraudes, qui fait l’objet de procédures judiciaires, se trouve être le candidat potentiel idéal pour représenter un parti traître au pays… Belle déduction.

    Dire que tout s’est bien passé, c’est une fois encore se moquer du peuple !!! Il est évident qu’il y a eu fraude. Mais l’honneur de Sarkozy est sauf ! C’était le but recherché, l’imposer !
    L’ump n’est pas à cela près. “les cons çà osent tout, c’est même à çà qu’on les reconnaît !”

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