C’est de sa faute, M’sieur !

Tribune libre

Nous nous y attendions, voici qu’arrive la grande explication, la grande justification, l’excuse imparable : « La situation est pire que ce que nous croyions ! »

François Hollande avait demandé à son ami socialiste et Président de la Cour des Comptes Didier Migaud un audit. Il s’agit du « Rapport sur la situation des finances publiques » et il est, depuis hier soir 30 juin 2012, sur le bureau du Président de la République. Peu de surprises et beaucoup de mauvaises nouvelles au menu. Tout d’abord, il manque entre 7,5 et 8 milliards d’euros pour tenir l’objectif de réduction du déficit auquel le gouvernement Fillon s’était engagé et que Moscovici a réaffirmé pour cette année. Déficit de 4,5% du PIB. Nous verrons plus loin à quoi cela correspond exactement et comment le gouvernement Ayrault compte s’y prendre. En tous cas, cela passera par d’importantes hausses d’impôts qui seront annoncées mercredi au Conseil des ministres et que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer. Au fil des pages, Didier Migaud, bien obligé, se permet quelques recommandations sur les économies à faire.

Il faut dire que la situation n’est pas brillante. Commençons par une photographie.

Au premier trimestre de cette année, entre le 1er janvier et le 31 mars, donc, le dette publique de la France a augmenté de 72,4 milliards d’euros (dont 46,8 au titre de l’État) !!!

Ceci nous amène donc au niveau d’endettement suivant:

  • 1 381,9 milliards d’euros de dette au titre de l’État
  • 236,6 milliards d’euros de dette au titre des administrations de sécurité sociale
  • 160,9 milliards d’euros de dette au titre des administrations publiques locales
  • 10 milliards d’euros au titre de certains organismes liés à l’administration centrale

Soit un total de dettes de 1 789,4 milliards d’euros… Bien évidemment, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’aborder dans d’autres articles, ce calcul est établi sur les critères de Maastricht afin d’avoir une base de comparaison commune à tous les pays d’Europe. Il ne prend pas en compte un certain nombre d’éléments parmi lesquels, concernant particulièrement la France, les retraites des fonctionnaires à valoir (il s’agit pourtant d’un engagement de l’État et toute comptabilité privée en tiendrait compte) ni les garanties et cautions apportées aux différents fonds de soutien ou pays européens et dont nous savons qu’ils sont pour une bonne part d’entre eux extrêmement risqués…

D’aucuns vous diront que ces 1 789,4 milliards d’euros ne représentent « que » 89,7% du PIB. C’est oublier, erreur que ne commettent pas les lecteurs avertis de Nouvelles de France, que la dette se rembourse avec les recettes de la sphère publique et non avec le chiffre d’affaires de la France. Ainsi, les 1 381,9 milliards d’euros de dette au titre de l’État représentent plus de six ans de recettes de l’État (219,6 milliards d’euros). Chercher à maintenir le déficit du budget de cette année à « 4,5% du  PIB », c’est générer 90 milliards d’euros de déficit supplémentaire dont 78 au niveau de l’État.

“Les principaux efforts seront demandés aux contribuables.”

Cette situation catastrophique ne tient que dans la mesure où Jean-Marc Ayrault réussit à assurer les engagements de la France. Pour ce faire, il manque des recettes dans les caisses de l’État : la TVA rentre mal, ainsi que l’impôt sur les sociétés, dont les estimations sont jugées surévaluées. L’économie est en panne. Le gouvernement aurait calé sa prévision de croissance 2012 sur celle de l’Insee, soit +0,4%. Prévision estimée optimiste par bon nombre d’observateurs y compris la Banque de France. Dans tous les cas, le budget ayant été établi sur des perspectives de +0,5%, des mesures de rigueur et d’économies s’imposent.

Certains éléments du budget de cette année vont servir de prétexte pour justifier les mesures qui se préparent. Le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, a ainsi découvert au moins 1,5 milliard d’euros de dépenses mal financées par ses prédécesseurs. Par exemple, la prime de Noël pour les allocataires du RSA et diverses mesures de solidarité feraient défaut pour 300 millions d’euros, 200 millions d’euros de baisses de charges promises aux agriculteurs n’auraient pas été provisionnées, ainsi que des bourses aux étudiants, des programmes pour l’hébergement d’urgence, et, de façon plus classique, des dépenses militaires. Même si tout cela ne fait le compte des économies nécessaires, même si d’autres dépenses dues aux promesses électorales sont à prendre en compte et augmentent encore le déficit, l’axe de communication du gouvernement sera celui là. « L’imprévoyance » du gouvernement précédent est la cause des mesures à prendre.

Afin de ne pas être accusé de laxisme, le gouvernement présentera certainement un plan visant à geler les budgets de fonctionnement des ministères, voire à en réduire certains. Jean-Marc Ayrault s’apprête donc à confisquer aux ministres une enveloppe variable selon leur portefeuille. La Défense sera le plus touché.

Mais, comme nous le savons déjà, les principaux « efforts » (élément de langage utilisé par l’exécutif pour parler de rigueur) seront demandés aux contribuables. Nous l’avons déjà évoqué dans d’autres articles : L’ISF sera  rétabli dans son régime antérieur, le régime des droits de succession sera durci, une nouvelle taxe s’appliquera aux dividendes. Il semblerait qu’une nouvelle mesure soit en préparation : Les bénéficiaires de primes d’intéressement et de participation (7 millions de personnes) verront le forfait social passer de 8% à 20%. Comme nous l’avons déjà évoqué, les augmentations de charges et augmentations fiscales prévues sur les entreprises risquent quant à elles de ne pas permettre un redécollage de l’économie.

Bref, contrairement à ce qu’il avait annoncé, le gouvernement est contraint de prendre des mesures d’économies lourdes concernant le fonctionnement de l’État et des mesures fiscales importantes concernant les contribuables. Et ce d’autant plus que le Président Hollande s’est engagé vis à vis de la Chancelière Merkel à faire adopter la règle d’or et à respecter le pacte d’équilibre. C’est à cette condition unique que la dame de Berlin a consenti à un effort sur un éventuel plan de relance européen.

Au fait, et comment faire si la croissance n’est même pas de 0,4% cette année ?

> Ce décryptage est publié en partenariat avec MaVieMonArgent.info.

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